Rechercher
Rechercher

Actualités

Communautés - Franc échange avec la presse arabe de la City Sfeir : Damas a changé de ton, mais les choses ne vont pas plus loin(photo)

Londres, de notre envoyé spécial Habib Chlouk

Parvenu au terme de sa tournée pastorale européenne, le patriarche maronite, le cardinal Nasrallah Sfeir, a affirmé hier que les « nouvelles » en provenance de Damas sont relativement bonnes, ces derniers temps. Il y a, chez les dirigeants syriens, « un changement de ton », a-t-il dit, mais « les choses ne vont pas plus loin ». « Si les Libanais disposaient du pouvoir d’élire leurs propres représentants, a encore affirmé le patriarche, nous n’aurions pas besoin de l’ingérence d’un médiateur étranger dans les affaires libanaises. » Mais, a-t-il averti en substance, « la responsabilité de cet état de choses est partagée » entre les responsables syriens et ceux qui se rendent à Damas sans y être invités.

Poursuivant son séjour à Londres, le chef de l’Église maronite a tenu hier matin une importante conférence de presse, à l’hôtel Four Seasons, pour les correspondants de la presse arabe à Londres, dans laquelle aussi bien les questions que les réponses étaient particulièrement franches.
Abordant l’objectif de sa tournée européenne, le patriarche a affirmé en préambule : « Je suis étonné par le nombre de Libanais résidant en Europe, alors que le Liban a besoin de tous les Libanais, en particulier de ceux d’entre eux qui possèdent une éducation supérieure qui les met en mesure de contribuer à l’effort de reconstruction du pays (...). Si tous les Libanais ne peuvent rentrer au Liban, qu’au moins la plus grande partie rentre au pays afin que le Liban reprenne sa place de médiateur privilégié dans la communauté des nations. »
Voici par ailleurs l’essentiel des questions posées par les correspondants de presse et des réponses du patriarche :
Question : Que pensez-vous de la réaction de l’État au témoignage du général Michel Aoun devant une sous-commission de la Chambre des représentants américains ?
Réponse : Nous avons, bien entendu, notre idée là-dessus. Nous ne discuterons pas, toutefois, de la position officielle. À notre avis, les nations, comme les individus, recherchent leurs intérêts. Si les intérêts d’un État concordent avec ceux d’un État plus petit, ce dernier en profite. Mais que viennent les intérêts des deux États à diverger et plus aucune attention n’est accordée par l’État dominant aux intérêts de l’État qui lui est inférieur. Pour le général Michel Aoun, comme nous l’avons dit à maintes reprises, il a son style et nous avons le nôtre.
Q- Que pensez-vous du mandat d’arrêt délivré à son encontre ?
R- L’État est libre de prendre les mesures qui lui semblent appropriées.
Q- Ne peut-on songer, dans certains cas, à une plainte auprès de Cours internationales ?
R- Pareille décision appartient à ceux qui se plaignent de ces mesures.

Amendement
de la Constitution
Q- Votre prise de position hostile à un amendement constitutionnel a été interprétée à Beyrouth comme une hostilité à la reconduction du mandat du président de la République.
R- La question est très délicate. Mais ce que nous avons affirmé est très clair, et une personne sincère peut le comprendre sans aucune ambiguïté. Il s’agit d’une vérité historique. Cinquante ans durant, nous avons entendu les responsables affirmer que la Constitution est intangible. Au cours des vingt dernières années, les choses ont changé et la Constitution est régulièrement amendée. Or, tout le monde sait que la Constitution est la loi des lois et ne doit pas être modifiée comme une loi ordinaire. Mais nous avons ajouté qu’en cas de grande nécessité, il est possible de l’amender. Nous n’irons pas plus loin. Que ceux qui ont des oreilles pour entendre entendent.
Q- Que voulez-vous dire par grande nécessité ?
R- Une nécessité nationale. C’est aux responsables d’en juger.
Q- Et, selon vous, que serait cette nécessité nationale ?
R- Je songe à une situation où il serait impossible de faire autrement ; une situation où une élection serait difficile à organiser. Ce sont des choses impossibles à préciser.
Q- Que pensez-vous des divergences qui se sont manifestées en Conseil des ministres, et de l’arbitrage syrien ?
R- Si les Libanais disposaient du pouvoir d’élire leurs propres représentants, nous n’aurions pas besoin de l’ingérence d’un médiateur étranger dans les affaires libanaises, et nos institutions fonctionneraient normalement, comme dans tous les autres pays. Mais, comme on peut le constater, les institutions constitutionnelles n’accomplissent pas leur devoir comme il faut, et tout se passe très loin de la population, qui a quand même le droit de demander aux responsables de répondre de leurs actes.
Q- Dans un entretien accordé au Hayat, le président Bachar el-Assad a déclaré qu’il existe des contacts avec les chefs religieux maronites. Où en êtes-vous de ces contacts ?
R- C’est vrai, il y a des Libanais qui se rendent à Damas et qui, à leur retour, sont porteurs de nouvelles pour la plupart rassurantes. Mais les choses en restent là.
Q- Est-ce que vous constatez une différence dans la manière de traiter les choses, sous la présidence de Bachar el-Assad ?
R- Il y a, semble-t-il, un changement de ton, mais sur le terrain les choses n’ont pas changé.
Q- Vous dénoncez l’hégémonie syrienne et, pourtant, les proches de la Syrie assurent que les responsables libanais qui s’y rendent ne sont pas convoqués, qu’ils y vont de leur propre initiative. Qui donc est responsable dans ce cas ?
R- La responsabilité est partagée.
Q- Existe-t-il un quelconque développement dans le cas de Samir Geagea ?
R- Les demandes et les démarches sont nombreuses. Seront-elles satisfaites ? Qui donc le fera ? Ou plutôt qui a autorité pour le faire ? Ces choses-là sont compliquées.
Q- Avez-vous quelque chose de précis au sujet de la situation des chrétiens en Irak, où il semble que des régions communautaires se dessinent ?
R- Il semble que la situation des chrétiens en Irak est semblable à celle de toutes les autres communautés. Sous le régime de Saddam Hussein, on a pu parler d’une période où les chrétiens d’Irak ont joui d’une protection relative. Mais au cours des combats, les chrétiens ont combattu pour leur patrie, comme tous les autres. Peut-être même ont-ils été placés plus près du front.
Q- Et si vraiment les États-Unis étaient divisés, avec un Pentagone qui appuie l’indépendance du Liban et un département d’État qui manifeste des préférences pour la Syrie, quelle serait votre position, en pareil cas ?
R- Je ne peux répondre à de telles questions.
Q- Dans quelle mesure les responsables européens sont capables d’aider le Liban à recouvrer sa souveraineté ?
R- Au cours des rencontres que nous avons eues dans les pays que nous avons visités, nous avons exposé les choses comme elles sont. Mais nous ignorons dans quelle mesure les pays d’Europe ou l’Union européenne sont capables, d’influer sur la situation du Liban et dans la région.
Q- Avez-vous le sentiment, au moins, qu’ils comprennent la situation ?
R- Oui, j’ai le sentiment qu’en raison de la proximité géographique et des relations historiques qu’ils ont, en particulier avec le Liban, l’Europe est en mesure de mieux comprendre notre situation que d’autres.
Q- Que pensez-vous de ce qui se passe dans les territoires occupés ?
R- Il s’agit d’une tragédie qu’aucun esprit doté d’un minimum de sens de la justice ne peut admettre. C’est pourquoi, nous disons qu’à moins que les Palestiniens ne disposent, comme les Israéliens, de leur propre État, le cycle de violence ne prendra pas fin. La guerre ne résoudra rien. C’est par le moyen de la paix que les problèmes les plus difficiles pourront être réglés.
Q- Et ce qui se passe à Chebaa ?
R- La question des fermes de Chebaa est épineuse. Certains affirment que ce territoire est libanais, d’autres qu’il est syrien, d’autres qu’il existe un litige à son sujet. Mais ça reste une poudrière.
Q- Comment voyez-vous le rôle des chrétiens du Liban aujourd’hui ?
R- Je pense que les chrétiens ont un rôle important à jouer. Les responsables musulmans conscients vous disent que la présence des chrétiens donne au Liban une saveur qui, si elle disparaît, pourrait entraîner avec elle la disparition du Liban indépendant, qui pourrait alors être rattaché à un autre pays voisin. C’est pourquoi la présence des chrétiens est une garantie d’indépendance pour le Liban et une garantie pour cette convivialité si recherchée aujourd’hui dans le monde.

Les Églises et l’Arabie saoudite
Q- Et le rôle des chrétiens dans la région ?
R- Les chrétiens exercent leurs devoirs religieux en Syrie, en Jordanie, en Irak et ailleurs. Mais il existe des pays qui n’acceptent pas le pluralisme religieux, mais ce n’est pas général. Je pense qu’il est de l’intérêt des musulmans et des chrétiens de démentir la théorie du choc des religions et des civilisations, ce qui serait le contraire de la convivialité et transformerait la vie des gens en enfer.
Q- Pourquoi existe-t-il des Églises dans des États du Golfe comme Abou Dhabi, mais pas en Arabie saoudite par exemple ?
R- Il faut poser cette question aux intéressés. Nous considérons que la chose est regrettable, car toutes les religions doivent s’accepter les unes les autres et œuvrer pour la paix.
Q- Évoquerez-vous avec les responsables le cas des Libanais d’Europe qui ne peuvent pas rentrer pour une raison ou pour une autre ?
R- Nous attirerons l’attention des responsables là-dessus. Nous ne nous attendions pas à ce grand nombre de Libanais ici. Mais à moins que l’on trouve le moyen de permettre au Liban d’assumer ses propres responsabilités, ça ne servira pas à grand-chose.

Visite à la BBC
Après sa conférence de presse, le patriarche devait se rendre au siège de la BBC, où il a eu un entretien radiodiffusé, avant de rentrer à son hôtel pour déjeuner avec l’archevêque catholique de Grande-Bretagne, le cardinal Cormac Murphy O’Connor, en présence aussi du nouvel évêque chaldéen de Bagdad, Mgr Andraos Abouna.
Le soir, le patriarche devait se rendre à Oxford, où il a donné une conférence sur l’histoire des maronites au Liban et dans le monde, dans laquelle il a évoqué en particulier leur rôle dans la « Nahda » arabe ainsi que dans l’existence politique et l’indépendance du Liban.
Londres, de notre envoyé spécial Habib ChloukParvenu au terme de sa tournée pastorale européenne, le patriarche maronite, le cardinal Nasrallah Sfeir, a affirmé hier que les « nouvelles » en provenance de Damas sont relativement bonnes, ces derniers temps. Il y a, chez les dirigeants syriens, « un changement de ton », a-t-il dit, mais « les choses ne vont pas plus loin ». «...