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Pour les chancelleries, la querellite à la libanaise reste un mystère

On le sait, la cohabitation naguère entre Chirac et Jospin était pour le moins tendue. Mais sur la politique étrangère, ils parlaient d’une même voix. Et, surtout, ils se rencontraient régulièrement en tête à tête, pour service d’État bien compris. Une routine allant de soi, que la presse ne signalait même pas. Or ici, quand le chef de l’État et le président du Conseil se voient, les journaux en font leur une. C’est en effet un événement de taille que ces deux hommes dialoguent entre quatre zyeux, comme on dit, et quatre murs. Ils ne se rencontrent plus, depuis quelque temps, que dans le cadre du Conseil des ministres. Cette distanciation étonne les diplomates occidentaux en poste à Beyrouth. Qui se grattent l’occiput, perplexes. En se demandant si par hasard, et comme on est dans un pays chaud, il n’y aurait pas quelque sombre histoire ancestrale de vendetta entre les deux familles. À leurs yeux, seuls des critères d’une extrême gravité personnelle peuvent justifier le déficit de communication entre dirigeants. Une faille qui entraîne le grippage, le dysfonctionnement de presque tous les mécanismes d’État. Ces diplomates ajoutent que le Liban est un cas unique dans le concert des nations. Où la variété des systèmes de pouvoir n’élude jamais des impératifs élémentaires de cohésion. Qui s’étendent même parfois, comme en Angleterre ou aux States, à l’opposition organisée, régulièrement consultée par le pouvoir sur des questions d’ordre national. Aux questions des diplomates occidentaux, les professionnels du cru répondent généralement en affirmant que ce n’est pas le système libanais qui est défaillant. C’est-à-dire que ce n’est pas la Constitution qui détruit les ponts. Mais bien un manque d’affinités entre individualités, pour ne pas dire de ressentiments mutuels à caractère personnel. Il n’y a pas d’atomes crochus, ajoutent les professionnels, entre les deux présidents, et c’est pourquoi ils évitent de se voir. Une abstention qui a ses bons côtés, dans la mesure où des échanges pourraient tourner à l’aigre. Une précision s’impose toutefois d’elle-même : le climat d’hostilité ne se base pas sur des considérations de goûts ou de mentalités distincts, mais sur une approche divergente de la notion de pouvoir. Donc sur une base de rapports de forces politiques. Dès le départ, ajoutent les observateurs locaux, Hariri, qui rêvait d’être le maître, pressentait qu’un Émile Lahoud ne lui laisserait pas les coudées franches. Il s’était donc opposé à sa candidature, d’où tout le reste de la partie. De bras de fer permanent.
Dont les derniers épisodes n’ont apparemment pas tourné à l’avantage de Koraytem. Aujourd’hui, selon ses proches, Hariri se veut conscient de la gravité de la situation régionale. Et choisit, à ce titre, d’éviter les histoires, les crises politiques. En d’autres termes, qu’utilisent des observateurs neutres, il fait le dos rond, ferme les yeux sur bien des avanies et calme le jeu autant qu’il peut lui revenir de le faire. Reprenant la parole, les haririens soutiennent que leur chef sait pertinemment que son attitude présente ne lui vaut pas non plus l’indulgence du camp d’en face. Mais, ajoutent-ils, ce qui lui importe avant tout c’est de tenter d’alléger le fardeau des citoyens, en se montrant positif au possible. Ces sources répètent que Hariri n’ignore pas que ses adversaires rêvent toujours de le dégommer. Mais il est quasi assuré que ces tentatives restent vouées à l’échec. Non seulement parce que les décideurs le veulent. Mais aussi parce que personne n’est prêt à se dévouer pour prendre sa place et gérer la crise économique. Les candidats potentiels discrètement sollicités par les adversaires de Hariri ont tous répondu qu’ils ne se voient pas assumer le poids des 33 milliards de dollars de dette que le Liban a accumulés. De leur côté, les lahoudistes ultras se plaignent que Hariri ne favorise pas la reconduction, comme il l’avait fait du temps de Hraoui. À ce propos, selon des sources fiables, le président du Conseil indique en privé que le procès d’intentions que lui livrent les partisans du régime est déplacé. Dans ce sens que Hariri n’a pas d’avis, pour l’heure, sur la question du renouvellement qui est en tout cas prématurée. Sans compter qu’elle relève également d’un cadre régional déterminé, qui ne s’est pas encore décanté. Il ajoute, toujours d’après ces sources, que les assertions citées n’ont d’autre but que de rendre encore plus difficile un rapprochement entre le Sérail et Baabda.

Philippe ABI-AKL
On le sait, la cohabitation naguère entre Chirac et Jospin était pour le moins tendue. Mais sur la politique étrangère, ils parlaient d’une même voix. Et, surtout, ils se rencontraient régulièrement en tête à tête, pour service d’État bien compris. Une routine allant de soi, que la presse ne signalait même pas. Or ici, quand le chef de l’État et le président du...