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MARIAGES MIXTES - Divorce, garde conjointe, enfants perdus de vue Depuis trois ans, Mia tente en vain de retrouver son fils et sa fille

C’est la huitième fois en trois ans que Mia quitte l’aéroport de Beyrouth pour rentrer chez elle. La trentaine, originaire de Louvain en Belgique, Mia avait épousé un Libanais alors qu’elle était âgée de dix-neuf ans. Depuis décembre 1999, elle n’a pas revu ses deux enfants, qui étaient venus au Liban avec leur père et leur belle-mère passer les vacances de fin d’année… Certains diront que beaucoup d’Européennes qui ont épousé des Libanais se trouvent dans la même situation. Pas Mia. La jeune femme, qui a séjourné récemment au Liban, n’aime pas généraliser. Elle estime que chaque cas est unique, le sien en particulier.
Mia a passé dix ans avec son époux, avant de divorcer par consentement mutuel en 1997 et d’obtenir, en Belgique, la garde conjointe des enfants. Elle n’a jamais pensé qu’une telle mesure pourrait un jour constituer un danger et la priver de ses enfants.
« Tout le monde me dit qu’un jour j’oublierai, que je referai ma vie sans eux, mais moi, même si je reste trente ou cinquante ans à leur recherche je vais finir par les retrouver », affirme-t-elle. « Les gens croient que je vais perdre espoir, baisser les bras et tout laisser tomber, ils se trompent », dit-elle.
Dès la disparition de ses enfants, Mia a engagé des poursuites judiciaires au Liban, elle a obtenu gain de cause, avec un acte exécutoire stipulant que ses enfants lui seront rendus. En vain ; elle ne parvient pas à les localiser pour les ramener avec elle en Belgique. Depuis le 28 décembre 1999, date de leur départ pour Beyrouth, elle n’a plus aucune nouvelle d’eux. Sa fille avait 8 ans et son fils 6 ans. Elle sait que leur père a modifié leurs prénoms.
Mia se souvient des menus détails de cette époque. Et elle pense que les enfants savaient alors qu’ils ne rentreront plus en Belgique. « Un mois avant le départ, mon fils avait tous les soirs mal à l’estomac. Et le dernier jour à Louvain, sa soeur, qui a une personnalité très indépendante, a passé la journée collée à moi, elle ne voulait même pas aller à l’école pour prendre part au spectacle de Noël », raconte Mia. « Avant de quitter la maison pour l’aéroport, tous les deux ne voulaient plus partir, je les ai encouragés en leur disant qu’ils vont retrouver leur famille paternelle, qu’ils auront le soleil et la mer, qu’ils rentreront au bout de dix jours et je leur ai promis que je serais toujours là pour eux », ajoute-t-elle.
Mia éclate en sanglots. « Maintenant, ils doivent croire que je leur ai menti, que je n’ai pas tenu ma promesse, que je ne veux pas d’eux… » Elle se ressaisit, murmure qu’elle ne doit pas se permettre de déprimer, d’avoir des idées sombres, de pleurer. Et comme pour se donner courage, elle parle de son quotidien en Belgique. « J’ai gardé tous leurs jouets. Les constructions Lego et les poupées sont restées à l’endroit où ils les avaient rangées avant de partir pour le Liban. Leurs vêtements, même si je sais qu’ils ne peuvent plus rentrer dedans, sont toujours dans les armoires », ajoute-t-elle. « Je veux qu’ils retrouvent toutes ces choses intactes quand ils rentreront », dit-elle avec un petit sourire.
Mia se souvient encore comment elle a découvert que ses enfants ne reviendraient plus en Belgique. « Déjà dès leur arrivée au Liban, ils ne m’ont pas appelée et je n’ai jamais réussi à entrer en contact avec eux. Quand je composais les numéros que mon ex-mari m’avait donnés, je n’arrivais jamais à les joindre », dit-elle.
Les enfants devaient rentrer le 9 janvier 2000 à Louvain. Ce jour-là, Mia a pensé qu’ils avaient raté l’avion. Le lendemain, leurs noms figuraient sur la liste des passagers d’un vol de la Middle East Airlines en provenance de Beyrouth… En vain. Quelques jours plus tard, la jeune femme est entrée par effraction au domicile de son ex-mari en Belgique. Elle a trouvé les lieux déserts. « Il n’y avait plus un meuble, plus un vêtement… la maison était complètement vide », raconte-t-elle.
Depuis mars 2000, Mia, employée d’une compagnie de téléphone à Louvain, effectue régulièrement des séjours d’une semaine au Liban. Elle est souvent accompagnée de ses parents, fonctionnaires à la retraite, ou de l’une de ses sœurs. Tous les quatre mois environ, elle passe en moyenne sept jours à Beyrouth. Elle voit son avocat, essaie de distribuer des tracts avec les photos de ses enfants. L’année dernière, elle avait même observé un sit-in avec sa mère devant le Palais de justice. Toutes les deux portaient des tee-shirts où les photos des enfants avaient été imprimées. À chaque séjour au Liban, la jeune femme espère retrouver ses enfants et les ramener avec elle.
À Louvain, tous les soirs avant de dormir, Mia regarde le ciel, scrute les étoiles, essaie de réciter les histoires qu’elle lisait à ses enfants. Elle imagine qu’elle les embrasse, qu’elle les rassure, qu’elle écoute leurs petits problèmes. «Parfois je rêve de pouvoir communiquer ainsi avec eux, à travers les étoiles qui brillent de la même manière dans tous les pays », dit-elle.
Sa fille aura douze ans en juin et son fils a eu dix ans en mars dernier. Mia compte revenir pour l’anniversaire de sa fille. « Même si je ne vais pas la voir, je me sentirai proche d’elle si je suis à Beyrouth », dit-elle.

Patricia KHODER
C’est la huitième fois en trois ans que Mia quitte l’aéroport de Beyrouth pour rentrer chez elle. La trentaine, originaire de Louvain en Belgique, Mia avait épousé un Libanais alors qu’elle était âgée de dix-neuf ans. Depuis décembre 1999, elle n’a pas revu ses deux enfants, qui étaient venus au Liban avec leur père et leur belle-mère passer les vacances de fin...