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BUDGET - Le conflit sur le CDR ébranle les rapports Lahoud-Hariri La trêve politique aura été de courte durée

L’examen du projet de budget en Conseil des ministres a tout d’un feuilleton où les suspenses, vrais ou faux, s’enchaînent. Après les échanges d’amabilités de jeudi dernier entre les numéros 1 et 3 de l’État, place encore une fois aux tiraillements. Une nouvelle épreuve de force semble s’annoncer aujourd’hui en Conseil des ministres, le chef du gouvernement Rafic Hariri ne voulant pas entendre parler d’une annulation des 110 milliards de livres prévues pour le CDR en 2004, annulation souhaitée par le président de la République. Le général Émile Lahoud n’est pas près, pour sa part, à faire des concessions sur ce point.
Il est cependant intéressant de savoir que les contacts se multiplient, à plus d’un niveau, afin d’éviter que la trêve politique annoncée jeudi ne vole en éclats aujourd’hui à la faveur de l’examen des propositions présidentielles d’amendement du projet de budget.
Par la voix du chef des services de sécurité syriens, Rustom Ghazalé, les dirigeants de Damas auraient de nouveau conseillé aux pôles du pouvoir de mettre une sourdine à leurs différends et de tenter de parvenir à un compromis qui permettrait aux chefs de l’État et du gouvernement de franchir avec le moins de dégâts possible le cap de l’examen du budget.
Mais jusqu’à hier soir, les deux pôles du pouvoir campaient chacun sur ses positions et semblaient se diriger vers une confrontation qui risque fort d’aboutir à un vote, que le chef de l’État avait d’ailleurs évoqué au cours de la séance de jeudi dernier en affirmant : « Si nous parvenons à nous entendre au sujet du budget, c’est tant mieux, sinon nous pouvons toujours procéder à un vote », dont l’issue est facile à deviner, le général Lahoud bénéficiant d’une majorité au sein du Conseil des ministres.
Pourtant, avec un peu de bonne volonté, un compromis demeure possible, surtout si l’on tient compte des raisons, somme toutes légitimes, qui ont poussé le chef de l’État à réclamer l’annulation des 110 milliards de livres.
Dans sa proposition d’amendement, le président Lahoud avait expliqué que le budget proposé pour 2004 stipule que ces fonds sont destinés au financement de projets dont il n’est fait aucune mention et qui sont de surcroît présentés comme faisant partie d’un plan quinquennal « inexistant » de développement. Il avait aussi souligné qu’une somme similaire avait été consacrée l’an dernier au CDR sans que personne ne sache sur quels projets et comment elle avait été dépensée. Aussi, avait-il proposé l’annulation des 110 milliards de livres en attendant que les projets pour lesquels ces crédits sont destinés soient déterminés en Conseil des ministres.

Une liste de dernière minute
Il semble que si le chef de l’État a agi de la sorte, c’est en désespoir de cause, car, bien que le dossier économique soit confié dans son ensemble au chef du gouvernement en fonction d’un gentleman’s agreement entre Baabda et Koreytem, il reste que le président a constaté l’existence de zones d’ombre qu’il a trouvé tout à fait légitime d’éliminer.
Le problème se pose paraît-il depuis l’an dernier, depuis que les demandes répétées du président Lahoud, qui souhaitait prendre connaissance des projets sur lesquels le CDR avait dépensé près de 98 milliards de livres, sont toutes restées sans réponse, a-t-on appris de sources politiques informées. Et s’il prend aujourd’hui une autre dimension, c’est parce que la présidence a appris au cours du week-end qu’une liste de projets dont le financement nécessite 110 milliards de livres a été dressée au pied levé, au terme du Conseil des ministres de jeudi, à l’insu du président du Conseil d’administration et du bureau du CDR, qui était pourtant censé la présenter lui-même.
Selon les mêmes sources, dans les milieux proches de la présidence, on a vu dans l’établissement hâtif de cette liste une tentative flagrante de montrer que le chef de l’État veut annuler des fonds consacrés à des projets d’ordres social et de développement.
La liste ne contenait en effet que des projets de développement (hydrauliques, eaux usées, services sociaux et médicaux...) dont l’exécution est souhaitée par Baabda, mais qui sont toujours à l’état d’étude. Il s’agit notamment de projets prévus par le protocole de coopération libano-italienne, comme l’élargissement de la station de distribution hydraulique de Dbayé, l’assainissement de l’eau potable à Jbeil, l’installation de stations et de réseaux des eaux usées à Kartaba et à Mazraet el-Chouf. Il y a lieu de rappeler à ce propos que le protocole libano-européen a été conclu il y a dix ans et n’a toujours pas été appliqué.
D’autres programmes sont aussi au stade d’étude par le Fonds koweïtien de développement économique, ajoute-t-on de mêmes sources, en expliquant que la liste comprend également des projets dont le financement est assuré par la Banque mondiale et qui font l’objet d’accords conclus il y a dix ans. Le vice-président de la BM pour le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord, Christian Poortman, les avaient évoqués avec le président lors de sa récente visite à Beyrouth.
De mêmes sources, on laisse entendre que le choix de projets sous étude n’est pas innocent, car le règlement intérieur du CDR l’autorise à bloquer des fonds destinés à des programmes dont l’exécution n’est pas imminente pour les transférer à d’autres projets en voie d’exécution.
Cette affaire ne manquera pas de susciter en Conseil des ministres un débat houleux qui ne risque cependant pas de prendre une dimension démesurée, à en croire des sources ministérielles, les deux pôles du pouvoir étant conscients des limites de leurs différends.
De mêmes sources, on s’attend aussi à ce qu’une solution médiane soit trouvée au problème des fonds alloués au CDR, en ce sens qu’une partie seulement des 110 milliards sera annulée pour être consacrée à d’autres projets à caractère social. Et en contrepartie, les ministères qui réclament des rallonges budgétaires, rejetées par le chef du gouvernement, obtiendront moins que ce qu’ils avaient demandé au départ.
L’examen du projet de budget en Conseil des ministres a tout d’un feuilleton où les suspenses, vrais ou faux, s’enchaînent. Après les échanges d’amabilités de jeudi dernier entre les numéros 1 et 3 de l’État, place encore une fois aux tiraillements. Une nouvelle épreuve de force semble s’annoncer aujourd’hui en Conseil des ministres, le chef du gouvernement Rafic...