Rechercher
Rechercher

Actualités

Interrogations sur une politisation manifestement excessive

Les loyalistes continuent à tirer à boulets rouges sur Riad Salamé, dont certains réclament même l’éviction. Ou encore la mise en jugement ! Une sanction qui en étonnerait plus d’un dans les cercles qualifiés. Car l’homme a décroché cette année même la rare distinction, décernée par le groupe Euromoney basé à Londres, du meilleur gouverneur de banque centrale.
Nombre de professionnels, du monde des affaires, des banques mais aussi de la politique locale s’interrogent sur les mobiles de la campagne hargneuse, haineuse, dont ce technicien se trouve la cible. En relevant, au passage, que ces attaques sont préjudiciables aux intérêts bien compris du pays, à sa stabilité économique et financière. En faisant douter encore plus les investisseurs potentiels, arabes ou autres, déjà bien hésitants.
Des pôles du secteur bancaire soulignent pour leur part, itérativement, que Salamé n’a commis aucune erreur, aucune infraction, aucun délit en termes de procédure. Pour répondre aux exigences internationales sur le blanchiment d’argent et afin de ne pas se retrouver sur la liste noire du Gafi, la Banque centrale (le gouverneur mais aussi l’instrument directement qualifié, la commission de vérification) est tenue de se renseigner sur tout dépôt dont on lui demande de rendre compte. Elle y est du reste obligée par la loi numéro 318, qui est l’œuvre conjointe de l’Exécutif et du Législatif libanais. La collecte de données sollicitées par la Banque du Liban auprès des banques privées sur les avoirs de six cadres du Hamas et de cinq associations relevant de ce mouvement constituait une formalité légale incontournable. Comme Salamé l’a indiqué, cet éclairage informel ne signifie pas le gel des dépôts en question, mais entre dans le cadre des obligations conventionnelles internationales du Liban. Qui n’est pas passé à l’étape suivante, pour se trouver accusé d’hostilité à l’encontre du Hamas en particulier, du principe de résistance en général.
Les mêmes sources bancaires avisées soulignent que la réinscription éventuelle du Liban, pour dérobade caractérisée, sur la liste noire du Gafi entraînerait des conséquences financières ou économiques négatives. Ce qui aggraverait, bien entendu, les effets de la récession et de la crise dont souffre la population. S’aventurant sur les sentiers d’une argumentation socio-politique, ces pôles du secteur bancaire avancent en substance que « la résistance ne peut tenir le coup si elle n’est pas de nature populaire. Or comment voulez-vous qu’un peuple puisse bien résister quand il en arrive à avoir faim ? Sa bonne santé économique, ou à tout le moins la limitation de ses déboires dans ce domaine, implique que l’on ne secoue pas le cocotier comme on le fait. Tantôt par des tiraillements entre les dirigeants, présidents en tête, tantôt en attaquant la Banque centrale, qui est pourtant la dernière institution à se mêler de politique. La mesure adoptée est une pure routine et on en fait, à dessein, une montagne. En oubliant la répartition des pouvoirs : la Banque centrale ne peut pas sanctionner des gens, c’est du ressort de la justice ou de l’autorité politique. »
Cependant, la campagne présente, qui va de pair avec les vitupérations anti-Aoun, n’étonne pas trop les observateurs locaux. Il est en effet assez évident qu’elle s’inscrit dans le cadre du test de confrontation qui met en présence, aujourd’hui, Washington et Damas. Il s’agit de montrer que le Liban se tient fermement aux côtés de la Syrie, face aux pressions américaines. Et que, comme elle, il refuse de cesser de soutenir la résistance, ainsi que l’exigent les États-Unis. Dès lors, les principes entrant en jeu, il n’est pas question de toucher au Hamas palestinien car cela serait du même coup porter atteinte au Hezbollah libanais. Dans le même sens, le Liban (officiel s’entend) laisse entendre qu’il reste une chasse gardée et que les USA, ainsi que les organismes qui sont sous leur influence, n’ont ici qu’un droit de cité relatif. Dont les limites sont, bien entendu, fixées en regard de la primauté de la ligne syrienne. Ainsi certains loyalistes soutiennent que les demandes relatives aux comptes du Hamas sont un corollaire, en termes de pressions américaines, de la réactivation du Syria Accountability Act et de l’utilisation d’éléments comme Aoun. Le plan US viserait, selon eux, à l’affaiblissement de la Syrie. Et l’on y répliquerait par des tollés, dirigés contre Aoun ou contre la Banque centrale, destinés à montrer que le peuple libanais ainsi que ses dirigeants se tiennent fermement aux côtés de Damas. Qui elle-même soutient la résistance dans son ensemble.
D’après la vision apportée par les loyalistes eux-mêmes, on constate donc que la campagne anti-Salamé est de nature politique. Et que le Liban reste la soupape de dégagement favorite pour les conflits qui opposent des protagonistes régionaux ou internationaux.
Philippe ABI-AKL
Les loyalistes continuent à tirer à boulets rouges sur Riad Salamé, dont certains réclament même l’éviction. Ou encore la mise en jugement ! Une sanction qui en étonnerait plus d’un dans les cercles qualifiés. Car l’homme a décroché cette année même la rare distinction, décernée par le groupe Euromoney basé à Londres, du meilleur gouverneur de banque...