Les excuses d’ordre matériel ou d’agenda justifiant le retard ne manquent pas. Il y a d’abord les dossiers urgents, comme l’électricité, à traiter. Il y a ensuite, prioritaire en automne, le projet de budget. Il y a enfin, en filigrane, la présidentielle, qui intervient bien avant les législatives. Et qui secrète dès à présent un climat politique tendu, au niveau des présidents. Dans ce cadre précis, certains proches du régime, indiquent que le président Lahoud préfère loyalement laisser à son successeur (éventuel) le soin de superviser l’élaboration d’un code pour des élections qui auront lieu après la passation des pouvoirs. Une attitude du reste très logique et très économe, dans ce sens qu’une loi qui serait fabriquée maintenant pourrait être ensuite annulée, si elle ne convenait pas au prochain pouvoir. De plus, pour ce qui est de la teneur profonde de ce code, le président Lahoud souhaite qu’il soit le fruit d’une entente véritable, d’un consensus effectif, qui permette de promouvoir l’unité des Libanais, plutôt que de les entraîner dans de nouvelles fractures. Or la synthèse n’est pas facile à effectuer. Certains, dans des phases déterminées, ont émis des idées pour les exploiter comme carte de pression, voire d’intimidation visant l’opposition. On se souvient ainsi du bruitage autour du projet du Liban circonscription unique. Une suggestion qui avait soulevé un tel tollé, même parmi les loyalistes, qu’elle avait été vite reléguée au placard. Ses auteurs avaient fait machine arrière en souplesse, en affirmant, après coup, qu’ils ne l’avaient avancée que dans un esprit de débat et de dialogue. Sans aucunement vouloir l’imposer, malgré le ton catégorique qu’ils avaient adopté au début. Cela après les réactions en flèche de Assem Kanso, qui n’est pas suspect d’être loin des décideurs, et d’Omar Karamé. Et surtout de Nabih Berry lui-même, qui n’avait pas hésité alors à parler de chantage politique.
En pratique, le problème tourne, comme on sait, autour du découpage électoral, c’est-à-dire de la formule géographique à retenir pour les circonscriptions. Il n’est plus question, répétons-le, du Liban circonscription unique, cadre qui ne serait valable que dans un vrai régime de partis. Pour le reste, les avis sont partagés entre partisans du mohafazat, du caza ou du panachage des deux. Certains soutiennent qu’il faudrait, d’abord, redessiner la carte administrative du Liban. Pour répondre, d’ailleurs, aux préceptes de Taëf. Qui a commandé que l’on adopte le mohafazat, mais à condition d’en multiplier le nombre par deux. Pour en réduire la dimension et assurer une meilleure représentation de proximité. Deux nouveaux mohafazats ont été créés récemment, Akkar et Baalbeck-Hermel, mais on est encore loin du compte. D’autres soutiennent une logique numérique en réclamant que toutes les circonscriptions aient un même volume électoral. D’autres encore ne voient pas pourquoi chaque agglomération d’importance n’aurait pas son député. Cependant, la thèse qui emporte le plus de suffrages reste celle de la circonscription dite moyenne, mariant le mohafazat et le caza, qui permet d’avoir une bonne représentation de proximité et empêche un peu les parachutages via des listes-bulldozers, sans pour autant être ridiculement microscopique. Le cardinal Sfeir, pour sa part, ne cesse de plaider depuis des années pour une loi juste, équilibrée, égalitaire, gommant toute discrimination sociopolitique. Mais c’est peut-être trop demander au système, bien que le mot d’ordre des décideurs soit actuellement de tenir compte, autant que faire se peut, des desiderata du patriarcat. Pour le remercier de sa compréhension à l’égard des positions régionales de Damas.
Philippe ABI-AKL
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