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ÉCLAIRAGE-Le dossier de l’échange de prisonniers entre Israël et le Hezbollah n’est pas clos Le médiateur allemand reprend du service, mais les difficultés restent énormes

Désormais, le mot d’ordre est clair : silence, on négocie. Après deux jours de pourparlers intensifs et discrets avec le secrétaire général du Hezbollah, sayyed Hassan Nasrallah, le médiateur allemand a exigé le secret total comme condition indispensable à la poursuite de sa mission. Pour ceux qui suivent l’opération, c’est déjà un signe positif, car cela signifie que la médiation se poursuit et que le dossier de l’échange des prisonniers n’est pas définitivement clos.
Après avoir écouté la position du Hezbollah, que seul le secrétaire général peut exprimer, puisqu’il tient le dossier entre ses mains, le médiateur allemand a donc estimé qu’une chance d’aboutir à un résultat concret existe encore et qu’elle justifie une nouvelle navette de sa part entre la formation libanaise et ses interlocuteurs israéliens.
Mais la question qui se pose reste la suivante : sur quoi peut porter le nouveau round des négociations, alors que sayyed Nasrallah a clairement défini ses positions : pas question d’accepter le moindre échange qui n’engloberait pas tous les prisonniers libanais, à leur tête, leur doyen, Samir Kantar.

Une condition qui s’est retournée contre les Israéliens
Certains observateurs constatent à ce sujet que le refus du gouvernement israélien d’inclure Kantar dans l’échange s’est retourné contre lui, puisque, d’une part, il a montré son manque de crédibilité, en affichant publiquement un désaveu de précédents engagements et, d’autre part, il a renforcé celle du Hezbollah, qui, non seulement respecte les siens, mais se présente désormais comme une force nationale, qui traite tous les Libanais à égalité, qu’ils soient membres de la formation ou non.
En fait, les Israéliens auraient fait une erreur d’appréciation au sujet de la position de Nasrallah, croyant qu’il s’agissait d’une simple manœuvre destinée à obtenir la libération d’un plus grand nombre de détenus, palestiniens notamment. Mais sayyed Nasrallah aurait bien expliqué à son interlocuteur allemand qu’une telle analyse démontre un manque total de connaissance de sa propre personne. Il aurait ainsi rappelé qu’il a attendu trois ans pour que les Israéliens acceptent d’inclure hajj Moustapha Dirani et cheikh Abdel-Karim Obeid dans la liste de prisonniers prévue pour l’échange. C’est dire qu’il ne revient jamais sur ses positions. Mais il aurait précisé que cette fois, il n’est pas prêt à attendre trois nouvelles années, pour que Samir Kantar soit à son tour inclus dans l’échange. Sa menace d’enlever de nouveaux soldats israéliens devrait donc être prise au sérieux. Par contre, celle des Israéliens de l’enlever lui-même, en riposte à ses propres menaces, ne l’effraierait nullement.
Selon des sources proches du Hezbollah, qui s’aventurent à évoquer les négociations malgré le mot d’ordre de silence, le médiateur allemand aurait parfaitement compris la position de sayyed Nasrallah et lui aurait même déclaré que son attitude a été honnête tout au long des négociations. Il aurait toutefois demandé un peu de temps pour poursuivre sa mission, à condition de pouvoir le faire dans la plus grande discrétion. Il aurait précisé à cet égard que le Hezbollah n’a jamais fait preuve d’indiscrétion ou n’a jamais laissé filtrer des informations à la presse, contrairement aux Israéliens. D’ailleurs, la médiation dure depuis des mois, et sayyed Nasrallah n’en a parlé publiquement que lorsqu’il se trouvait acculé à le faire à cause des fausses informations publiées dans la presse israélienne.
Enfin, le médiateur allemand aurait exprimé le souhait que les considérations internes à chacune des parties soient mises de côté afin de donner une chance au processus, car, selon lui, cette chance existerait bel et bien. Là aussi, le médiateur allemand aurait reconnu que disposant d’un blanc-seing total pour mener les négociations en toute liberté, le Hezbollah serait moins tenté que les Israéliens de poser des conditions destinées à renforcer sa position interne, puisque, sur ce plan, il n’a pas vraiment grand-chose à craindre, jouissant d’un appui total de la part de l’État.

Remise de peine de Kantar contre informations sur Ron Arad
Mais ce n’est pas pour autant qu’il renoncera à Samir Kantar. Dans ces conditions, que pourra proposer le négociateur allemand aux Israéliens ? Selon les sources précitées, le Premier ministre israélien peut encore trouver un moyen pour revenir sur la précédente décision de refus de libérer Kantar s’il obtenait quelque chose en contrepartie. Et ce quelque chose devrait essentiellement porter sur le sort de l’aviateur Ron Arad, dont l’avion est tombé au Liban, dans la foulée de l’invasion israélienne de ce pays en 1982. Si les Israéliens sont convaincus que le destin de l’aviateur s’est joué en Iran, ils pensent aussi que certains Libanais sont au courant de détails le concernant. C’est pourquoi ils multiplient les pressions pour tenter d’obtenir des informations sur ce sujet. Mais les Libanais, eux, estiment que le sort de Arad relève d’une tout autre négociation et, par conséquent, il ne peut en aucun cas faire partie de l’opération actuellement en cours. Pourtant, les milieux qui suivent cette affaire relèvent qu’une délégation iranienne chargée d’enquêter sur la disparition de diplomates iraniens du côté de Barbara (au nord du Liban) en 1982 devrait venir à Beyrouth au cours des prochains jours. Selon eux, si cette affaire est soulevée, elle pourrait permettre de débloquer la question du sort de Ron Arad. Mais, pour cela, il faudrait aussi que les Iraniens obtiennent un acquis qui leur permettrait à eux aussi de sauver la face et ils sont convaincus que leurs diplomates auraient été enlevés par les Forces libanaises et envoyés en Israël. L’État hébreu a nié être impliqué dans cet enlèvement, mais rien n’empêche de négocier les moindres informations, si la contrepartie est satisfaisante.
Le médiateur allemand a donc fort à faire et les blocages demeurent énormes. Mais les Israéliens ont déjà soumis une proposition de solution qui consisterait à rouvrir le procès de Samir Kantar, de manière à réduire sa peine à 25 ans de détention (au lieu de 542). Il pourrait ainsi être libéré dans quelques mois. Évidemment, ce miracle ne se produirait pas gratuitement.
Reste à savoir le prix que le Hezbollah est prêt à payer pour mener à bien l’échange des prisonniers.
Scarlett HADDAD
Désormais, le mot d’ordre est clair : silence, on négocie. Après deux jours de pourparlers intensifs et discrets avec le secrétaire général du Hezbollah, sayyed Hassan Nasrallah, le médiateur allemand a exigé le secret total comme condition indispensable à la poursuite de sa mission. Pour ceux qui suivent l’opération, c’est déjà un signe positif, car cela signifie que...