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PARLEMENT - Une première dans l’histoire de l’Assemblée nationale La Chambre décide d’entamer une procédure judiciaire contre Siniora et Barsoumian

Pour quelle raison le bureau de la Chambre a-t-il décidé hier d’activer la procédure en vertu de laquelle des ministres, en l’occurrence M. Fouad Siniora et son ancien collègue du Pétrole, Chahé Barsoumian, peuvent être déférés devant la Haute Cour responsable du jugement des ministres ? S’agit-il d’un nouvel épisode du feuilleton politique ayant pour thème principal le bras de fer Lahoud-Hariri, ou, au contraire, d’une tentative d’en finir une fois pour toutes avec les dossiers suspendus et ouverts épisodiquement ?
Si toutes ces questions sont posées, c’est parce que le bureau de la Chambre a créé la surprise en décidant de faire signer deux pétitions réclamant la mise en accusation, pour manquements graves aux devoirs de leur charge (article 70 de la Constitution), de MM. Siniora et Barsoumian. Il s’agit d’une première dans l’histoire de l’Assemblée nationale.
M. Nabih Berry, qui a tenu une conférence de presse au terme de la réunion mensuelle du bureau du Parlement, a laissé entendre que cette mesure vise principalement à barrer la route devant les rumeurs qui ont circulé après la formation de la Haute Cour chargée de juger les présidents et les ministres. «Tous les Libanais entendent malheureusement diverses histoires à cause de rumeurs ayant filtré par des moyens détournés. Vous avez sans doute entendu ce qui a été dit après la formation de la Haute Cour », a-t-il déclaré avant de rappeler le mécanisme de fonctionnement de cet organisme. Dans certains milieux politiques, on avait accusé le président de la Chambre de s’être dépêché de constituer la Haute Cour (composée de 7 députés élus et de 8 magistrats) pour soustraire l’ancien ministre de l’Agriculture, Ali Abdallah, soupçonné de dilapidation de fonds publics, à la juridiction ordinaire, afin qu’il soit jugé devant la Haute Cour dont les audiences se tiennent à huis clos.
M. Berry a d’ailleurs soulevé ce point dans sa conférence de presse, mais sans donner de détails.
« La pétition de mise en accusation n’est pas établie à la demande du parquet ou autre ou à la suite de poursuites directes ou indirectes », a-t-il ajouté. Selon les proches de M. Berry, il s’agit là d’une autre raison pour laquelle le bureau de la Chambre a voulu, à la demande de son président, déclencher la procédure judiciaire, qui a l’avantage, selon le chef du Parlement, de « renforcer le contrôle » de l’autorité législative sur l’action de l’Exécutif.
Selon les mêmes sources, M. Berry aurait très mal pris le fait que le parquet de la Cour de cassation lui envoie directement les dossiers des affaires Siniora et Barsoumian, alors qu’il aurait dû les lui transmettre par le biais du ministère de la Justice. Il a été d’autant plus irrité par cette initiative qu’elle était intervenue dans un climat politique tendu, et qu’elle a suscité diverses interprétations préjudiciables pour le Parlement.
Aussi, le bureau de la Chambre a-t-il décidé de renvoyer les dossiers au parquet en attendant l’éventuelle formation d’une commission d’enquête, qui pourrait alors les reprendre, pour les besoins de l’investigation qu’elle doit mener. C’était, pour M. Berry, un moyen d’adresser aux autorités judiciaires un message indirect sur le respect des procédures. Et s’il a voulu aller de l’avant dans la signature de la pétition réclamant la mise en accusation de MM. Siniora et Barsoumian, c’est pour que le renvoi du dossier au parquet ne soit pas interprété comme une tentative de la Chambre de se dérober à ses responsabilités.
Rappelons que M. Barsoumian est soupçonné, à l’instar du ministre des Finances, de dilapidation de fonds au moment où il était à la tête du ministère du Pétrole. Il y a lieu cependant de souligner que les faits reprochés à M. Siniora (la conclusion avec l’Italie d’un accord, en 1997, qui avait engagé la responsabilité financière de l’État et entraîné la dilapidation de fonds publics) avaient été agréés par le gouvernement et entérinés par la Chambre, en dépit des réserves exprimées à l’époque par M. Siniora lui-même sur la signature de cet accord, conclu pour rembourser une dette contractée à la fin des années 90 par la Fédération des municipalités du Metn.
Dans les milieux proches du chef du gouvernement, on s’est abstenu de commenter la décision du bureau de la Chambre, qui a fait en soirée l’objet d’un long entretien entre le Premier ministre et M. Berry.
Il convient de préciser que la procédure suivant laquelle MM. Siniora et Barsoumian pourraient êtré déférés devant la Haute Cour est longue et assez compliquée. Pour qu’elle soit bel et bien déclenchée, il faut que le cinquième du Parlement, soit 26 députés, signent le texte. M. Berry a laissé indirectement entendre que ces signatures seront faciles à obtenir du moment que les neuf membres du bureau de la Chambre, « qui constitue une sorte de gouvernement de l’Assemblée représentant tous les blocs parlementaires », vont aller de l’avant dans cette direction. Lorsque ces signatures seront obtenues, le Parlement, réuni en séance plénière, devra examiner la mise en accusation et juger de son opportunité et c’est à la lumière de ses délibérations qu’il décidera s’il faut ou non former une commission d’enquête.
Si celle-ci est constituée, ses membres bénéficieront de toutes les prérogatives d’un juge d’instruction. Au terme de leurs investigations, ils devront soumettre leurs conclusions pour examen à la Chambre. Il faut que les deux tiers du Parlement votent en faveur de poursuites contre MM. Siniora et Barsoumian pour que ces deux derniers soient déférés devant la Haute Cour.
De sources parlementaires, on exclut cependant la possibilité que cette procédure aboutisse, d’autant, estime-t-on, que M. Berry a seulement voulu prendre position et marquer le coup, en la déclenchant.
Parallèlement, de sources proches du parquet de la cour de cassation, on réaffirmait que le transfert des deux dossiers à la Chambre était une mesure de routine n’ayant aucun caractère politique, et que le procureur général ne pouvait pas garder des dossiers sur lesquels la cour de cassation, toutes chambres réunies, avait statué. De mêmes sources, on a de nouveau indiqué que ce ne sont pas les départements du Palais de justice qui ont fait filtrer la nouvelle à la presse.
Pour quelle raison le bureau de la Chambre a-t-il décidé hier d’activer la procédure en vertu de laquelle des ministres, en l’occurrence M. Fouad Siniora et son ancien collègue du Pétrole, Chahé Barsoumian, peuvent être déférés devant la Haute Cour responsable du jugement des ministres ? S’agit-il d’un nouvel épisode du feuilleton politique ayant pour thème...