Kan makan, une œuvre de 35 minutes pour sept « movers » (personnes en mouvement) et interprétée par Rouwaida al-Ghali, Nagib Zaytouni, Fadia al-Tannir, Béchara Atallah, Nisrine Kani, Nada Chibli et Dalia Naous, a largement séduit, c’est le moins que l’on puisse dire.
Autre constatation : les spectacles de rue plaisent énormément à Beyrouth – en attendant les expériences ailleurs. Tertio : ces mêmes spectacles trouvent chaussure à leur pied parce qu’ils sont convaincants.
Dès la première édition, les volontaires aux stages et autres formations courtes dispensées par des professionnels venus de l’étranger à l’occasion ont rempli les classes. Résultat : pas moins de six troupes libanaises se produisent cette année. Et si Studio 11 est de loin le vétéran de l’ensemble, il l’est aussi par la rigueur avec laquelle Rouwaida al-Ghali forme et dirige ses « movers ».
Habillage-déshabillage
Kan makan a une ligne directrice qui tient autant, dans sa drôlerie et dans l’emploi des couleurs fortes, du cirque que, dans ses ouvertures multiples, de la réflexion mélancolique : cette ligne directrice, c’est le vêtement.
Sans autre support que leurs corps, l’éclairage et des extraits de musique, les sept personnages investissent l’espace, qu’ils utilisent tel quel, en l’envahissant d’habits aux tons criards, sortant par flopées de sacs, balluchons et autres valises bourrées à craquer. Car il s’agit aussi d’intriguer, après avoir occupé d’autorité, et comme venus de nulle part, la place publique : et si les gens se mettaient tous à se déshabiller ? Le mouvement de va-et-vient habillage/déshabillage est à lui seul révélateur d’histoires intimes sans fin, qui s’entrecroisent sans logique avec la société, la ville, l’histoire, l’amour, la guerre, la poésie, le silence.
Dans cette recherche, Studio 11 a atteint son but : en un peu plus d’une demi-heure, sur un rythme qui aurait mérité d’être un peu plus soutenu, il a déployé un pur cinémascope du rapport de l’homme à son vêtement.
Quant à la « figurine », mi-monstre mi-statue, morte puis recouverte du drapeau national, avant d’être emportée par une clocharde, qui clôture le spectacle, chacun y verra le symbole, ou pas, qu’il voudra. Du beau travail, qui ne mérite que d’évoluer encore.
Diala GEMAYEL
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