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Débat - Le PDG d’« an-Nahar » s’adresse à des écoliers dans le cadre du Salon du livre, au Biel Gebrane Tuéni : 60 ans après l’indépendance, le Liban n’est plus qu’une médiocratie (Photo)

Le PDG du quotidien an-Nahar et membre du Rassemblement de Kornet Chehwane, Gebrane Tuéni, a donné mardi une conférence sur l’indépendance devant des écoliers de divers établissements dans le cadre des activités du Salon Lire en français et en musique, qui se tient actuellement au Biel.
Dans son intervention, qui a été suivie d’un long débat avec les écoliers, M. Tuéni a estimé que « 60 ans après l’indépendance, le Liban n’est plus qu’une médiocratie », et a dénoncé la tutelle syrienne.
Nous reproduisons de larges extraits de son intervention :
« Dans quelques jours, nous célébrerons notre indépendance nationale ou ce qui en fut ! Nous offrirons au monde l’image d’un pays indépendant et aux Libanais une mascarade de plus. Un pays qui n’est plus depuis longtemps libre et souverain peut-il prétendre être indépendant ? Près de 60 ans après un certain 22 novembre 1943, le Liban ne peut plus se targuer d’être une démocratie ; tout au plus une “médiocratie”.
« Corruption, népotisme… Notre classe politique hilare ne se contente pas de croquer des pommes mais se permet aussi de goûter à ces fruits mille fois défendus, entraînant avec elle un pays dans sa chute. Les édens de l’indépendance ne sont que réminiscences. Vassaux obéissants depuis plus de 25 ans, nous “ célébrerons ” notre “ indépendance “ sous le regard amusé, sinon sarcastique, de nos nouveaux tuteurs. Les temps changent, les puissances mandataires aussi. Une classe politique déliquescente et ubuesque s’épanchera en discours grandiloquents. Nos soldats défileront au mauvais endroit, leurs canons pointés dans la mauvaise direction. L’armée au Sud ? Nos soldats gardes-frontières ? Non, gardes prétoriennes tout au plus. L’armée, disait il n’y a pas longtemps notre ancien ministre de la Défense, est là pour la protection du régime.
« Nous fêterons donc une indépendance sous tutelle, avec une armée qui délègue ses pouvoirs à d’autres pour mieux protéger un régime paranoïaque. Kafka, grand maître de l’absurde, n’a qu’à aller se ranger !
« Réduisons le champ de vision, parlons d’indépendance à toute petite échelle, c’est-à-dire au niveau des institutions. Un système judiciaire inféodé au pouvoir politique, un système législatif inféodé au maître du moment dépendamment des circonstances et des alliances, un pouvoir exécutif inféodé à ses propres contradictions, une première magistrature écho fidèle des vents venus de l’Est, l’indépendance ne vit pas sous ces cieux » !
« Et cela ne s’arrête pas là. Peut-on oublier, omettre ces forces occultes, ces officines de l’ombre, indépendantes, elles qui font frémir nos ministres et trembler nos députés ? Le pouvoir est-il indépendant ? Indépendant du peuple sûrement. Vox populi, vox Dei, dites-vous ? Le pouvoir est sourd.
« La nation est-elle indépendante ? Indépendante de son indépendance, indépendante de sa liberté, indépendante de sa souveraineté, c’est-à-dire tout simplement une nation indépendante des valeurs mêmes de l’indépendance, donc de la démocratie. Plus encore, c’est notre destinée libanaise à laquelle on refuse l’indépendance parce que tributaire de la destinée syrienne. »

Penser autrement
Et M. Tuéni de poursuivre : « Face à ce sombre état des lieux, deux choix possibles s’offrent à nous. Le premier consisterait à accepter la situation, à la subir, à se résigner et éventuellement à quitter le pays. Le second, plus hardi, plus “challenging”, consisterait à refuser, à résister, à se relever et à lutter. Ce n’est pas uniquement à ceux qui choisiraient la seconde alternative que je m’adresse, mais aussi aux tenants de la première, car, dans un pays qui n’est plus libre, il nous reste encore – quand agir fait peur – la liberté de penser, la liberté de rêver et par-dessus tout la liberté de choisir ».
« Nous devons commencer par penser autrement, rêver à de nouveaux rivages, sortir des sentiers battus, emprunter de nouveaux chemins. Nous devons combattre le cancer du doute, le fléau du désespoir, refuser la tiédeur, retourner la spirale de l’ostracisme. Nous devons redéfinir les concepts, rendre aux mots leur sens, apprendre de nouveaux langages, surmonter la médiocrité.
« Nous devons rendre à la République ses blasons, à la démocratie ses valeurs, à la politique son éthique, à la justice son équité. Nous devons créer de nouveaux partis, penser de nouveaux slogans, permettre l’émergence de nouveaux chefs. Nous devons refuser le cloisonnement, aller au-delà du clan, de la communauté, accepter l’autre. Nous devons tempérer un “ Je ” démesuré, œuvrer pour le “ Nous ” ; refuser d’être victimes, devenir citoyens. Nous devons apprendre à écouter, accepter la différence, devenir plus humbles. »
Et M. Tuéni de conclure : « J’appelle tout simplement à une sortie par le rêve mais aussi le réalisme. J’appelle à une sortie de crise par une remise en question douloureuse mais nécessaire. Nous commencerons à aller de l’avant quand nous admettrons qu’un peuple qui ignore son histoire néglige son avenir, qu’un peuple qui préfère la facilité adopte la médiocrité, qu’un peuple qui coupe ses forêts et pollue ses cours d’eau appelle le désert, et enfin qu’un peuple qui refuse de mûrir mérite la tutelle .
« Critiquer est bon mais cela ne suffit pas. Il nous faut aussi être constructifs, il nous faut être ambitieux... audacieux. Commençons par réfuter les constats d’impuissance, les “ Bassita ” de tout genre, devenons citoyens engagés. À la renaissance du pays, chacun de nous est appelé. Du plus jeune au plus âgé, du plus pauvre au plus riche, résidants ou émigrés, nous sommes tous les ingénieurs, les ouvriers et les maçons du Liban de demain. »
Le PDG du quotidien an-Nahar et membre du Rassemblement de Kornet Chehwane, Gebrane Tuéni, a donné mardi une conférence sur l’indépendance devant des écoliers de divers établissements dans le cadre des activités du Salon Lire en français et en musique, qui se tient actuellement au Biel. Dans son intervention, qui a été suivie d’un long débat avec les écoliers, M. Tuéni...