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Un péril plus pressant que jamais

Après avoir dormi, en état d’incubation, depuis la conférence de Madrid, le virus de l’implantation se réactive dangereusement. Et très vite. Au point d’entrer déjà dans sa phase terminale, à travers les propositions simultanées américaines et européennes. Le fait accompli peut-il encore être évité ? La question est cruciale pour le Liban. Qui est le pays hôte abritant la plus forte proportion de réfugiés palestiniens. Mais aussi la plus turbulente, pour user d’un euphémisme poli. Trop courtois même, en regard de l’effroyable guerre domestique de 15 ans que cette présence a fait subir à ce malheureux microcosme.
Les professionnels du cru qui gardent quelque bon sens se disent aujourd’hui doublement effarés. Par la puissance de l’offensive occidentale. Et par l’inconscience flagrante de responsables qui perdent leur temps dans de mesquines querelles intestines, alors que le péril extérieur se fait pressant. Car, de toute évidence, Washington met le paquet, comme on dit familièrement. Pour faire redémarrer un processus de paix dénaturé, tournant le dos aux principes de Madrid. On sait en effet que, contrairement à son propre père qui avait initié ce plan, George W. Bush ne fait pas passer la paix avant la sécurité, mais le contraire. Il abandonne la règle d’or, la devise « la terre moyennant la paix ». Pour adopter les thèses d’un Sharon qui, dès son avènement, avait confirmé le rejet israélien de la résolution 194 (qui remonte à la guerre de 48 !) consacrant le droit de retour des réfugiés palestiniens. Pour les mêmes sources libanaises, il semble évident que Washington avance ses pions en matière d’implantation dans le cadre d’un plan d’action globale. Consistant en quelque sorte à compenser (ou à tenter d’infléchir) le cours négatif des événements en Irak par la relance des négociations palestino-israéliennes et israélo-arabes, nouvelle manière. On sait en effet que la question des réfugiés fait partie de la dernière tranche de ces pourparlers, qui inclut également le problème de Jérusalem. Si on aborde déjà ce chapitre, ajoutent ces personnalités, cela signifie que les Américains veulent aller très vite en besogne. Avant d’être pris, dans quelques mois, par la campagne pour leur présidentielle.
Toujours selon les mêmes observateurs locaux, il est également évident que les Américains ont pris en compte, comme élément favorisant leurs desseins, les désunions au sein du pouvoir libanais. Ils pourraient tabler dessus dans la mesure où les dirigeants libanais ne semblent pas pouvoir accorder leurs violons, condition requise pour engager une campagne de défense diplomatique efficace. Certes les officiels Libanais protestent en chœur, mais l’élan et l’allant nécessaires n’y sont pas. Puisque leurs vraies priorités vont à leurs empoignades internes. Sans compter que, comme le cas du ministre irakien des Émigrés l’a prouvé, ces responsables sont enclins à promouvoir une ligne d’obédience qui ne sert pas toujours les intérêts bien compris, intrinsèques et spécifiques, du pauvre Liban.
On peut remarquer, à ce propos, que Damas se met beaucoup moins martel en tête au sujet de la question des réfugiés palestiniens. D’abord, il en a moins. Ils ne représentent donc pour lui, grâce à son système, aucun danger de déséquilibre socioconfessionnel et partant, politique. De plus, il les contrôle de près. Et ne verrait, peut-être pas d’un mauvais œil de les garder, en totalité ou en partie, moyennant forte indemnisation. On sait, à ce sujet même, qu’il y a quelques années, le Liban s’était vu proposer, pour sa part, une poignée de milliards de dollars, mais qu’il avait rejeté catégoriquement cette offre, véritable cadeau empoisonné.
Les mêmes sources soulignent ensuite qu’il y aurait beaucoup de monde pour encourager les responsables libanais à multiplier les clashes entre eux. Outre les parties qui ont un intérêt chronique à diviser pour régner, il y a toutes les puissances (tout l’Occident ou presque) qui souhaitent faire passer l’implantation. Et qui savent que dans ce cadre, si l’on excepte les Palestiniens (et encore), le Liban reste le numéro le plus difficile, comme on dit. Parce qu’il est le seul, répétons-le, pour qui le projet constituerait un coup très dur, pour ne pas dire fatal à terme. Il devrait en effet, pour une population globale de quelque 3 millions, absorber quelque 400 000 Palestiniens. Et, dans le meilleur des cas, s’il y a répartition entre d’autres pays, il serait quand même assuré d’en garder au moins 150 000. De quoi élire 10 députés ! Ce qui montre combien la mosaïque sociopolitique pourrait s’en trouver affectée. Sans compter les retombées économiques, les capacités d’intégration dans ce domaine étant réduites d’une manière drastique par la récession.
En tout cas, au niveau de la direction, le président Émile Lahoud s’est toujours distingué par sa farouche opposition à l’implantation. Il en a fait même, dès son arrivée au pouvoir, l’une des conditions majeures d’éventuels pourparlers de paix, affirmant que rien ne saurait être signé tant que le droit de retour n’aurait pas été admis.
Quoi qu’il en soit, des sources informées croient savoir qu’une délégation de congressmen mixte, républicains et démocrates, va visiter prochainement la Jordanie. Conduite par le représentant d’origine libanaise Ray Lahood, cette délégation traiterait principalement du problème des réfugiés palestiniens. Une occasion pour les responsables d’ici, soulignent les politiciens cités, de tenter de défendre la cause et les positions du Liban. Pour lesquelles le patriarche Sfeir a plaidé, de son côté, durant son périple européen. En espérant encourager une démarche favorable de l’efficace diplomatie vaticane.

Philippe ABI-AKL
Après avoir dormi, en état d’incubation, depuis la conférence de Madrid, le virus de l’implantation se réactive dangereusement. Et très vite. Au point d’entrer déjà dans sa phase terminale, à travers les propositions simultanées américaines et européennes. Le fait accompli peut-il encore être évité ? La question est cruciale pour le Liban. Qui est le pays hôte...