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RENCONTRE - «La confrontation», une installation de Paul Wakim à la galerie Agial jusqu’au 6 juin Lire autrement l’éthique de l’image (photo)

Trente-six mètres de toiles d’un seul tenant, découpées en neuf chapitres de 80 centimètres de hauteur chacun, composent l’œuvre que l’artiste Paul Wakim a intitulée «La confrontation». Réalisée pour la galerie Agial, qui l’expose (l’œuvre n’est d’ailleurs pas à vendre) jusqu’au 6 juin, elle fait partie intégrante d’un processus artistique commencé en 1992 et se poursuivant dans un projet des plus ambitieux. «Cette année-là, j’ai découvert saint Siméon le Stylite, explique-t-il. Et quelque temps auparavant, le texte ancien, écrit en syriaque et qui relatait la découverte par une femme d’une image de Jésus-Christ dans une source, autrement dit une image miraculeuse, m’a alors permis de me lancer dans une recherche, menée parallèlement à des études de grec et en sciences religieuses, sur les multiples sens de l’image en tant que telle.»
Du Stylite, il relève «la fixité de la représentation de ce saint resté 37 ans sur des colonnes de niveaux différents»; du suaire, il relève l’exécution paranormale, mentionnée dans les textes bibliques comme acheiropoiète (mot grec signifiant «non fait de main d’homme»). Commencent alors une réflexion et un travail complexes autour de ces deux découvertes, entre 1992 et 1998, comprenant un «Atelier de création», fabriqué à Faqra en 1998, et plusieurs installations et créations sur toile.

Le déhanchement
du parallélogramme
«L’espace d’une galerie est neutre par définition, poursuit-il. On peut tout y dire. Mon choix s’est articulé, ici, autour d’un thème sacré qui mène à la confrontation peinture-photographies.» Car pour Paul Wakim, il s’agit dans cette installation de mettre en vis-à-vis trois confrontations: «abstrait – figuratif», «thématique de l’origine – figure» et «photographies – peinture». Sous ces trois grandes directions, une organisation de l’espace gauche-droite, «comme celle du corps», précise l’installationniste. Le premier panneau, Création – fantasme, est un prolongement du travail de Paul Wakim réalisé au Musée de la préhistoire de l’USJ. Le deuxième panneau, où apparaissent, retenus par un simple fil sur la toile, des morceaux de bois tordus et qui porte le nom d’Assa’adiyat, évoque une plage près de Damour où l’artiste a des souvenirs d’enfance.
Le troisième panneau, Le bûcher et l’icône, est «le symétrique opposé de l’histoire de la découverte, dans la source, de l’image miraculeuse de Jésus-Christ»: en effet, à l’eau s’oppose le charbon pilé déposé sur la toile. Tout au long de Création – enfance, l’artiste a peint et dessiné comme «un enfant qui se laisse fasciner par les images qu’il crée». «Je ne pousse pas jusqu’à l’iconographie hollywoodienne, affirme-t-il en montrant des parties inachevées, voire difficilement perceptibles, de corps et de visages. À cet état de graphisme, mon désir est comblé et je passe alors à autre chose.» Un motif récurrent de la création est pointé dans cette première série de quatre toiles libres: «Le parallélogramme, dont le déhanchement permet de se mettre hors d’un système, de lire autrement l’éthique de l’image.»

Réflexion et joie de peindre
En face de la porte d’entrée de la galerie, l’«interruption» voulue par Paul Wakim, le «face à face avec ce que j’ai appelé le suaire de Bézaudun». Le visiteur découvre, grandeur nature, le dessin sur un drap du corps nu de l’artiste, couché sur le ventre, visage caché. Le premier panneau de droite, intitulé Avant le déjeuner, à Bézaudun, immédiatement suivi du deuxième, Avant le dîner, à Espioutou, forme un ensemble où le paysage du Midi domine, hautement coloré. Nadar ou l’archétype, troisième panneau dans lequel se concentre l’interrogation de l’artiste sur la confrontation «peinture – photographies», a été réalisé à partir des photos prises de l’artiste, couché nu et de face, tantôt au sol, tantôt dans un état irréel d’apesanteur. «Ici se retrouvent mêlés les thèmes de la religion, la préhistoire, le mythe, l’enfance et le fantasme», commente-t-il. Le dernier panneau de l’installation, appelé Sur une plage à Damour, a été effectivement réalisé sur le lieu cité, à plat sur le sable. Deux figures s’en détachent : des anges sexués, d’abord un homme tourmenté par un serpent, ensuite une femme, au visage en forme de cri.
L’installation de Paul Wakim, largement intellectualisée, avec pour points d’ancrage recherches et réflexions sur des faits historiques, religieux, sociaux et moraux, des lectures collatérales poussées, n’en reste pas moins inscrite dans la fraîcheur du geste de peindre: «Je conçois la prière par la peinture, ce qui revient à dire que je prie constamment, en alternance avec beaucoup de lectures pour soutenir cet acte ininterrompu», confie-t-il.
D’autre part, la problématique de l’image est, elle aussi, une récurrence essentielle de cette «Confrontation»: «Dire les choses, c’est dénoncer les préjugés, assure-t-il. Or il se trouve que le conflit américain a révélé une vérité capitale: l’homme reproduit ce qu’il craint. J’ai voulu ici, avec des outils appropriés, interroger le fondement de la foi, qui est l’image.»
Œuvre dense, complexe, qui se joue d’elle-même par la joie absolue, inextinguible, de peindre, cette installation, dans laquelle textures, couleurs, genres et processus de pensée et d’application se chevauchent, est le pendant de La création et l’œuvre, «à la fois livre d’artiste, catalogue et ouvrage d’érudition», que l’artiste a publié en 2001 à Paris, mais aussi de la prochaine inauguration de sa seconde exposition, le 29 avril à la galerie Rochane, où il présentera des œuvres de petit et moyen format sur toile. Un triple regard sur un ensemble artistique régi par l’exigence, la réflexion sémiotique et l’acte de création.

Diala GEMAYEL
Trente-six mètres de toiles d’un seul tenant, découpées en neuf chapitres de 80 centimètres de hauteur chacun, composent l’œuvre que l’artiste Paul Wakim a intitulée «La confrontation». Réalisée pour la galerie Agial, qui l’expose (l’œuvre n’est d’ailleurs pas à vendre) jusqu’au 6 juin, elle fait partie intégrante d’un processus artistique commencé en...