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TOURISME INTERNE - Un patrimoine architectural d’une grande richesse À la découverte de Douma, ses 240 maisons classées et ses circuits de randonnées(photos)

Il aurait hérité son nom de l’impératrice Julia Domna, épouse de l’empereur romain Septime Sévère (193 et 211 av. J.C.), qui aimait y passer l’été. Douma, petit village du caza de Batroun, fait aujourd’hui la fierté de ses habitants. Et pour cause, il demeure un des rares villages de montagne à avoir conservé son cachet traditionnel. Ses maisons libanaises aux toits de tuiles rouges et en pierre de taille, dont 240 sont classées comme faisant partie du patrimoine national, ses vieux souks qui témoignent d’une importante activité commerciale passée, ses oliviers millénaires qui produisent une des meilleures huiles de la région, la meilleure, selon ses habitants, mais aussi son environnement boisé qui offre, sur fond de chant des cigales, une grande variété de circuits de randonnées en font une destination très prisée des amoureux de la nature.

Amchit, Obeydate, Lehfed, Jaj... l’un après l’autre, les villages côtiers et montagneux défilent. Longue et sinueuse, la route serpente entre les champs d’oliviers et les plantations en terrasses. C’est au terme d’une côte, à une heure trente de Beyrouth, qu’apparaît Douma au fond d’une vallée, tel un scorpion qui se dore au soleil. Un fief à majorité orthodoxe au sein du triangle de pèlerinage maronite que forment Annaya (Saint Charbel), Jrebta (Sainte Rafqa) et Kfifane (Bienheureux Hardini).
« Douma la santé, Douma le fer, c’est ainsi que l’on appelait le village, il y a des années de cela », indique le président de la municipalité, Hanna Ayoub. Et pour cause, ce village qui culmine à 1 100 mètres d’altitude, était longtemps réputé pour son climat idéal, mais aussi pour sa production d’armes, épées et fusils, et ses industries de cuir et de bois qui ont fait sa prospérité durant l’époque ottomane. Douma était alors un important centre commercial et industriel qui attirait les habitants de toutes les régions avoisinantes, constituant une plaque tournante entre les régions de Jbeil, Batroun, Tripoli, le Hermel, Baalbeck et la Békaa. Et ce, jusqu’au jour où les Ottomans l’ont brûlée, jetant ses habitants sur les routes de l’exode et les poussant à l’émigration. Depuis la création de la République libanaise et la construction de routes reliant entre elles les grandes villes, Douma n’a jamais recouvré son rôle.

Des circuits de promenade pour tous les niveaux
Désormais, cette localité pittoresque, jumelée avec la ville française de Digne-les-bains, est un lieu d’estivage, comme tant d’autres localités de la montagne libanaise. À l’entrée du village, l’eau de source d’Aakfol coule de la traditionnelle fontaine, abreuvant les visiteurs. Sur la colline d’une part, au creux de la vallée d’autre part, de vieux chênes millénaires protègent de leurs larges branches les églises de Mar Nohra et de Mar Challita, comme pour rappeler qu’il n’y a pas si longtemps c’est à l’ombre de ces chênes que les enfants du village suivaient leurs classes.
En été, entre 1 000 et 2 000 citadins originaires du village passent l’été à Douma, alors que seuls 500 Doumaniens y habitent en permanence. Aux estivants, s’ajoutent les amateurs de nature, de calme et de randonnées, dont un nombre remarquable d’étrangers, qui se donnent rendez-vous au Grand Hôtel de Douma l’espace d’un week-end ou pour quelques jours de vacances, histoire de découvrir les huit circuits naturels de marche de différents niveaux à travers les collines environnantes. Des circuits dont le plus simple nécessite trois heures de marche et le plus ardu entre sept et huit heures de randonnée. De la vallée de Ras Ibnaya, nichée sous les cèdres de Tannourine, à Kfar Hilda au creux de la vallée, Douma et ses environs invitent les randonneurs à aller à la rencontre des sites naturels à travers les bois, mais aussi à découvrir, çà et là, vieux monastères, églises ou temples païens. Un sentier a même été aménagé dernièrement par un groupe de jeunes marcheurs français, à l’est du village.
La promenade au cœur de Douma, sur un kilomètre et demi de faux plat, est elle aussi de rigueur. Témoins de cette splendeur passée, les maisons préservées en pierre de taille et aux toits de tuiles rouges qui donnent au village son cachet traditionnel. Un cachet qui fait la richesse du village mais surtout la fierté des Doumaniens qui travaillent d’arrache-pied à la préservation de leur patrimoine. En effet, Douma est un des rares villages libanais à avoir échappé à la modernisation et au béton. D’ailleurs, 240 de ces vieilles demeures sont désormais classées comme faisant partie du patrimoine national. Certaines d’entre elles sont même ouvertes aux visiteurs désireux de s’imprégner quelque peu d’un air d’antan.
« À Douma, le béton est interdit et l’aluminium fortement déconseillé. Seule la pierre de taille est autorisée dans la construction, au même titre que le sable et le fer », observe M. Ayoub, précisant que toute nouvelle construction doit obligatoirement respecter certaines normes, conformément au plan d’urbanisme en vigueur.

Restaurer le vieux souk,
une priorité
Autre témoin de la grandeur passée de Douma, son souk aux 100 échoppes, vieux de plus de 300 ans, dont l’animation était légendaire à l’époque ottomane car il était le centre des échanges industriels de la région. Ferronniers, cordonniers, menuisiers mais aussi agriculteurs y accueillaient alors une clientèle variée venue des confins de la montagne. « Autrefois, raconte Hanna Ayoub, ce souk regroupait non moins de 200 échoppes. Parmi la centaine de celles qui restent, seules 10 sont encore ouvertes et vendent des produits de l’artisanat local, des gadgets, des articles cadeaux, ou servent du café et des boissons. Car l’ensemble des commerçants et des artisans ont été touchés par le déclin », déplore le président de la municipalité.
Un déclin qu’il impute à l’éloignement du village et au manque de voies rapides de communication le reliant au littoral. En effet, la route reliant Douma au littoral s’étire sur 44 kilomètres de long, alors qu’un projet d’autoroute aurait déjà dû, il y a belle lurette, ramener cette distance à 17 kilomètres. Certes, les travaux de construction de cette autoroute sont en cours d’exécution, « mais ils avancent avec une lenteur désespérante », constate-t-il, déplorant que la route n’ait pas été achevée pour le Festival de Douma qui se déroule durant le mois d’août, drainant ainsi plus de visiteurs.
En attendant la fin des travaux de cette voie rapide tant espérée, Douma entend bien parfaire sa beauté. Au terme d’une dizaine d’années de collaboration entre la municipalité et l’Association de sauvegarde du patrimoine naturel et urbain de Douma, présidée par l’architecte Antoine Fischfisch, de nombreuses demeures traditionnelles ont été sauvées de la démolition, et les propriétaires sont désormais encouragés à restaurer leurs maisons dans le respect du cachet traditionnel du village. « Nous avons même réussi à faire dévier le tracé de l’autoroute qui menaçait 55 maisons traditionnelles ainsi qu’un champ d’oliviers millénaires », raconte M. Fischfisch. « Nous envisageons actuellement de restaurer le vieux souk de Douma, afin de lui redonner sa splendeur passée. L’étude préliminaire du vieux souk, financée par la Direction générale des antiquités (DGA), vient tout juste d’être achevée. Nous entamons de suite la seconde étude qui permettra de mettre en place un plan de réfection », explique l’architecte, spécialiste en restauration d’anciennes demeures. Quant au coût des travaux, ils sont estimés par le président de la municipalité à près de 500 000 dollars. « Mais Douma vaut bien le sacrifice, conclut Hanna Ayoub, car sa richesse au niveau du patrimoine est tout simplement inestimable. »

Anne-Marie el-HAGE

Une municipalité des plus actives

La municipalité du village, présidée depuis 6 ans par Hanna Ayoub, œuvre de pair avec l’Association de sauvegarde du patrimoine naturel et urbain de Douma pour préserver la richesse architecturale et naturelle de la localité, mais aussi pour créer de nouveaux emplois dans la région. Outre la sauvegarde des maisons traditionnelles et des champs d’oliviers millénaires (grâce à la modification du tracé de la nouvelle voie rapide), ainsi que les mesures de préservation du patrimoine architectural, la municipalité de Douma a construit une usine de recyclage qui traite l’ensemble des déchets du village et des localités avoisinantes et en transforme une partie en sable agricole. De même sont recyclés le verre et le fer, explique Hanna Ayoub. La municipalité a par ailleurs joué un rôle important dans la construction de la maison de retraite de Douma, dont la majeure partie a été financée par un émigré. À 2 kilomètres de Douma, un hôpital gouvernemental a ouvert ses portes, pour la plus grande joie des Doumaniens, car les besoins se faisaient pressants. Le village n’attend plus que la fin des travaux de la nouvelle autoroute, car il devient urgent, pour la survie de la localité, de réduire les distances qui séparent Douma du littoral.

De belles demeures traditionnelles

Les habitants de Douma, dont bon nombre se sont enrichis grâce au commerce et à l’artisanat, ont investi leur argent dans la construction de belles demeures, vers la fin du XIXe siècle. Certaines familles ont même été financées par leurs proches qui avaient émigré en Amérique, histoire de se faire bâtir la plus belle maison du village. Cependant, de nombreuses demeures ont été construites par étapes. Certaines n’ont jamais été achevées.
Trois types d’habitations traditionnelles existent à Douma, représentant environ 68 % de l’ensemble des constructions du village, explique l’architecte Antoine Fischfisch. La maison à hall central, appelée communément maison bourgeoise, est la plus répandue à Douma. Constituée d’un large hall desservant de part et d’autre plusieurs pièces alignées, elle est généralement habillée d’un toit rouge, mais peut tout aussi bien avoir une simple toiture plate en béton. Rappelant la maison phénicienne, la maison vernaculaire ou paysanne tient sa particularité de sa forme rectangulaire, de son cloisonnement intérieur léger et de sa toiture en béton ou en terre battue qui jouait le rôle d’isolant thermique. La maison à liwan est peu répandue à Douma car elle est mal adaptée au rude climat hivernal. Limitée à deux chambres qui donnent sur un espace médian familial, elle se distingue par sa grande arcade centrale donnant vers l’extérieur.
Une particularité propre à de nombreuses maisons de Douma, les murs intérieurs étaient peints et richement décorés par des artisans. Quant aux meubles, ils étaient l’œuvre des artisans du village.

Le monastère de Mar Youhanna des grecs-orthodoxes

Le monastère de Mar Youhanna a été bâti au Ve siècle, à l’instar des couvents de la région, sur les vestiges d’un temple païen. Les immenses blocs de pierres qui en constituent les bases avaient été donnés à l’époque par les Romains pour la construction des temples. C’est au Ve siècle que les habitants de la région ont, pour la première fois, embrassé la religion chrétienne. Sur les murs de l’ancienne église du couvent, construite à la même époque, les fresques datent du XIe siècle. Abandonné durant une longue période, le monastère a été restauré au XVIIIe siècle par un groupe de moines qui ont repris la vie monastique. Une seconde restauration a été entreprise au XIXe siècle. Mais une nouvelle fois, durant la guerre libanaise, le monastère de Mar Youhanna a été abandonné et transformé en caserne. Ce n’est qu’en 1990 qu’une nouvelle communauté monastique orthodoxe, la communauté de la Sainte-Trinité, s’y installe pour y revivre une vie traditionnelle. Depuis, le couvent abrite une dizaine de moniales qui y vivent une existence de prière, de contemplation et de travail de la terre. Une nouvelle église construite à l’entrée du couvent, plus spacieuse que la vieille église, accueille désormais les fidèles de la région.

Le festival de Douma
entre patrimoine et tradition
Du 2 au 24 août, Douma revit sa splendeur passée à travers son festival. Pour l’occasion, le village s’est paré de ses plus beaux atours et le vieux souk a été provisoirement asphalté en attendant les travaux de restauration, afin d’y exposer les œuvres des artisans de la région. Parmi les artisanats les plus développés, le crochet, la ferronnerie et la menuiserie. Tous les jours, à travers le village, une multitude d’activités, de randonnées, de conférences, d’animations, de récitals et de soirées folkloriques sont proposés aux visiteurs, grands et petits, par les Doumaniens soucieux de faire connaître leur histoire et leur patrimoine architectural.
Au programme de ce vendredi 8 août : « Une rencontre entre la poésie, la musique et la couleur » se déroulera à 20 heures 30 au cinéma Fouad, au vieux souk, avec les poèmes d’Henri Zgheib et la plume de Wajih Nahlé. Au piano, Élias Rahbani.
Samedi 9 août, sous le vieux chêne millénaire de Mar Nohra, à 20 heures, poèmes, zajal et chansons traditionnelles du terroir animeront la « Soirée chrouki ». À 22 heures, la soirée se poursuivra par l’élection de Miss Batroun, au restaurant Esclapio.
Pour plus de renseignements, consulter le site Internet suivant : http://www.doumaclub.org
Le Grand Hôtel de Douma
Il avait été construit pour permettre aux émigrés d’y séjourner durant leurs vacances. Mais le sort en a décidé autrement car au fil des années, de nombreux émigrés doumaniens ont perdu le contact avec leur village d’origine. L’hôtel Douma, rebaptisé Grand Hôtel de Douma par son nouveau propriétaire Hanna Ayoub, président de la municipalité du village, se consacre désormais à une clientèle citadine, tant locale qu’étrangère, à la recherche du calme et d’un environnement sain.
Huit différents circuits de randonnées pédestres sont organisés par l’hôtel à l’intention de ces amoureux de la marche. Des soirées musicales sont par ailleurs proposées durant les week-ends.
Confortable et simple, l’hôtel comprend 44 chambres et propose une excellente nourriture. Quant aux prix, ils ont été revus à la baisse, afin d’encourager les familles à y séjourner.
Le tarif d’une chambre pour deux personnes est de 40 dollars par nuitée, petit déjeuner inclus.
Une personne seule paiera 30 dollars par jour, petit déjeuner inclus.
Quant au tarif pour une semaine entière, il est de 220 dollars par personne, en pension complète.
Des tarifs réduits sont proposés à l’intention des groupes et des familles.
Pour tout renseignement, contacter Assaad Nader aux numéros suivants : 06/520202 ; 06/520206 ou 03/611406.
Arrêt express
devant le temple romain de Bziza

Sur la route du retour par Kfar Hilda, un arrêt express est de rigueur dans le petit village de Bziza. Et pour cause, cette localité située à 5 kilomètres d’Amioun abrite les vestiges d’un temple romain dédié au dieu sémitique Azizos. Un temple dont on voit clairement les quatre colonnes de calcaire formant le portique. Trois de ces colonnes, surmontées de chapiteaux ioniques, supportent l’architrave d’origine. L’entrée du temple est également bien conservée. À l’époque byzantine, une église avait été édifiée à l’intérieur.
Il aurait hérité son nom de l’impératrice Julia Domna, épouse de l’empereur romain Septime Sévère (193 et 211 av. J.C.), qui aimait y passer l’été. Douma, petit village du caza de Batroun, fait aujourd’hui la fierté de ses habitants. Et pour cause, il demeure un des rares villages de montagne à avoir conservé son cachet traditionnel. Ses maisons libanaises aux toits...