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Pendant que ces messieurs s’étripent



– La viande brésilienne. Au Bois de Boulogne ? Non, c’est périmé. Cif port de Beyrouth, par quartiers de bœuf entiers, par centaines de tonnes congelées. Au prix de gros, quelque chose comme 2 000 LL le kilo, premier choix. Revendue à l’étal entre 9 000 et 10 000 LL. Cela dépend du rythme de vente et du point géographique. Le bétail local, qui ne manque pas, supporte difficilement évidemment la concurrence. Le bœuf tous usages se situe, au bas mot, à 9 000 LL. Le mouton, à 15 000 LL. On en trouve, dans des recoins reculés, à 9 000 LL, mais la moitié est à jeter. Si l’on est du métier ou que l’on a des pistons, on se rend aux abattoirs pour prendre le mouton à 8 000 LL et les brochettes de veau à 4 000 LL. Mais il faut se lever tôt. Ce n’est pas la peine, quand les supermarchés font des offres alléchantes: pour deux kilos de kafta congelée hachée, à 7 000 LL, on a droit à un kilo gratuit. D’une manière générale, si on préfère manger libanais, la viande, c’est entre 6 500 LL et 7 000 LL par jour. En tout cas, pour bien gérer son budget, comme on est tous obligés de le faire désormais, il faut savoir naviguer entre mille écueils. Avec l’arrière-pensée, inquiétante, que tout ce bazar flottant reste pratiquement sans contrôle. Ni technique ni économique. Pendant que ces messieurs de la politique planent dans les nuages des grands principes, mis au service des ornières de Bteghrine, le Libanais moyen (ou ce qu’il en reste) risque de se faire empoisonner.
– Et alors, bonjour les dégâts, côté soins médicaux. Le patient est devenu un Frisbee que les praticiens et les pharmaciens se refilent allègrement. Il existe dans ce domaine des réseaux, pour ne pas dire des bandes, organisés. Les généralistes sont en cheville avec divers spécialistes comme avec des pharmaciens déterminés pour faire mousser le fonds de commerce commun, l’être souffrant.
– Se serrer la ceinture, dur sacrifice pour un peuple méditerranéen, de nature généreuse et prodigue, devient donc une nécessité absolue. La traditionnelle hospitalité, qui fait le charme et l’attrait du Liban, rétrécit comme une peau de chagrin. Plus personne, ou presque, ne trouve désormais choquant de ne pas mettre les petits plats dans les grands pour des visiteurs. Ni même de ne plus leur offrir la sacro-sainte cigarette qui donne tout son arôme au café oriental. Plus personne ne s’étonne ou ne ricane en voyant une ménagère, ou un vieux monsieur, réclamer 100 g de fromage, pas plus, au crémier, ou deux tranches de mortadelle (elle est morte, Adèle, notre tante modèle) au charcutier. Tout au contraire, c’est d’un mauvais œil qu’on regarde chez le marchand de primeurs la pimbêche huppée qui, d’un doigt négligent, désigne un assortiment de fruits exotiques, aussi chers que des diamants bruts, pour un sac de trois, quatre kilos, sans demander ni discuter le prix.
– En étant au moins presque sûre de n’être pas trompée sur la qualité. Ce qui n’est pas le cas pour qui s’aventure dans un restaurant ou chez le pâtissier oriental du coin. Car, à l’office, le moulin mixeur qui recycle l’invendu ou le faisandé carbure à plein régime. La knafé qui commence à sentir le fossile se retrouve quelque part entre les sfoufs et la baklawa. Sans compter la fraude directe caractérisée comme les carottes râpées badigeonnées de vert et mélangées à des petits pois écrasés pour gonfler un cornet de pistaches. Au nez, à la barbe (à papa) et à la moustache du service dit de protection du consommateur. Ce tigre en papier, qui a trop peu de personnel, il faut le dire, dans son moteur.
Et pendant ce temps-là nos grosses légumes se gavent, en connaisseurs, de tournedos, de pignons (sur rue m’as-tu-vu) et de fin filet mignon. En se crêpant joyeusement le chignon.

Jean ISSA
– La viande brésilienne. Au Bois de Boulogne ? Non, c’est périmé. Cif port de Beyrouth, par quartiers de bœuf entiers, par centaines de tonnes congelées. Au prix de gros, quelque chose comme 2 000 LL le kilo, premier choix. Revendue à l’étal entre 9 000 et 10 000 LL. Cela dépend du rythme de vente et du point géographique. Le bétail local, qui ne manque pas, supporte...