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Le Silence*

Menu de régime, salade. D’avocat. En général, un avocat, ça défend. Un avocat général, ça attaque. Dans l’affaire Moghrabi, l’Ordre côtoie le parquet. Un tableau terre à terre qui rappelle le néoréalisme italien. Suite à la plainte du barreau, trois semaines derrière les barreaux pour l’ex-Ana al-badil. Dont le cas judiciaire n’offre cependant qu’un seul et unique intérêt : les limites du droit de savoir.
Les charges divulguées sont d’ordre général. Usurpation du titre d’avocat. Donc exercice illégal de la profession. Imposture en somme. Sans préjudice des bénéfices illicites et des condamnations que cette transgression pénale peut rapporter.
Dans un premier réflexe, on peut s’étonner que l’Ordre traque un ancien flamboyant ténor sans expliciter des motifs qui justifient que l’on aille plus loin que la radiation. L’on comprend, l’on apprend, ensuite, que la partie plaignante ne voulait pas jeter l’inculpé en prison. Le barreau rappelle en effet qu’à la base, il est contre l’arrestation préventive. Mais cette procédure automatique est dans la loi. Dura lex sed lex. Puis l’Ordre laisse entendre qu’il se soucie, dans la mesure du possible, de préserver la dignité de l’exclu. Noble dessein. Qui, par contre, n’est pas inscrit dans la loi, sans lui être contraire.
D’où, bien au-delà d’un cas de figure complexe et délicat, se pose la problématique du droit public. Plus exactement, du droit du public, qui est partie dans tout procès. Puisque les jugements se rendent au nom du peuple souverain. L’opinion a donc, comme la défense ou l’accusation, un droit de regard sur tout dossier au pénal. Mais dans le respect du secret d’instruction. Qui est prévu non pas pour cacher la vérité, mais pour en assurer la mise au jour. À travers, comme première étape présomptive, l’acte d’accusation. Puis à travers le délibéré et l’arrêt du tribunal.
Soyons clairs : dans le cas Moghrabi, la discrétion observée n’est pas répréhensible. Elle semble, au contraire, louable. Mais la pratique, en n’étant pas rigoureusement conforme à l’esprit républicain des lois, qui donne le pas au droit du public sur toute autre considération (morale ou autre), soutient indirectement d’autres habitudes. Parfois moins avouables. Comme ce pli qui est pris par des politiciens, ministres en tête, de livrer des données au parquet, sans porter franchement plainte. Règlement de comptes qui s’assimile à de la délation. Dilemme cuisant pour le ministère public. Qui se retrouve alors devant la responsabilité de poursuivre. Au risque de faire le jeu de certaines parties. Ou de laisser dormir. Sous peine d’être accusé de laxisme.
Redisons-le, pour l’affaire-support Moghrabi, il ne saurait s’agir de harcèlement gratuit. Seulement, pour sauver des apparences, peut-on altérer, en termes modernes, une nécessaire exigence de transparence ? Peut-être bien que oui, au nom de cette sage protection collective qu’est la fameuse sitra orientale. Il faut cependant naviguer avec précision, clarifier au mieux les présomptions. Pour dissiper tout malaise d’opinion, tout mal entendu. Et pour que le droit primordial de savoir reste quand même assez bien. Défendu.

Jean ISSA

*– Tystnaden, d’Ingmar Bergman, 1963.
Menu de régime, salade. D’avocat. En général, un avocat, ça défend. Un avocat général, ça attaque. Dans l’affaire Moghrabi, l’Ordre côtoie le parquet. Un tableau terre à terre qui rappelle le néoréalisme italien. Suite à la plainte du barreau, trois semaines derrière les barreaux pour l’ex-Ana al-badil. Dont le cas judiciaire n’offre cependant qu’un seul et...