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L’échange de prisonniers entre le Hezbollah et Israël présente diverses perspectives

Quels seraient les résultats d’un échange de prisonniers entre le Hezbollah et Israël, et qu’entraînerait le capotage de la transaction ? Cette double question est diversement commentée par les politiciens du cru.
Certains soulignent qu’Israël ne va pas se transformer du jour au lendemain en association de bienfaisance. Qu’il ne faut donc pas en attendre de cadeaux gratuits, surtout à un parti dont il exige la neutralisation et qu’il classe parmi ses pires ennemis. L’on doit donc se demander ce que l’État hébreu compte recevoir vraiment en échange d’un grand nombre de prisonniers, des centaines, qui comptent des Libanais et des non-Libanais. Il est également nécessaire de rappeler que dans l’esprit du jeu traditionnel, un échange de prisonniers constitue entre deux entités hostiles la consécration, ou l’amorce, d’une trêve, voire d’un accord de paix. Partant de là, on peut se demander si le troc envisagé ne vise pas à préparer des pourparlers en vue d’une rétrocession de Chebaa à l’État libanais. Après quoi, dans l’optique d’Israël, la résistance libanaise n’aurait plus lieu d’être. Et le contentieux bilatéral se verrait clos, sinon par un traité de paix, du moins par une trêve sécuritaire permanente, en attendant un règlement global dans la région. Ces mêmes sources relèvent ensuite qu’Israël, en décongestionnant l’affaire des prisonniers, et surtout en ouvrant la perspective d’un retrait de Chebaa, vise sans doute à distendre, sinon à gommer, l’alliance organique entre le Liban et la Syrie, pour dissocier les deux volets. Comme Horace face aux Curiace, l’État hébreu préfère toujours affronter séparément ses ennemis. Une tendance que les Américains soutiennent, en privilégiant systématiquement les arrangements strictement bilatéraux. Il en a été ainsi pour Camp David, qui mettait l’Égypte en scène, pour les accords d’Oslo concernant les Palestiniens ou pour ceux de Wadi Arba impliquant les Jordaniens. Aujourd’hui, les Israéliens espéreraient donc parvenir à traiter isolément avec le Liban, après la restitution de Chebaa. Pour que l’on considère que la 425 est totalement appliquée, abstraction faite de la ligne bleue. Tandis que le conflit territorial avec la Syrie resterait régi, pour sa part, par la 242.

Objectif ponctuel
D’autres personnalités locales pensent qu’en réalité Israël place la barre moins haut. C’est-à-dire qu’il ne recherche ni un accord de paix ni un accord de sécurité permanent avec le Liban. Mais, beaucoup plus ponctuellement, un arrêt du cycle de violence à sa frontière Nord. Et une prévention contre un éventuel éveil du front du Golan, où l’armistice serait consolidé. Jusqu’à la conclusion d’une paix régionale globale. En tout cas, rappellent ces sources, il est hors de question que le Liban accepte un quelconque arrangement avec l’ennemi qui exclurait la Syrie, le sort des deux pays frères étant indissociablement lié. Le Liban n’a aucun intérêt à traiter avant la Syrie. Il ne peut pas non plus rester les bras croisés si la Syrie était agressée.
Mais dans le cas, probable du reste, où l’échange de prisonniers achopperait, par suite de l’affaire Samir Kantar ou pour toute autre cause, que faudrait-il attendre ? Une recrudescence du cycle de violence à la frontière, une escalade militaire qui, vue du côté syro-libanais, ne serait pas opportune ? En réponse à cette interrogation, l’avis le plus généralement répandu à Beyrouth conseille de s’en tenir au pragmatisme. C’est-à-dire à la vieille devise « prends toujours ce qui se présente, et continue ensuite à réclamer ». Autrement dit, il ne faudrait pas rompre le fil d’Ariane. Ce qui signifierait qu’on accepterait de laisser de côté, pour continuer de négocier à son sujet, Samir Kantar, tandis que les autres prisonniers seraient libérés. Le maintien en détention de Kantar pourrait d’ailleurs justifier une équivalence, en vue d’un échange ultérieur, par la retenue d’un prisonnier israélien.
Avec un accord tacite de non-agression des civils de part et d’autre, en cas de reprise des opérations sur le terrain. Quoi qu’il en soit, Israël ne parvient à ébrécher ni l’alliance syro-libanaise ni le front intérieur libanais en ce qui concerne l’attitude à adopter envers l’État hébreu. Qui espère sans doute qu’un échange de prisonniers, suivi peut-être d’un retrait de Chebaa, sécuriserait pour de bon sa frontière Nord. Car, au cas où la résistance libanaise continuerait à s’activer pour soutenir les Palestiniens, ou pour faire pression en vue de la récupération du Golan par la Syrie, le Liban deviendrait une cible légale, sinon légitime, de choix pour des représailles illimitées. Il y aurait alors des risques que cette vague provoque des divisions à l’intérieur.
Car si une fraction estime qu’il ne faut faire qu’un avec les Palestiniens ou les Syriens, d’autres parties pensent que ce pays, déjà si éprouvé, ne doit pas payer pour les autres. En soulignant que le Hezbollah est un parti libanais, qui se défend d’avoir des tentacules au-dehors, et qu’à ce titre il doit veiller à garder l’appui du peuple libanais dans toutes ses composantes.
Il reste l’implantation des réfugiés palestiniens. Les Libanais la rejettent unanimement. Mais si le fait accompli leur était imposé, il y aurait également un risque de frictions à l’intérieur. Car il n’y aurait plus moyen d’éviter des retombées que la Constitution libanaise condamne dans son prologue, en assimilant l’implantation à la partition. Israël mise sans doute sur cet élément. il faut donc savoir rester lucides, et unis, pour en déjouer les visées.
Émile KHOURY
Quels seraient les résultats d’un échange de prisonniers entre le Hezbollah et Israël, et qu’entraînerait le capotage de la transaction ? Cette double question est diversement commentée par les politiciens du cru.Certains soulignent qu’Israël ne va pas se transformer du jour au lendemain en association de bienfaisance. Qu’il ne faut donc pas en attendre de cadeaux...