Depuis la Lune…
Le plus bel exploit humain depuis les grandes expéditions maritimes du XVe siècle reste sans conteste la conquête de la Lune en juillet 1969. Après quelques années seulement, les USA décrètent la fin des vols lunaires, mettant un terme à une série de beaux succès et quelques accidents dont le fameux épisode d’Apollo 13. Depuis, plus rien. Les programmes spatiaux qui ont vécu pour le compte de la propagande des blocs rivaux de la guerre froide sont aujourd’hui en panne. Les coupes franches dans les budgets et les changements géopolitiques ont conduit à un incroyable ralentissement de la conquête spatiale. Douze ans seulement séparent le premier vol spatial et le petit pas de Neil Armstrong, les trente années suivantes seront de moins en moins riches en exploits.
« Conquête », le mot lui-même, malheureusement, est révélateur de l’enjeu stratégique de l’espace, dont on a su un temps artificiellement accélérer la découverte. On peut regretter qu’aujourd’hui il n’existe plus aucun enjeu gigantesque qui fasse rêver et qui dynamise la science. Les XVe et XVIe siècles avaient su vivre au-delà de leur horizon en acceptant l’idée que l’inconnu était une source attrayante de développement. La découverte de notre planète avait été alors soutenue par les couronnes les plus puissantes d’Europe, non sans arrière-pensée. Mais aujourd’hui que reste-t-il de cet esprit de conquête? S’il a bien resurgi un temps au XXe siècle pendant la guerre froide, il s’est complètement éteint depuis le milieu des années quatre-vingt. Est-ce à dire que sans une géopolitique proche de la guerre, aucune avancée spectaculaire n’est à attendre de notre époque ? Faut-il donc qu’une tension mondiale renaisse pour qu’un jour on marche sur Mars ?
Malgré tout, cette planète est beaucoup plus loin que la Lune (entre 54 510 620 km et 401 355 980 km pour Mars, alors que la Lune n’est qu’à 300 000 km) et, pour compliquer un peu plus la tâche, l’on ne peut pas y aller avec des engins classiques. De plus, aucun enjeu mondial ne justifie qu’une puissance relève un pareil défi et se lance à bride abattue dans la conquête de la planète rouge. Pour autant, on ne peut pas dire que le monde vit en paix car la « concurrence internationale » n’a pas disparu. Aujourd’hui elle a seulement pris une tournure nettement plus économique. Si les rivalités internationales classiques avaient besoin de tels exploits pour conforter le pouvoir des États, à quoi serviraient-ils dans le contexte actuel. À l’heure où l’économie ne fonctionne qu’avec des cycles de rentabilité à court terme, où l’on privilégie la masse au prestige (comme le prouvent la naissance et la mort simultanées du gros porteur Airbus A800 et du Concorde), quel consortium privé relèverait un tel défi, alors même qu’il ne représente aucune rentabilité immédiate ?
Fabrice BOSSOLINI
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