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Éducation - Deuxième journée du colloque à Ghazir Perspectives et stratégies, l’école catholique fait face aux difficultés

Les perspectives éducatives de l’Église catholique ainsi que le message et les stratégies de l’école catholique pour le troisième millénaire ont été les thèmes clés de la seconde journée du XIe colloque des écoles catholiques à Ghazir. Un colloque qui entend mettre au point, au terme de ses travaux aujourd’hui, les grandes lignes d’une charte de l’enseignement catholique au Liban.
«Va-t-il de soi que l’Église catholique ait une mission éducative de manière générale alors que son engagement dans des systèmes scolaires semble la charger de tâches lourdes, accaparentes, apparemment très éloignées de sa vocation évangélisatrice fondamentale ? » Prenant le risque d’étonner, le père Paul Valadier, théologien et philosophe jésuite, s’interroge. Car, explique-t-il, les arguments ne manquent pas pour se tenir à l’écart d’une tâche qui semble éloignée de toute mission proprement religieuse. Arguments comme celui que « l’Église, qui doit répandre la foi pure, n’a rien à faire à enseigner les mathématiques, l’histoire ou le dessin », mais aussi arguments comme celui que « la tâche évangélisatrice de l’Église consiste à convertir à Dieu en détournant les hommes de leur péché, autrement dit des attraits pour le monde et ses ambiguïtés... »
Or, demande le philosophe, que fait l’éducation sinon inculquer les valeurs d’efficacité, de productivité, de responsabilité à l’égard de ce monde, et former des hommes et des femmes habiles à manier les choses toutes humaines du monde ? S’engager dans l’éducation, dans ce matérialisme ambiant, n’est-ce pas trahir l’essentiel et minimiser ce qui seul doit primer par-dessus tout, la vie de l’Esprit et dans l’Esprit ?

Des systèmes scolaires
en crise
Toutefois, reprend le père jésuite, « en étant fidèle à sa mission la plus fondamentale et la plus essentielle, l’Église ne peut pas ne pas être éducatrice ». En effet, sa tâche ne consiste pas « à reproduire des clones en série, mais des êtres uniques voulus comme tels par leur Créateur ». De même, poursuit le père Paul Valadier, l’Église est éducatrice si l’on entend par éducation, non pas une accumulation de savoirs et de savoir-faire, mais une formation de soi, une « suscitation » de ses puissances humaines.
« Aussi, l’Église est-elle éducatrice puisque son message, celui du Père révélé dans le fils, dévoile à chacun sa vocation propre... et qu’il serait en-deçà de cette vocation s’il restait dans l’inaction, la passivité ou le refus de développer ses talents. » « L’Église est aussi éducatrice, poursuit-il, parce qu’elle a conscience du caractère relationnel de l’être humain. » « Finalement, dit le théologien, l’Église est éducatrice parce qu’elle est elle-même éduquée. »
Mais le fait que l’Église soit éducatrice justifie-t-il pour autant les investissements lourds dans les institutions scolaires et universitaires ? demande le père Paul Valadier. Et de répondre que l’éducation à la liberté appelle à des systèmes éducatifs complexes, inscrivant leur projet dans la durée et la continuité, car on ne forme pas des libertés sans un long travail persévérant.
Cependant, poursuit le prélat, l’école telle qu’on la vit aujourd’hui répond-elle aux finalités de l’Église ? Ne faut-il pas en repenser certaines structures ? Une des missions de l’école catholique consiste, certes, à s’interroger sur les finalités de l’école, ses difficultés, mais aussi sur l’inaptitude de nos institutions à y répondre. « Car, remarque le père Valadier, nos systèmes scolaires sont en crise profonde un peu partout ». « En effet, précise-t-il, un risque grave vient de la tentation de faire de l’école une usine à fabriquer des gens adaptés. » Et d’insister sur le danger qui guette l’école catholique de produire des pièces utiles au système global, des gens conformes à un seul modèle, et non pas des hommes et des femmes libres, capables d’esprit critique et d’initiative responsable.
Le père Paul Valadier tient à souligner deux soucis éducatifs qu’il estime devoir être présents dans toute école catholique digne de ce nom. « Chacun a des talents et un trésor à faire valoir, observe-t-il. Quant à l’éducateur, il a pour tâche de déceler ces talents et de les révéler à celui qui les possède. » Par ailleurs, le père jésuite estime que l’école catholique ne doit pas craindre une certaine forme d’élitisme en formant une élite, car il est important de ne pas tomber dans l’égalitarisme.
La mission éducative de l’Église est, certes, jalonnée de difficultés. Mais ces difficultés sont autant de raisons de faire face, conclut le père Valadier.

Éduquer les élèves
au dialogue
C’est Mgr Camille Zeidan, ancien secrétaire des écoles catholiques, qui a présenté les stratégies de l’école catholique pour le troisième millénaire. Au niveau des concepts, il est essentiel, dit-il, « que l’école catholique transmette le message ecclésiastique et humanitaire ». Quant à la participation de chacun à l’élaboration d’une politique éducative, elle représente une responsabilité ecclésiastique et nationale. Et Mgr Zeidan d’insister sur la nécessité de s’éloigner de tout ce qui peut nourrir et entraîner des conflits intégristes. Il demande, à ce propos, aux écoles catholiques de former leurs élèves au dialogue et à la recherche de la vérité.
Abordant la stratégie dans la formation, l’ancien secrétaire des écoles catholiques observe que la nomination de directeurs d’école diplômés, aptes à gérer un établissement, est désormais primordiale. De même, il est nécessaire de former les élèves à pratiquer un engagement national et politique responsable et libre, car le pays a besoin d’eux, notamment les institutions publiques.
Mgr Zeidan encourage par ailleurs les établissements catholiques à tisser d’étroites relations avec d’autres institutions privées, une collaboration qui ne peut qu’être positive, notamment au niveau des programmes scolaires et des relations avec le ministère de l’Éducation et les instances étatiques. De même, il conseille d’éviter de mettre en évidence les différences et les contradictions entre les secteurs privé et public, d’autant plus, précise-t-il, « que nous sommes concernés par l’enseignement public ». « Car il est du devoir de l’Église d’être présente au sein de l’école publique. » Quant aux organismes internationaux et délégations étrangères, ils devraient naturellement se voir accorder un certain intérêt de la part des écoles catholiques, mais cet intérêt ne saurait nuire aux spécificités et à la culture libanaises. « Certes, précise-t-il à ce propos, nous avons besoin de ces organisations, mais personne mieux que nous ne peut connaître nos besoins et personne ne peut transmettre le message à notre place. »
Au niveau des structures et de l’organisation interne des établissements scolaires, Mgr Camille Zeidan prône la collaboration au sein de chaque communauté. Car il est impensable que les structures d’une institution reposent sur une seule et même personne. D’ailleurs, il estime qu’il pourraît être nécessaire d’engager des laïques à des postes de responsabilité, vu les besoins dans le domaine.
Et le prélat d’encourager l’école catholique à adopter certaines résolutions prônées par l’Église, comme la recherche d’une méthode d’éducation adaptée aux enfants à besoins spécifiques, ou la recherche de la qualité et la baisse de coûts de l’enseignement...
Quant à la stratégie prônée par l’école catholique concernant les programmes scolaires, elle appelle les directions à la collaboration responsable et critique avec les organismes publics afin d’éviter à la fois l’immobilisme et le chaos. Et Mgr Zeidan d’encourager les établissements catholiques à lutter pour contribuer à l’évolution et la modernisation des programmes scolaires, et à l’établissement de textes de lois. Dans ce contexte, poursuit-il, il est important de renforcer les directions scolaires afin qu’elles puissent accomplir leur rôle éducatif. Et d’insister par ailleurs sur la nécessité de séparer l’éducation de la politique, d’élaborer un livre d’histoire, de développer l’éducation religieuse, mais aussi les techniques modernes de communication et d’éducation.
Certes, les défis de l’école catholique sont ardus, car les problèmes sont nombreux, mais l’ensemble de la communauté œuvre afin de réussir le pari.

Anne-Marie el-HAGE
Les perspectives éducatives de l’Église catholique ainsi que le message et les stratégies de l’école catholique pour le troisième millénaire ont été les thèmes clés de la seconde journée du XIe colloque des écoles catholiques à Ghazir. Un colloque qui entend mettre au point, au terme de ses travaux aujourd’hui, les grandes lignes d’une charte de l’enseignement...