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ADMINISTRATION Une nécessité qui passe avant toute réforme : l’application des règles de contrôle

Ce n’est pas tant un problème de réforme, administrative ou politique, qui se pose au niveau de l’État. Mais de déficit en matière d’application des règles de contrôle qui existent déjà. C’est ce qu’observe le ministre de la Culture, Ghazi Aridi. En laissant entendre que la surveillance doit permettre aux instances concernées de demander effectivement des comptes à qui de droit. D’où la nécessité d’une justice indépendante. Et d’une Chambre issue d’élections vraiment libres, formée de députés parfaitement représentatifs. Car, au stade actuel, les rapports de l’Inspection centrale ou les conclusions de la Cour des comptes vont en droite ligne dormir dans les tiroirs. Ils ne sont suivis d’aucun effet judiciaire, malgré les accablantes dénonciations de gabegie ou de malversations qu’ils contiennent. Il est évident que la justice, pour pouvoir agir, a besoin d’être indépendante, immunisée contre les immixtions politiciennes. De son côté, le Parlement ne poursuit pas politiquement les responsables.
Insistant, par fonction, sur le créneau judiciaire, le ministre de la Justice, Bahige Tabbara, souligne que le tout premier impératif est évidemment que les gens puissent avoir confiance dans les juges. Qui doivent être, par vocation, l’un des piliers essentiels de l’État de droit et des institutions. Aux côtés, autre évidence, d’une Chambre élue librement par le peuple, pour le représenter vraiment. Ainsi qu’aux côtés, ajoute le ministre, du Conseil constitutionnel, institué pour veiller à la sauvegarde des droits des citoyens. Qui souhaitent, naturellement, une loi appliquée à tous, en toute justice, loin des tiraillements d’ordre politicien. Dès lors, il faut qu’une affaire inscrite au rôle soit jugée, sans rester en suspens.
Le Parlement, pour sa part, paraît au moins aussi ligoté ou bâillonné que la justice. Sans doute pour la raison qu’il n’est pas entièrement issu de la libre volonté de l’électorat et qu’il comprend un certain nombre de parachutés. Jadis, quand il y avait des Chambres représentatives, il était fréquent de les voir mettre en place des commissions d’enquête. Qui n’hésitaient pas à charger, le cas échéant, des responsables pris en faute. Sans se laisser impressionner par des interventions abusives. Les magouilles, les scandales n’étaient pas discrètement étouffés.
Dans cet esprit, il ne suffit pas, aujourd’hui, que le président Berry appelle à demander des comptes au sujet de la situation de l’EDL. Il devrait, en effet, demander la formation d’une commission d’enquête parlementaire sur cet important dossier. Et faire de même, d’ailleurs, pour les multiples infractions relevées dans les divers départements étatiques, administratifs ou autres. Des dérapages sans cesses dénoncés, souvent par les officiels eux-mêmes, sans qu’il y ait des poursuites judiciaires ou parlementaires. Car, répétons-le avec le ministre de la Justice, la magistrature reste en butte aux immixtions politiciennes. Tandis que la Chambre, soumise à des pressions extérieures autant qu’intérieures, comprend une majorité de députés qui n’ont pas été élus librement par le peuple. Et cette majorité fait, naturellement, toujours obstacle à la dynamique d’assainissement que la minorité tente de développer par ses propositions.
Le fléau de l’interventionnisme contamine même les médias qui, jadis, dénonçaient à cor et à cri les scandales. Dans les temps présents, parler de la corruption est presque interdit. Les médias qui gardent leur franc-parler sont peu entendus et cela à cause de l’influence prédominante des protecteurs des pourris. Une influence tirée du dehors. On ne voit plus guère de dénonciation publique obligeant un gouvernement, un ministre ou un autre responsable, à démissionner. Pire encore, si le dénonciateur est d’aventure un député, il n’a aucune chance de retrouver son siège au Parlement.
Pour tout dire, la corruption ne peut être combattue par les seuls rapports des organismes de contrôle. C’est en effet, surtout, une affaire de comportement de pouvoir, d’institutions assumant vraiment leur rôle, d’élections honnêtes. À ce propos, un universitaire, Issam Sleiman, professeur de sciences politiques, souligne que la loi électorale ne doit plus être une simple prestation folklorique qui se déroule sous le contrôle de bandes organisées. Mais une clé pour une Chambre sainement représentative. Ce qui signifie que les députés deviendraient, enfin, comptables de leurs actes devant leur électorat. Pour demander à leur tour des comptes, sans faillir, au gouvernement. Qui de son côté surveillerait de plus près les administrations.
Le député Farid el-Khazen remarque, quant à lui, qu’un dirigeant laissé sans contrôle devient facilement un monstre usurpant les droits des gens. Le président Omar Karamé relève qu’une Chambre qui ne représente pas le peuple ne peut pas être la source de tous les pouvoirs, comme le veut la Constitution. Enfin, le patriarche Sfeir souligne que la population se plaint de la politisation de la justice, de la privation des libertés. Pour conclure qu’il n’est plus admissible qu’un peuple en gouverne un autre.
Émile KHOURY
Ce n’est pas tant un problème de réforme, administrative ou politique, qui se pose au niveau de l’État. Mais de déficit en matière d’application des règles de contrôle qui existent déjà. C’est ce qu’observe le ministre de la Culture, Ghazi Aridi. En laissant entendre que la surveillance doit permettre aux instances concernées de demander effectivement des comptes à...