Rechercher
Rechercher

Actualités

Conférence - L’ancien ministre analyse à Dar el-Fatwa les périls de la politique israélienne dans la Ville sainte Eddé : Combattre la judaïsation de Jérusalem, c’est sauver l’humanité (photo)

L’ancien ministre Michel Eddé a longuement analysé hier la politique de judaïsation forcée menée par Israël à Jérusalem, développant les diverses facettes et les conséquences de cette judaïsation et expliquant pourquoi il est nécessaire de la combattre. À ses yeux, il s’agit en effet de rien moins que de sauver l’humanité d’un conflit religieux cataclysmique, planifié par les « sionistes extrémistes ».
M. Eddé s’exprimait lors d’une conférence à Dar el-Fatwa, organisée à l’occasion de la commémoration de l’incendie de la mosquée al-Aqsa, en 1969. Le mufti de la République, cheikh Mohammed Rachid Kabbani, et de nombreuses personnalités politiques et religieuses étaient présentes. L’ancien ministre devait conclure par un vibrant appel à la préservation de la convivialité islamo-chrétienne au Liban, comme modèle de la « civilisation humaine ».
« Selon la conception raciste traditionnelle du sionisme, le projet de judaïsation vise à l’instauration d’un monopole juif » sur Jérusalem, de sorte qu’elle « devienne une ville exclusivement juive », a commencé par expliquer M. Eddé. « Cela a pour effet d’annihiler Jérusalem en tant que terre sacrée, sanctuaire de lieux saints et symbole sacré à la fois terrestre et céleste, commun à toutes les religions monothéistes », a-t-il dit.
Pour M. Eddé, la vraie Ville sainte, « connue sous l’appellation de Jérusalem, est la ville arabe et nulle autre ». De ce fait, c’est elle qui est « menacée de judaïsation et de disparition ». « Quant à ce que l’on a nommé ultérieurement Jérusalem-Ouest, ce n’est qu’un groupe de bâtiments édifiés hors de la ville à partir du début du XXe siècle et du mandat britannique (1920 - 1948) », a-t-il souligné.
« Toutefois, les plus extrémistes des sionistes, tant sur le plan politique que talmudique, ne sauraient considérer l’entreprise de judaïsation comme achevée que lorsque l’esplanade des Mosquées (le Haram al-Charif) serait détruite et extirpée afin que le temple (de Salomon) soit édifié au même endroit », a prévenu M. Eddé.
« Ces gens-là ne se soucient aucunement des réactions à leur projet fou, quelle que soit leur ampleur, pas plus que des conséquences catastrophiques auxquelles il aboutirait, a-t-il dit. Ils considèrent en effet, à partir d’une conception talmudique, les réactions et les prises de position dénonçant leur crime comme une affaire purement terrestre qui ne les concerne pas et qui ne saurait, en aucun cas, les empêcher d’accomplir leur mission sacrée.» «Pour eux, il s’agit d’une mission divine et révélée », a-t-il ajouté.

Mise en garde contre l’inaction
Mettant en garde contre toute inaction face à ce projet, M. Eddé a rendu hommage au mufti Kabbani pour son combat, qui exprime, selon lui, « l’éveil des musulmans du Liban ». « Vous êtes conscient que la question de l’anéantissement de l’esplanade des Mosquées, en tant que site, dimension, rôle et symbole, ne relève nullement de la surenchère verbale, mais qu’il s’agit d’un péril très sérieux et très menaçant. Je salue le combat que vous menez pour alerter tout le monde sur ce danger, de sorte que si, à Dieu ne plaise, il venait à se concrétiser, nul d’entre nous n’en serait un témoin passif », a lancé l’ancien ministre.
« À aucun moment, et aujourd’hui moins que jamais, la judaïsation ne fut le fruit d’une passion ponctuelle ou d’un acte de sorcellerie. Il s’agit bien d’une politique israélienne programmée qui, petit à petit, avec ténacité, a créé des faits têtus sur le terrain », a poursuivi M. Eddé.
Selon lui, « cette politique a toujours eu deux visages liés l’un à l’autre : le premier est la purification ethnique, consistant à extirper les habitants de Jérusalem et les forcer à l’exode ». « Il est vrai qu’à ses débuts, avec (David) Ben Gourion, Israël avait placé Jérusalem hors de son champ de tir parce qu’à l’époque, le sionisme s’appliquait fondamentalement à la création de l’État et à la consolidation de l’entité. Mais, depuis la conquête de la ville, en 1967, l’État hébreu a commencé à mettre en œuvre sa politique de purification ethnique, a-t-il noté. Pour cela, il s’est livré de manière programmée au harcèlement, à la répression et à la terreur à l’égard des habitants arabes, chrétiens et musulmans, afin de les pousser au départ. »
« En application de cette politique, les cabinets israéliens successifs, toutes colorations confondues, ont adopté, sur un rythme ascendant, des mesures à caractère raciste destinées à priver les habitants des fondements les plus élémentaires de l’existence. Les entraves à l’activité économique, les destructions d’immeubles et la réquisition d’autres après en avoir expulsé les propriétaires, surtout parmi les chrétiens, ainsi que le refus d’octroyer des permis de construction de logements en sont des exemples. Sans parler d’une stratégie bien ciblée visant à contraindre par tous les moyens les habitants à vendre leurs propriétés », a-t-il expliqué.
« À côté de cela, Israël a confisqué des milliers de pièces d’identité appartenant à des habitants de Jérusalem. Il a d’autre part pris et continue de prendre toutes les mesures destinées à empêcher les étudiants de Jérusalem de pouvoir suivre des études dans leur ville, et ce afin d’inciter leurs parents à désespérer de tout avenir pour leurs enfants sur cette terre et les contraindre à quitter Jérusalem et la Palestine sans espoir de retour. Dans le même temps, l’État hébreu ne manque pas de faire adopter des verdicts et des décisions prohibant à tous ceux qui sont poussés au départ de pouvoir jamais retourner dans la Ville sainte », a-t-il accusé.
« L’autre visage de la politique de judaïsation a consisté, pour les gouvernements de droite, à encourager le peuplement de Jérusalem-Est par des juifs ultraorthodoxes », a ajouté l’ancien ministre. Aujourd’hui, cette catégorie « constitue effectivement une majorité agissante parmi les juifs à l’intérieur de ce que les sionistes considèrent comme l’ensemble de Jérusalem », a-t-il relevé.
M. Eddé a souligné que « la transformation qui s’est opérée sur la nature de la présence démographique juive à Jérusalem illustre le caractère raciste (...) du projet sioniste ». Car, a-t-il noté, « la présence dominante des extrémistes juifs a poussé les juifs laïcs eux-mêmes, qui constituaient traditionnellement la majorité de la population dans les quartiers ouest de la ville, à prendre la fuite, par suite de leur incapacité à vivre côte à côte avec ces extrémistes religieux. Si telle est la situation pour les juifs laïcs, qu’en serait-il alors pour les Arabes de Jérusalem ? » s’est-il interrogé.

Le modèle libanais
Développant les effets de cette transformation démographique sur la politique israélienne à l’égard du conflit avec les Palestiniens, M. Eddé a constaté qu’elle a abouti « au recul des forces juives israéliennes qui avaient commencé à se laisser convaincre de la nécessité d’une solution pacifique avec les Palestiniens et les pays arabes et, inversement, à une montée en puissance des forces et des courants radicaux ».
Établissant une distinction entre « les Israéliens ordinaires, qui sont la grande majorité et les formations extrémistes sionistes », M. Eddé a évoqué par la suite les tentatives de ces dernières de transposer le conflit israélo-palestinien au niveau mondial, par le biais de ce qu’on appelle le choc des civilisations. Pour lui, « la fonction première de cette campagne vise à identifier l’islam au terrorisme » pour en arriver à la situation dans laquelle « toute agression contre l’islam, ses symboles et ses sanctuaires, et en premier lieu la mosquée al-Aqsa, soit perçue comme un fait banal, ordinaire et excusable par avance ».
Amené à développer les raisons qu’ont les chrétiens libanais de combattre la judaïsation de Jérusalem, M. Eddé a estimé que « si, au Liban, nous menons cette bataille contre la judaïsation et le péril de destruction d’al-Aqsa, c’est que nous luttons simultanément pour défendre tous les chrétiens d’Orient, mais aussi ceux du monde entier ». Il a à cet égard accusé les extrémistes sionistes de chercher à allumer une guerre d’anéantissement entre les chrétiens et les musulmans. « Mais cet enfer que planifient les extrémistes sionistes n’épargnera pas non plus les juifs », a-t-il estimé.
« Le pape a pris conscience de l’ampleur de la catastrophe qu’on cherche à imposer au monde. Il l’a affrontée en rejetant les folles prétentions concernant le choc des civilisations, appelant les chrétiens à demeurer attachés au dialogue des religions et des cultures, et notamment au dialogue islamo-chrétien. »
M. Eddé a rappelé à cet égard que le synode qui avait été réuni pour le Liban n’avait pas été destiné aux seuls chrétiens libanais. « Il s’agissait ainsi de l’affirmation du dynamisme de l’expérience sociétale libanaise dans la convivialité, sur la base de la diversité religieuse, du dialogue et de l’ouverture », a-t-il relevé.
C’est cette même vision d’un Liban « édifié conjointement par les chrétiens et les musulmans » et donné comme « modèle réaliste, concret et vivant de cette grâce, que constitue l’interaction christiano-musulmane dans la construction de la civilisation humaine », qu’a également défendue le patriarche maronite, Mgr Nasrallah Sfeir, et le synode de l’Église maronite, a ajouté M. Eddé.
Invitant les chrétiens et les musulmans à rejeter « toutes les formes d’extrémisme et de terrorisme », l’ancien ministre a conclu en affirmant que la « résistance contre l’injustice, l’oppression et l’occupation, comme c’est le cas pour le peuple palestinien, est une résistance contre le terrorisme que représente l’occupation ».
« Dans ce contexte, a-t-il ajouté, il n’est pas permis de confondre Occident et chrétienté, quand l’Occident lui-même rejette une telle identification, tout comme il n’est pas permis de confondre islam et terrorisme, puisque l’islam lui-même condamne le terrorisme et refuse une telle confusion. »
L’ancien ministre Michel Eddé a longuement analysé hier la politique de judaïsation forcée menée par Israël à Jérusalem, développant les diverses facettes et les conséquences de cette judaïsation et expliquant pourquoi il est nécessaire de la combattre. À ses yeux, il s’agit en effet de rien moins que de sauver l’humanité d’un conflit religieux cataclysmique,...