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Actualités

Chronos impitoyables

On ne sait jamais très bien à qui s’adresse Émile Lahoud lorsqu’il appelle « loyalistes » et « opposants » à travailler main dans la main pour concourir au succès « de la réforme ». Quelle loyauté ? Quels loyalistes ? Ceux qui défendent sa cause et ses prises de position – les lahoudiens ? Ou les haririens ? Ou bien les berryistes ? Les joumblattistes ? Ou encore tous ceux qui usent les pneus de leurs voitures entre Beyrouth, Anjar et Damas ? Quelle opposition ? Quels opposants ? Les lahoudiens anti-haririens ? Les haririens anti-lahoudiens ? Les berryistes pro-tout-le-monde-tant-que-le-chef-d’Amal-reste-au-perchoir ? Les joumblattistes partagés entre cœur et raison et qui finissent par tout perdre ? Kornet Chehwane ? Les aounistes ? À qui s’adresse le chef de l’État ?
On ne sait jamais très bien non plus ce qu’entend Émile Lahoud par une « réforme initiée par l’État afin d’améliorer la situation économique actuelle ». Un jour, Nabih Berry avait traité Rafic Hariri de Louis XIV, déplorant sa confusion des genres, son adéquation totale entre lui-même et l’État. Des fantasmes monarchiques visiblement contagieux : le locataire de Baabda semble avoir oublié que c’est lui-même qui a lancé cette réforme. Dans la dernière ligne droite de son (premier ?) mandat. Mieux vaut tard que jamais, certes, mais les Libanais sont désormais en droit de refuser qu’on veuille à tout prix les convaincre qu’une lanterne est en fait une jolie vessie. Une question encore : si Émile Lahoud a décidé de s’occuper de la situation économique du pays, est-ce que cela implique que Rafic Hariri est désormais autorisé à faire de la politique ? Dans les deux cas, l’erreur de casting est énorme. On ne sait jamais très bien enfin à quel moment le chef de l’État comprendra qu’une réforme, qu’elle soit économique, administrative, culturelle ou sociale, ne peut ni se faire ni aboutir sans une réforme politique. Sans une sacralisation de l’État de droit, de la démocratie, des libertés publiques et de la justice indépendante. Or, pour tout cela, le chef de l’État a fait montre d’un bien surprenant laxisme. S’il souhaite, et c’est tout à son honneur, impliquer l’ensemble de la classe politique dans son chantier d’automne, qu’il commence donc par impliquer l’opposition, toute l’opposition, dans la vie politique du pays. On ne lui demande plus ni le parrainage d’un congrès national, ni un débat sur la cancérigène tutelle syrienne. Qu’il s’emploie donc – il est le seul à pouvoir le faire – à garantir (quoi qu’on puisse penser de ces deux hommes) un retour sans incidents de Michel Aoun, à libérer Samir Geagea, à relancer le débat avec Kornet Chehwane (à condition que KC puisse retrouver un minimum de cohésion), à tout faire pour assurer, l’an prochain, une (relative) élection, plutôt qu’une infâmante désignation, de son successeur, et avant 2005, une loi électorale basée sur le caza. Tout en continuant à défendre, comme il le fait, « les constantes », toutes les constances, libanaises.
À ce moment-là seulement, il aura fait ce pour quoi il est là : appliquer son discours d’investiture. À ce moment-là seulement, il garantira le succès indélébile de son mandat.

Ziyad MAKHOUL
On ne sait jamais très bien à qui s’adresse Émile Lahoud lorsqu’il appelle « loyalistes » et « opposants » à travailler main dans la main pour concourir au succès « de la réforme ». Quelle loyauté ? Quels loyalistes ? Ceux qui défendent sa cause et ses prises de position – les lahoudiens ? Ou les haririens ? Ou bien les berryistes ? Les joumblattistes ? Ou encore...