Selon des pôles locaux, Michel Aoun s’est certes trompé de lieu et de temps pour réclamer la 520, qui implique le retrait syrien. Mais, à leur avis, les autorités libanaises se sont elles aussi égarées côté timing en réactivant le dossier judiciaire de l’ancien chef de gouvernement. Le cardinal Sfeir a de la sorte souligné que la procédure a été gelée pendant des années sans être menée à bien. Ajoutant que le pouvoir n’est pas en droit de répliquer à une prise de position qui lui déplaît en recourant à la réactivation des poursuites.
Sur le plan politique, le patriarche souligne, comme un certain nombre de leaders locaux, qu’il partage certes les revendications de Aoun concernant la récupération de la souveraineté. Mais qu’il n’est pas adepte de la même voie, des mêmes méthodes, pour atteindre cet objectif national. Selon le prélat, ce n’est pas en s’appuyant sur les États-Unis, ou sur d’autres puissances, que l’on doit chercher à obtenir le retrait des forces syriennes. Ni, d’ailleurs, en recourant à la force ou à des pressions abusives. Mais par un dialogue raisonnable, pour un dégagement à l’amiable. Le retrait doit donc s’effectuer comme l’avait été l’entrée de ces forces, en base d’un consensus.
De leur côté, les professionnels cités pensent que les résultats de la partielle de Baabda-Aley, qui a permis au candidat aouniste Hikmat Dib de marquer un score élevé, ont incité les responsables à se durcir encore plus contre Aoun. Son témoignage devant le Congrès US serait tombé à point nommé, toujours selon les mêmes sources, pour justifier ce raidissement du pouvoir.
Cependant, Aoun lui-même clame qu’il voit poindre le changement. Et il annonce qu’il serait de retour au pays pour les élections législatives de 2005. En ajoutant que d’ici là, on verra bien qui restera en lice...
Quoi qu’il en soit, le pouvoir semble miser sur le facteur temps pour voir la popularité de Aoun s’affaiblir. Ce qui permettrait, selon les mêmes politiciens, de le laisser revenir, car il ne représenterait plus un danger électoral. Tout comme l’assise de Geagea se réduirait, avant les législatives, et on pourrait alors le libérer. Mais, précisent ces sources, il faut que les responsables réalisent enfin que les vexations ne font que renforcer le courant aouniste ou le courant de Geagea. D’ailleurs, conscient de cet effet boomerang, certains pôles loyalistes et non des moindres conseillent discrètement aux autorités d’arranger les choses pour que Aoun retourne sans problème et que Geagea sorte de prison. Afin qu’ils ne bénéficient plus, en quelque sorte, de l’auréole des opprimés, sinon des martyrs.
Il convient de souligner que le président Berry a toujours critiqué, pour sa part, la ligne dure adoptée à l’encontre de Aoun. Il répète en effet qu’on n’aurait pas dû le forcer à l’exil, car tout Libanais doit rester dans sa patrie. Pour y être jugé, le cas échéant, mais aussi pour y exercer son droit de défense.
Quoi qu’il en soit, tous les observateurs conviennent que le pouvoir en place ne donne aucun indice permettant de supposer qu’il permettrait le retour de Aoun et la libération de Geagea avant la fin de l’actuel mandat présidentiel.
Émile KHOURY
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