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Éclairage La CGTL cherche à éviter toute politisation du mouvement Au cœur du face-à-face patrons-salariés, deux visions antinomiques de l’État

Le pays tout entier, écoles privées et publiques, université libanaise, port, aéroport, transports publics, banques et grands commerces, sera paralysé aujourd’hui par une grève générale sans précédent, la première de cette envergure depuis 1996. C’est de cette année-là que date le dernier rajustement des salaires au titre de la vie chère obtenu sous la pression de la grève. Les salariés avaient également obtenu, à cette occasion, le paiement d’une indemnité de transport et de bourses scolaires. L’année suivante, le pouvoir parvenait à diviser la CGTL et à se débarrasser de sa « nuisance ».
Dans l’état actuel des choses, à quoi peut-on s’attendre ? La CGTL aligne un certain nombre de revendications générales, dont une demande de rajustement des salaires au sujet de laquelle tout le monde reste sceptique.
Toutefois, le président de la CGTL se veut « optimiste » au sujet de cette demande qui, à ses yeux, revêt une aussi grande importance sur le plan économique que sur le plan social. Il compte en effet sur ce rajustement pour relancer la consommation et provoquer un effet d’entraînement qui relancerait la machine économique et créerait de nouveaux emplois. Il y voit même une façon de freiner le mouvement d’émigration qui vide le pays de sa jeunesse.
Les deux fers de lance de la grève aujourd’hui seront les enseignants et les professeurs d’université, dont la solidarité semble sans faille, et les chauffeurs de taxi. Au nombre d’une dizaine de milliers, ces derniers sont les victimes d’une interdiction sélective de la circulation des véhicules à mazout qui a été ressentie comme une profonde injustice puisqu’elle consacre le principe de l’inégalité des membres de la profession devant la loi.
La Fédération des employés de banque, jadis puissante, ainsi que les employés du port et de l’aéroport se solidariseront avec la grève, mais n’y joueront pas un rôle moteur.

Les privatisations
Au-delà de certaines exigences sectorielles, la grève générale et la manifestation d’aujourd’hui sont dirigées contre une vision ultralibérale de l’économie. Au cœur du face-à-face entre le patronat et les salariés figurent deux visions antinomiques de l’État : l’État providence et l’État patron, avec toutes les connotations péjoratives que les ouvriers peuvent attacher à ce mot. L’économie du pays, estiment-ils, a été conduite de telle sorte que le Liban est devenu, moyennant une dette trop lourde à porter et la corruption généralisée, un enfer fiscal.
À la Régie, à l’EDL, aux transports en commun, ce qui inquiète par dessus tout aujourd’hui, ce sont des privatisations qui seraient synonymes de licenciements collectifs ou d’indemnités au rabais.
Mauvais payeur, l’État s’est également attiré la méfiance des salariés en s’abstenant de régler ses arriérés à la Sécurité sociale, ce qui menace de compromettre ses prestations. On lui reproche en général de ne pas tenir ses engagements financiers. La confiance dans sa crédibilité est ébranlée.
L’ultralibéralisme économique, estime aussi la CGTL, se manifeste aussi sous la forme d’une politique fiscale injuste, privilégiant les nantis et accentuant la pression sur les catégories sociales à revenu limité.
La centrale réclame donc que l’on renonce à l’élargissement de l’assiette des revenus imposables en direction des petits revenus, et que la part des taxes directes sur la fortune et les revenus prenne plus de place dans le pourcentage des recettes fiscales. Elle souhaite aussi que les grandes fortunes cessent de se nourrir du service de la dette. La volonté de Fouad Siniora d’assujettir les indemnités de fin de service à la TVA n’est pas pour la rassurer.
Au passage, le président de la CGTL s’élève contre l’une des facettes de l’ultralibéralisme et du laisser-faire, la multiplication des instituts d’enseignement supérieur et les universités qui vendent le savoir au rabais.
Pour le président de la CGTL, la politique d’endettement est un piège tendu par les grandes institutions financières pour dominer l’économie mondiale.
M. Yasser Nehmé, ancien secrétaire général de la CGTL, évoque avec amertume la duperie dont la centrale a été victime quand elle a accepté de réduire le pourcentage des cotisations du patronat à la CNSS. Une semaine après que nous eûmes accepté de le faire, dit-il, on nous a affirmé que toutes les prévisions qui nous avaient encouragés à le faire étaient fausses, et que la situation financière de la CNSS était bien moins florissante que nous ne le pensions.
Bien entendu, les syndicats n’ont aucun mal à identifier la doctrine économique contre laquelle ils se battent avec certaines figures officielles. Toutefois, le président de la CGTL cherche à éviter toute politisation du mouvement de grève ou son exploitation dans le bras de fer en cours entre le chef de l’État et le Premier ministre.
M. Ghosn est également conscient que deux générations au moins de jeunes ont vécu polarisées sur les problèmes politiques et n’ont aucune expérience de la culture syndicale et de la puissance des mouvements revendicatifs. Conscient qu’il doit vaincre un certain scepticisme au sein même du mouvement syndical sur l’efficacité de la grève générale, il nous faisait part hier soir de sa difficulté à trouver l’interlocuteur qu’il faut dans certains milieux politiques ou estudiantins.
Fady NOUN
Le pays tout entier, écoles privées et publiques, université libanaise, port, aéroport, transports publics, banques et grands commerces, sera paralysé aujourd’hui par une grève générale sans précédent, la première de cette envergure depuis 1996. C’est de cette année-là que date le dernier rajustement des salaires au titre de la vie chère obtenu sous la pression de la...