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CORRESPONDANCE - Sur les cimaises de la bibliothèque consacrée au célèbre dramaturge Shakespeare « faux, falsifications et fac-similés » (photo)

WASHINGTON-Irène MOSALLI
«Rien n’a ordinairement l’air plus faux que le vrai, et le faux a toujours des apparences très grandes de probabilité. » Dixit Théophile Gauthier. Et qui mieux que Shakespeare a navigué entre le réel et le factice. Au point que ce dernier élément, cultivé avec brio durant des siècles, a donné lieu à une exposition des plus originales intitulée « Faux, falsifications et fac-similés ». Elle se tient actuellement à Washington, à la Folger Library, la plus grande bibliothèque du monde consacrée uniquement à Shakespeare et à ses œuvres.
On connaît les théories portant sur l’incertitude de l’identité et des écrits du célèbre dramaturge anglais. Notamment, celle avançant qu’il n’était qu’un prête-nom derrière lequel se cachait un grand personnage, Françis Bacon par exemple. Il y eut aussi plusieurs autres spéculations.
Vient s’ajouter à cette nébuleuse, les exploits d’adroits falsificateurs qui, eux, ont réussi, pendant un moment, à faire passer de la littérature de leur cru comme étant celle de l’auteur de Hamlet. Ces maîtres de la supercherie ont tellement peaufiné leur tâche qu’aujourd’hui on revisite leurs créations. À savoir la Folger Library, qui donne à voir les réalisations de deux faussaires devenus célèbres, William Henry Ireland et John Payne Collier.

Refaiseur de littérature,
un hobby
Chacun a agi de la sorte pour différentes raisons. William Henry Ireland (1777-1835) avait un père qui collectionnait des objets et des documents ayant trait à Shakespeare, dont il était un fervent admirateur. Un jour, William Ireland clame qu’il a découvert une cache contenant des papiers de Shakespeare, dont une lettre écrite de la main de la reine Elizabeth I dans laquelle elle félicite l’auteur pour ses « beaux versets ». En fait, la missive était conçue et réalisée par William.
Son père, ne se doutant de rien, en a été ravi. Ce qui a poussé le fils à produire d’autres « trouvailles », y compris une entière pièce de théâtre qu’il a présentée comme inédite et qui s’intitulerait Vortigern. Elle fut même mise en scène. Mais un expert en études shakespeariennes, Edmond Malone, a mis violemment en doute l’authenticité de l’œuvre. Lors de la première représentation (il n’y en a pas eu d’autres), le public a lancé des oranges pourries sur les acteurs.
En définitive, William Henry Ireland a dû confesser son mensonge. Son père, qui avait tant investi dans ce supposé trésor, a tenu à défendre fermement sa véracité. D’autant qu’il pensait son fils incapable d’un tel tour de force. Lequel fils, selon les psychologues, serait un homme malheureux et déséquilibré.
Il est un autre trompeur, John Payne Collier, autrement plus perfide. C’était un spécialiste en histoire et en littérature anglaises, fort respecté. Il avait néanmoins la mauvaise habitude d’insérer ses vers et sa prose dans les études qu’il rédigeait, notamment l’Histoire de la poésie dramatique anglaise, publiée en 1831.
En 1852, il dit avoir trouvé un volume de pièces de théâtre de Shakespeare remplies de corrections et d’annotations. On cria au scandale, mais Collier s’en est tenu à sa version et, qui plus est, a continué à s’adonner à ce jeu d’altération jusqu’à sa mort à l’âge de quatre-vingts ans.
Un hobby comme un autre pour ces refaiseurs de littérature qui trouvaient leur compte dans les tourmentes shakespeariennes et, plus particulièrement, celles du personnage d’Iago (Macbeth) qui dit : « Je ne suis pas ce que je suis. »
WASHINGTON-Irène MOSALLI«Rien n’a ordinairement l’air plus faux que le vrai, et le faux a toujours des apparences très grandes de probabilité. » Dixit Théophile Gauthier. Et qui mieux que Shakespeare a navigué entre le réel et le factice. Au point que ce dernier élément, cultivé avec brio durant des siècles, a donné lieu à une exposition des plus originales intitulée...