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Un nouveau gentleman’s agreement pour éviter l’implosion ?

Beaucoup de bruit (s). Pour rien, comme dirait Shakespeare ? Peut-être bien. Mais le climat, déjà peu riant, s’en trouve surtendu. Et n’importe quelle nouvelle prise de bec entre loyalistes, plus précisément entre lahoudistes et haririens, peut dégénérer en crise de pouvoir.
Ces rumeurs, contradictoires comme de bien entendu, tournent surtout autour du sort du cabinet. Nombre de pôles qui, il y a encore deux semaines, certifiaient, en écho à Hariri, que les Trente vont rester jusqu’à la fin du présent régime, semblent en être maintenant moins certains. Grosso modo, les lahoudistes sont pour le changement, les haririens contre. Et la large assiette de politiciens qui les sépare, c’est-à-dire ceux qui ne sont pas partie aux multiples conflits qui déchirent les présidents et les ministres entre eux, se divise en plusieurs tendances. En tout cas le débat est désormais ouvert. D’une façon sans doute informelle (puisque les décideurs n’y participent pas) mais bien réelle.
On entend de la sorte les contempteurs de Hariri, les lahoudistes mais aussi ses rivaux directs, soutenir que la cloche du départ a sonné. Affirmant, contre toute vraisemblance, que l’on en est même à discuter des noms des prochains ministres. Ce qui signifie, dans le langage politicien courant, que l’on a déjà distribué le gâteau au niveau des groupes (communautés, formations diverses, leaderships etc.) Selon ces âmes charitables, la formule la plus sérieusement envisagée serait de mettre sur pied un gouvernement de premier rang uniquement. Qui serait dès lors restreint, ne comprenant pas plus de dix membres (contre trente aujourd’hui). Et d’ajouter, tout aussi charitablement, que personne n’est indispensable, qu’il faut cesser de dire que nul ne saurait remplacer Hariri. D’autant, martèlent ces bons amis, que le Premier ministre est le principal responsable de la crise sur tous les fronts, aussi bien au niveau politique que dans le domaine économique et financier.
Dans la kyrielle de reproches qu’ils lui adressent, ils avancent qu’il bloque systématiquement tout effort de normalisation au sein des institutions. Ainsi, à les en croire, c’est Hariri qui aurait fait capoter un récent projet, tout à fait discret, de médiation. En refusant catégoriquement une rencontre de franches explications avec le président, à Baabda. Plus exactement, toujours selon les mêmes sources, Hariri aurait posé une condition rédhibitoire : la publication d’un communiqué préliminaire précisant que l’entrevue serait consacrée à l’étude des moyens à mettre en œuvre pour servir l’intérêt public. Sans aborder, en vue de compromis de partage, les dossiers litigieux. Autrement dit, ses adversaires soutiennent que Hariri ne veut parler avec Lahoud que de principes généraux vagues, sans traiter les problèmes qui se posent au pouvoir. Et, surtout, au pays. En d’autres termes encore, et toujours à les en croire, le Premier ministre ne consentirait qu’à une accolade de pure forme, quasi protocolaire. En affûtant ses armes dans la perspective de la présidentielle. Une épreuve qui consiste en premier lieu, pour le camp du Sérail, à contrer toute tentative d’amender la Constitution (art.49) afin de permettre la reconduction du mandat actuel. Il encourage ainsi les députés à monter au front le plus souvent possible, pour exprimer dans les médias ou les réunions leur rejet d’une manipulation du texte constitutionnel à des fins conjoncturelles. Ce faisant, ajoutent les lahoudistes, Hariri passe outre aux conseils de Damas qui a fait savoir à tous qu’il était trop tôt pour discuter de la présidentielle.
Pour leur part, les haririens soulignent qu’il ne faut pas être grand clerc pour deviner que leur chef de file, à l’instar sans aucun doute de son vis-à-vis lui-même, a fait depuis longtemps son deuil de toute possibilité de normalisation relationnelle. C’est bien pourquoi, ajoutent-ils, il se résigne à limiter ses rapports avec le régime au jeu fonctionnel des institutions : rencontres seulement lors des Conseils des ministres, qui doivent se trouver saisis de tous les dossiers d’intérêt public. Pour les trancher, soit à l’amiable, soit par le recours à l’urne, entendre au vote.
En tout cas, l’essentiel reste de savoir ce que veut Damas. Les lahoudistes disent que les Syriens sont désormais trop agacés par les querelles interlibanaises pour accepter le maintien du statu quo. D’autant que ces disputes aggravent la crise économique. Les haririens répondent que les décideurs, pris entre l’enclume américaine et le marteau israélien, ont bien d’autres chats à fouetter pour le moment. Sans compter, concluent-ils, que les Syriens sont contents du concours que Hariri peut leur apporter sur le plan diplomatique, notamment par ses relations en Europe. Où le président Assad envisage d’effectuer une tournée prochaine, englobant la France, l’Allemagne, la Grande-Bretagne, l’Italie et peut-être l’Espagne.
Entre ces deux positions, une troisième extrêmement intéressante, car elle émane de pôles réputés pour avoir de l’audience auprès des tuteurs. Il s’agirait non pas d’une nouvelle réconciliation entre les présidents, mais d’un gentleman’s agreement pour installer des garde-fous empêchant l’implosion du pouvoir exécutif. On affinerait dans ce cadre le règlement intérieur du Conseil des ministres, au niveau de la préparation de l’ordre du jour comme du déroulement des débats. Dont la dangereuse intensité serait limitée par des plafonds déterminés d’un commun accord. Pour que le Conseil continue à fonctionner, même d’une manière minimale.
Philippe ABI-AKL
Beaucoup de bruit (s). Pour rien, comme dirait Shakespeare ? Peut-être bien. Mais le climat, déjà peu riant, s’en trouve surtendu. Et n’importe quelle nouvelle prise de bec entre loyalistes, plus précisément entre lahoudistes et haririens, peut dégénérer en crise de pouvoir.Ces rumeurs, contradictoires comme de bien entendu, tournent surtout autour du sort du cabinet....