L’État doit désormais réfléchir, et réfléchir très vite, pour tenter de faire face, autrement que par des télégrammes de condoléances ou des flopées de condamnations virulentes, aux deux (nouveaux) challenges qui se sont imposés à lui, en une fraction de seconde : quelle politique de lutte contre le terrorisme le Liban devra-t-il adopter, et quelles mesures devra-t-il prendre pour optimiser la nécessaire protection de ses millions de ressortissants à l’étranger ?
Au temps de ses guerres intestines, le Liban souffrait dans sa chair et sur son territoire des ravages d’un terrorisme interne qu’alimentaient quasi quotidiennement les kyrielles de voitures piégées. Plus tard, c’était au tour du terrorisme d’État pratiqué à doses massives par Israël contre ses villages, comme à Cana en 1996. Sans compter, à un rythme soutenu et ininterrompu, les attentats contre les symboles de l’Occident. Aujourd’hui, et même si ce n’était pas le complexe résidentiel habité par une majorité de Libanais qui était réellement visé, le Liban se trouve confronté à un autre genre de terrorisme. Un terrorisme qui le met, bon gré mal gré, dans le même sac que n’importe quel pays dont les intérêts, humains ou matériels, sont mis à feu et à sang, à l’intérieur ou à l’extérieur de son territoire : les USA, la France, la Grande-Bretagne, etc. – les pays occidentaux – ; l’Indonésie, l’Inde, l’Arabie saoudite – les pays soupçonnés d’indulgence ou de collusion avec l’Occident en général, les États-Unis en particulier.
Ironie du sort que ce Liban désormais « forcé » de considérer haut et fort que tout assassinat massif d’innocents est un acte terroriste en soi. C’est toute une conception et un vocabulaire qui se voient modifiés. Le pouvoir en place ne peut plus se permettre de glorifier le martyre, le kamikaze, le suicide. Le pouvoir en place ne peut plus se contenter d’être classé parmi les trois pays les plus sûrs du monde par Interpol. Le pouvoir en place ne peut plus continuer à justifier la présence et la tutelle syriennes par la lutte contre le fondamentalisme sunnite, qu’il est à même de démembrer tout seul, loin de toute tyrannie de l’ultrasécuritaire. Le Liban ne peut plus continuer à ignorer ostentatoirement les résolutions onusiennes l’enjoignant à déployer son armée nationale le long de sa frontière avec Israël, ni à répéter sans cesse, même si cela est tout à fait vrai, que terrorisme et résistance ne sont pas la même chose. Bref, un débat à l’échelle nationale doit avoir lieu.
Enfin, et surtout, l’État ne peut plus se permettre de traiter ses ressortissants à l’étranger comme son parent pauvre, la cinquième roue d’un carrosse lui-même plus que déglingué. Le Conseil des ministres de ce jeudi, duquel Jean Obeid est censé, en toute légitimité, espérer et attendre un acte fort, devra nécessairement être, pour une fois, à la hauteur. Émile Lahoud et Rafic Hariri en tête. Les fantasmes peuvent patienter – pas la sécurité des Libanais, ici ou ailleurs.
Ziyad MAKHOUL
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