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THÉÂTRE - « L’Aveugle » et autres textes de Gibran K. Gibran mis en scène par Walid Fakhreddine au théâtre Monnot * Entre le Bien et le Mal(photo)

L’adaptation par Walid Fakhreddine de L’aveugle et autres textes de Gibran Khalil Gibran aurait-elle gagné à être resserrée en moins de 100 minutes? Ou est-ce le fait qu’il ait eu droit à deux pièces en une représentation qui a rendu le public impatient? Toujours est-il que nous sommes là en présence d’un théâtre pour le moins déroutant. Une chose est sûre, cependant : les acteurs, tous, tirent très honorablement leur épingle du jeu.
«Parce que la problématique de l’existence est la même depuis toujours, les textes de Gibran ont traversé le temps.» Walid Fakhreddine a raison. Porteur de vérités simples, le verbe de Gibran n’a pas pris – et ne prendra sans doute jamais – de rides. Citoyen du monde aux paroles lumineuse, il parle de l’amour, la haine, la liberté, le destin, la vie et la mort, Dieu, les sentiments. Bref, des sujets à portée universelle.
Transposer sur les planches les pensées d’un homme dont le verbe retentit encore à travers le monde n’est pas une mince gageure. D’autant plus que le souffle spirituel des écrits, s’il n’est pas bien dosé, risque de virer à l’aigre s’il est clamé à l’instar d’une récitation écolière…
À l’avant-scène, comme un rideau entre le public et les planches, des cordes suspendues. Dépouillée, la scène dévoile ses acteurs sous un jeu de lumières subtil. En toile de fond, un écran de projection sur lequel on verra, tout au long de la représentation, des toiles de Gibran.
L’Aveugle est une pièce de Gibran peu connue. Sans doute parce qu’elle n’a été traduite à l’arabe que dans les années 90. L’histoire gravite autour de deux couples : la jeune fille et son beau-père aveugle, ainsi que la mère et son amant. Il s’avère que cet aveugle est le plus voyant de tous. «Ainsi “aveugle” est peut-être le mot, l’image actuelle que nous voudrions, en silence, graver sur les fronts de nos gardiens de la cité qui se montrent tout voyants et tout vus, mais surtout tout sourds à nos sages d’hier.» Un fleuve logorrhéique rassemblera l’ autisme de cette famille décomposée jusqu’à en brouiller toutes les grilles de lecture, et c’est une performance en soi que de laisser chaque spectateur dans la confusion de sa propre réflexion.

Le diable par la queue
Satan est un texte qui met face à face un homme de Dieu et Satan. Les gens du village considèrent le père Semaan comme leur guide dans la spiritualité et la théologie. En se promenant dans la forêt, entre deux prêches, il tombe sur un homme gravement blessé. Ce dernier le supplie de l’aider. Lorsque le prêtre reconnaît en lui l’âme du diable, il prend peur et s’apprête à s’enfuir. «Tu dois me sauver, dit le diable… Je suis la source de ton bonheur, la cause de ta satisfaction personnelle. Tu prends mon existence comme une excuse et comme une arme pour ta carrière. Tu emploies mon nom pour justifier tes bonnes actions. Tu mourras de faim si je venais à disparaître.»
Fidèle à son message «messianique», Gibran traite là de l’éternel combat entre le Bien et le Mal. Témoin privilégié de cet enjeu, le public d’un soir va partager, dans le sourire amusé, cette dialectique du double jeu où la métaphore se marie allégrement avec l’imaginaire collectif, là où tout simplement le spectacle vivant trouve sa raison d’être.
Osons une réflexion tout à la fois parcellaire et néanmoins universelle; l’affinité entre le Bien et le Mal serait un concept tellement irrationnel et indicible que tout ce qui semble pouvoir les séparer, pourrait les attirer inexorablement.

Maya GHANDOUR HERT


* Jusqu’au 23 novembre, à 20h30. Réservations: 01/202422.

Fiche technique

Adaptation et mise en scène : Walid Fakhreddine
Assistante du metteur en scène : Maha Sayegh
Acteurs : Tarek Tamim, Makadi Nahas, Badih Abou Chacra, Wafa Halaoui, Mirna Moukarzel et Talal Jourdi
Chorégraphie : Nadra Assaf
Scénographie et maquillage : Ali Salmane
Éclairage : Hagop Der Gougassian
Musique : Élie F. Habib
Chant : Makadi Nahas
Costumes : Free Stage Group
Design graphique : Omar Harkous.
L’adaptation par Walid Fakhreddine de L’aveugle et autres textes de Gibran Khalil Gibran aurait-elle gagné à être resserrée en moins de 100 minutes? Ou est-ce le fait qu’il ait eu droit à deux pièces en une représentation qui a rendu le public impatient? Toujours est-il que nous sommes là en présence d’un théâtre pour le moins déroutant. Une chose est sûre,...