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PERSPECTIVES La tension régionale au centre de la visite de Lahoud demain à Damas

L’information a peut-être constitué une surprise pour le Libanais moyen mais sans doute pas pour les milieux politiques. La présidence de la République a annoncé hier soir, dans un communiqué laconique de deux lignes, que le chef de l’État, le général Émile Lahoud, effectuera demain, mardi, une visite en Syrie, « en réponse à une invitation officielle du président syrien Bachar el-Assad ». Pour les observateurs avertis, cette concertation libano-syrienne au sommet s’inscrit dans la logique des choses compte tenu des tensions qui vont crescendo au double plan local et régional.
Nul n’ignore à cet égard que la brouille, voire le divorce, entre le président Lahoud et le Premier ministre, Rafic Hariri, a atteint un stade avancé à tel point que le fonctionnement de l’Exécutif s’en ressent à différents échelons du pouvoir. Les deux hommes ne se voient qu’à la faveur des réunions du Conseil des ministres et toutes les tentatives d’organiser une entrevue entre eux, en dehors de ce cadre, ont fait choux blanc. La guerre larvée entre les deux camps alimente les colonnes de la presse écrite et les bulletins des médias audiovisuels. En coulisses, les sources proches de Baabda accusent Koraytem, d’une manière à peine voilée, de s’employer sciemment à bloquer toute amélioration socio-économique afin d’accroître le marasme généralisé pour qu’à l’échéance présidentielle de l’automne prochain, les chances d’une reconduction ou d’une prorogation du mandat Lahoud soient réduites à néant. Les milieux de la présidence du Conseil renvoient, de leur côté, la balle à Baabda, affirmant que ce sont le chef de l’État et ses alliés au sein du gouvernement qui torpillent les efforts de M. Hariri visant à honorer les engagements pris à Paris II.
Ce climat de suspicion perceptible dans les hautes sphères envenime les rapports interministériels et porte un sévère coup à la cohésion au sein du gouvernement. Les déclarations faites le week-end dernier par deux ministres illustrent de façon éclatante cette dissonance qui frappe l’Exécutif. Le ministre Ali Hassan Khalil (proche d’Amal) a ainsi souligné que « les circonstances ne sont pas propices à un changement ministériel rapide », alors que le ministre d’État Karam Karam (plutôt proche de Baabda) se prononçait sans ambages pour la mise sur pied d’un nouveau cabinet « car la gestion du gouvernement n’est pas acceptable ».
Des rumeurs persistantes au sujet d’un prochain départ de l’équipe Hariri ont focalisé l’actualité locale ces derniers jours. D’aucuns affirment que Baabda souhaiterait vivement former un nouveau gouvernement afin d’avoir les coudées franches pour donner un sérieux coup d’accélérateur aux efforts de redressement, l’enjeu étant d’enregistrer des acquis substantiels pour accroître la probabilité d’un renouvellement du mandat présidentiel. De là à souligner que cette question sera examinée lors des entretiens du président Lahoud avec son homologue syrien, il n’y a qu’un pas que nombre d’observateurs se sont empressés de franchir hier soir. Le dossier de la situation gouvernementale pourrait sans doute être discuté au cours de la rencontre au sommet, mais il paraît exclu qu’une décision soit prise à ce sujet. Aucun changement ministériel ne semble envisageable dans l’immédiat tant que le projet de budget n’est pas voté par le Parlement. Cela donne un sursis d’au moins deux mois au cabinet Hariri.
Mais bien au-delà de ces considérations internes au Liban, c’est vraisemblablement la conjoncture régionale véritablement explosive qui devrait être au centre de l’entretien Lahoud-Assad. Les menaces israéliennes contre le Liban (et la Syrie) sont prises très au sérieux par Beyrouth, d’autant qu’elles coïncident avec la visite du ministre israélien de la Défense, Shaoul Mofaz, aux États-Unis. Le contexte international se prête d’ailleurs à une possible escalade sur le front libano-syrien. Avec le vote massif du Syria Accountability Act par le Sénat et la Chambre des représentants US, Damas est, plus que jamais, dans le collimateur de Washington. Sans compter le Hezbollah qui ne cesse d’être pointé du doigt aussi bien par les dirigeants israéliens que par l’Administration Bush.
Les nuages s’amoncellent à l’horizon régional. Reste à savoir comment et dans quelle mesure le déplacement du président Lahoud sur les bords du Barada parviendra à atténuer, à défaut d’empêcher, la tempête qui risque de s’abattre sur le pays.

Michel TOUMA
L’information a peut-être constitué une surprise pour le Libanais moyen mais sans doute pas pour les milieux politiques. La présidence de la République a annoncé hier soir, dans un communiqué laconique de deux lignes, que le chef de l’État, le général Émile Lahoud, effectuera demain, mardi, une visite en Syrie, « en réponse à une invitation officielle du président...