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Agriculture - Le Parlement en quête d’une solution radicale aux problèmes de ce secteur L’Union européenne renvoie les produits non conformes aux normes de qualité

Considéré comme le parent pauvre de l’économie au Liban, l’agriculture a aujourd’hui quelques chances de bénéficier de l’attention officielle dont elle a été longtemps privée, pour peu que le gouvernement saisisse la perche que le Parlement lui a tendue hier. À l’initiative du président de la Chambre, Nabih Berry, trois commissions parlementaires ont tenu en fin de matinée une réunion conjointe afin de tenter de dégager une solution aux problèmes endémiques de l’agriculture et, surtout, de trouver les moyens susceptibles de développer intelligemment ce secteur pour qu’il devienne rentable, sur le double plan économique et social. Dans les circonstances économiques actuelles, le développement de l’agriculture n’est plus un luxe, mais une nécessité confirmée par les données fournies durant la réunion, qui reprendra mercredi prochain.
Ce n’est un secret pour personne : depuis 1992, les gouvernements Hariri n’ont pas vraiment considéré l’agriculture comme un secteur sur lequel il est possible de compter pour initier un développement économique, et l’intérêt qu’ils lui ont porté n’a jamais dépassé le strict minimum, c’est-à-dire, les quelques promesses formulées dans les déclarations ministérielles – et jamais tenues – de la développer. Aujourd’hui, l’Exécutif semble acculé à revoir ses priorités s’il veut éviter une aggravation de la crise socio-économique.
En convoquant les commissions parlementaires des Finances et du Budget, de l’Agriculture et du Tourisme, de l’Économie et de la Planification pour discuter des problèmes de l’agriculture, la Chambre a réagi au cri d’alarme des cultivateurs, mais ce n’est qu’en prenant connaissance des éléments fournis par le ministre de l’Agriculture, Ali Hassan Khalil, qu’elle a réalisé l’ampleur du problème.

Des produits hors normes
À L’Orient-Le Jour, un parlementaire, membre de la commission des Finances, s’est dit « abasourdi » par les données révélées par le ministre. Citant M. Khalil, le député affirme qu’en dix ans, un milliard de dollars (de dons et de prêts bonifiés), soit 100 millions de dollars par an, ont été dépensés dans le secteur de l’agriculture, ce qui suscite de nombreuses interrogations. La principale question à poser, la plus naïve peut-être, mais la question légitime en tout cas reste la suivante : comment est-il possible d’investir autant d’argent pendant des années pour le développement d’un secteur sans obtenir le moindre résultat ?
Toujours selon les informations fournies par le ministre aux députés, l’Union européenne, avec laquelle le Liban avait signé un accord d’association il y a près d’un an et demi, nous renvoie les produits agricoles qu’on lui exporte. Et pour cause : nos fruits et nos légumes ne sont pas conformes aux normes européennes de qualité. Pire encore : nos raisins sont renvoyés avec la mention suivante : hautement toxique. De sources parlementaires, on explique que des analyses de laboratoire en Europe ont révélé que les raisins de table importés du Liban contenaient des insecticides dont l’usage est interdit sur le plan international à cause de leur toxicité.
Partant de ces deux éléments et dans la perspective de l’ouverture de notre marché, en 2005, aux produits agricoles arabes conformément à un accord en ce sens conclu en 1997, les membres des trois commissions ont débattu des moyens de renverser la vapeur, après avoir écouté les explications des ministres de l’Agriculture, Ali Hassan Khalil, de l’Économie, Marwan Hamadé, et des Finances, Fouad Siniora.
Pour les parlementaires, il faut éviter que l’échéance de 2005 ne donne le coup de grâce au secteur agricole libanais et œuvrer par conséquent pour rendre nos produits compétitifs. Le Liban dipose d’un peu plus d’un an pour entreprendre ce qu’il était supposé réaliser au cours des sept dernières années: améliorer et rationaliser les cultures locales.

Des subventions intelligentes
De source parlementaire, on souligne que pour la première fois peut-être depuis des années, deux courants de pensée antonymes se sont retrouvés à mi-chemin sous la coupole du Parlement.
Les partisans d’un développement-de-l’agriculture-pour-de considérations-socio-économiques et les adeptes d’un-développement-écono- mique-qui-ne-tient pas-compte-du-secteur-agricole ont fini par se mettre d’accord sur l’importance d’une rationalisation de la politique agricole.
La surface cultivée au Liban est de 250 000 hectares, ce qui oblige le Liban à être sélectif au niveau de la culture, explique un parlementaire qui rend compte des débats lors de la réunion. Il s’agit en d’autres termes de passer des cultures non viables aux cultures viables, en choisissant les produits qui permettront au Liban d’être compétitif et qui sont susceptibles de lui rendre accessibles les marchés extérieurs.
Les parlementaires ont trouvé que les agriculteurs ne pourront pas assurer seuls cette transition. Pour eux, une intervention de l’État est nécessaire. Cette intervention se fera à plusieurs niveaux. L’accent a été ainsi mis sur l’établissement d’une « carte agricole » et sur le retour aux subventions, mais à dimension économique et non pas sociale, en ce sens que l’État doit cesser de penser qu’une politique de soutien équivaut à racheter aux agriculteurs les produits des récoltes et songer aux subventions en termes d’investissement à rendement. De même source, on souligne que le soutien apporté par les pays du G7 au secteur agricole s’élève à 3 300 millions de dollars par an.
Dans le même temps, l’État doit favoriser l’octroi de crédits aux cultivateurs, orienter ces derniers vers de nouvelles cultures, rationaliser l’irrigation, établir des barrages et instituer un contrôle de qualité, ont estimé les parlementaires, jugeant que les autorités peuvent également solliciter le concours d’organismes étrangers, tels que la Banque européenne de reconstruction, pour faire en sorte que nos produits soient conformes aux normes de qualité en vigueur.
Les parlementaires ont dans le même temps trouvé que le gouvernement peut dynamiser le Centre national de recherches agricoles afin qu’il puisse jouer un rôle important à ce niveau, tirer profit des accords agricoles conclus avec de nombreux pays, développer le secteur agroalimentaire sur base d’études de faisabilité et faire du Liban un centre d’exportation de plants et de graines, étant donné le climat du pays et la nature de son sol.
Mais de l’avis de nombreux parlementaires, pour que ces projets puissent être réalisables, il faut que les sommes allouées au ministère de l’Agriculture dans le projet de budget 2004 soient relevées.
La réunion d’hier a permis aux députés de connaître un peu l’état des lieux et d’effectuer un brain-storming en quête d’une solution, secondés par un ministre qui connaît, semble-t-il, à fond son dossier.
Les décisions ou les recommandations seront adoptées la semaine prochaine, au cours d’une réunion que les commissions tiendront mercredi et durant laquelle M. Ali el-Khalil devra présenter « des propositions de solutions radicales, un mécanisme de soutien aux agriculteurs et une politique de redressement du secteur agricole », qui resteront lettre morte tant que le gouvernement ne considérera pas ce secteur comme étant un composant organique de l’économie nationale.

Tilda ABOU RIZK
Considéré comme le parent pauvre de l’économie au Liban, l’agriculture a aujourd’hui quelques chances de bénéficier de l’attention officielle dont elle a été longtemps privée, pour peu que le gouvernement saisisse la perche que le Parlement lui a tendue hier. À l’initiative du président de la Chambre, Nabih Berry, trois commissions parlementaires ont tenu en fin de...