Les frontières de guerre, si elles se sont estompées, n’en demeurent pas moins des blessures à vif, communes à chaque individu qui a connu, de près ou de loin, le drame d’une personne ni morte ni vivante, simplement enlevée de son environnement, mais toujours vivace dans la mémoire de ceux qui l’ont côtoyée. « À partir d’histoires personnelles, c’est la mémoire collective qui resurgit, explique la réalisatrice. Les réponses sont là pour dire, très clairement, qu’il y a autant de vérités qu’il y a de personnes. »
Le drame vécu
En effet, Lamia Joreige précise qu’il ne s’agit en aucun cas d’une enquête et qu’elle aurait d’ailleurs été incapable, sans une grande distance temporelle, d’aller, sitôt les combats terminés, sur la ligne de démarcation et poser sa question à chaud. « La grande réalité, dit-elle simplement, c’est le drame vécu. » Car la difficulté majeure, c’est de savoir « comment raconter un drame, comment aborder le sujet ». La solution s’est imposée d’elle-même : céder la caméra aux intervenants en laissant émerger les réactions et surtout en arrivant à faire revivre, par un nom, une date, l’existence d’un disparu. Autrement dit, « citer l’absent ».
Si Lamia Joreige s’est intéressée au sujet à cause d’un drame familial similaire, sa recherche d’anonymes rejoint ses propres questionnements sur la disparition de son oncle, qui sera « cité », par un hasard fortuit, par deux personnes qu’elle a interrogées. Ce « diagnostic » langagier, à travers lequel la documentariste se demande si « la guerre est encore présente », atteint fortement et durablement son but. Si la guerre est tapie dans les mémoires, tantôt comme une plaie béante, tantôt comme un déni irrévocable, Houna Wa Roubbama Hounak est un douloureux et remarquable rappel à l’ordre contre l’amnésie mentale, ultime et pathétique rempart placé devant l’obligatoire travail de deuil de 17 ans de guerre inutile.
D.G.
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