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LIRE EN FRANÇAIS ET EN MUSIQUE - « Sucre et secret » de Paule Constant Les confidences d’une femme du Sud(PHOTO)

Il aura fallu attendre cinq longues années pour retrouver Paule Constant et son très beau roman Sucre et secret. Des années de silence, car elle désirait oublier le prix Goncourt qu’elle a obtenu pour Confidence pour confidence et retrouver cette «innocence nécessaire pour écrire». « Un Goncourt, dit-elle, c’est beau mais c’est traumatisant, on devient un personnage public. »
Paule Constant appartient au Sud. Même si elle a beaucoup voyagé et vécu à l’étranger. L’Afrique, l’Asie, l’Amérique du Sud, la Guyane. « Mon père était médecin et mon mari spécialiste de médecine tropicale. » Elle y habite depuis 20 ans, respire l’air de Giono, son maître à penser, et s’en inspire. Ce Sud où le soleil peut aussi être noir, où les personnages peuvent être des monstres et les mondes devenir très violents, très carnassiers. «Je suis plus du côté du soleil noir que des lunes blanches, avoue-t-elle avec un sourire clair. C’est une entité géographique et une entité esthétique. J’ai un imaginaire d’écrivain du Sud des États-Unis, mais dompté par la langue française. Un peu comme si j’étais une femme très ronde qui portait un corset ! » Paule Constant est une femme fine, une passionnée à froid qui saisit une émotion, souvent très féminine, pour en faire une histoire très contrôlée. « J’ai un masque de courtoisie et de politesse. Les histoires, je les mets dans mes livres, pas dans ma vie. Avec l’humour, on peut raconter les choses les plus violentes ». Elle a commencé à écrire car, dit-elle, très simplement, « un jour, j’ai eu envie d’écrire le livre que je voulais lire ». En elle vit une révolte contre l’injustice qu’elle exprime par un mysticisme aigu. « Mon dernier roman peut être lu comme un thriller, une enquête, mais aussi comme un chemin de croix vers la mort, une métaphore religieuse ». Car Sucre et secret, minutieusement construit, décrit un univers glacé, celui de l’université de Rosebud, en Virginie, un univers hermétique, réservé à une jeunesse riche, désabusée et intouchable ; un crime, une condamnation à mort, et des personnages, trois femmes, en quête désespérée de vérité et de justice, pendant que David Dennis attend l’instant fatal, depuis neuf ans, dans le couloir de la mort. « Le sujet de Sucre et secret, comme d’ailleurs celui de Confidence pour confidence, je l’ai volé aux américains ! »

Une trilogie
Invitée au Sud des États-Unis pour assister à des colloques de filles dans des collèges très chics, elle y côtoie des étudiantes, recueille des confidences, des histoires de crimes non élucidés, prend note. « Je voulais alors préparer le second volume de ma trilogie américaine sur les femmes au Golgotha et visiter des prisons américaines. J’ai mis le doigt dans un engrenage ». Paule Constant va rencontrer un condamné à mort, en attente, comme David. « La narratrice, c’est moi. La rencontre avec David est directement inspirée de cette rencontre. Je pouvais n’être que journaliste. » Mais elle choisit d’être écrivain. « Le meurtre a été inventé par moi-même, ainsi que le rapport d’autopsie. Le roman a fait que mon personnage est devenu plus important que le “vrai” condamné à mort ». Mots noirs sur page blanche, personnages noirs dans un monde qui se voudrait immaculé, du noir, il y a en effet une large palette, dans son dernier roman. Un noir enrobé de sucré, une violence saupoudrée d’humour cynique. La mort en attente mais aussi beaucoup d’amour. Généreuse, sincère, on ne se lasse pas d’écouter Paule Constant détailler, expliquer, raconter ses propres émotions et ses combats. Vêtue de noir, une grande écharpe rose jetée sur son épaule, la femme du Sud ressemble à ses mots. Tout en nuances. « J’ai pesé, avec une balance faite de soie, chaque mot avant de l’écrire ». Sucre et secret est un livre à déguster, lire et relire, afin de retrouver les indices, les symboles et les signes, tous ces détails déposés par l’écrivain qui prépare déjà le troisième volet de sa trilogie. « J’arrive à chaque livre terrorisée, les mains nues, et puis une histoire s’empare de moi », avant de s’emparer de nous et de nous ravir.

Carla HENOUD

Biographie

Docteur ès lettres et sciences humaines, professeur de littérature française à l’institut d’études françaises pour étudiants étrangers de l’Université d’Aix-Marseille, fondatrice et présidente du Centre des écrivains du Sud-Jean Giono, à Aix-en-Provence, Paule Constant est l’auteur de plusieurs romans : Ouregano (prix Valéry Larbaud), Propriété privée, Balta, White Spirit (prix François Mauriac, prix Lutèce, prix du Sud Jean-Baumel et grand prix du roman de l’Académie française), Le Grand Ghâpal, (prix Gabrielle d’Estrées) La Fille du Gobernator, Confidence pour confidence (prix du roman France-Télévision et prix Goncourt) et l’auteur d’un essai, Un Monde à l’usage des demoiselles (grand prix de l’essai de l’Académie française) Sucre et secret a obtenu le prix Amnesty des droits de l’homme 2003.
Il aura fallu attendre cinq longues années pour retrouver Paule Constant et son très beau roman Sucre et secret. Des années de silence, car elle désirait oublier le prix Goncourt qu’elle a obtenu pour Confidence pour confidence et retrouver cette «innocence nécessaire pour écrire». « Un Goncourt, dit-elle, c’est beau mais c’est traumatisant, on devient un personnage ...