45 % des Libanais se bronzent entre 11h et 15h Un atout santé à consommer avec modération

Dès les premiers jours de mai, aussitôt que les rayons du soleil pointent dans le ciel, les gens avides de chaleur commencent à affluer aux plages. Impatients de voir leur peau se dorer, ils se prélassent sur les chaises longues des heures durant, faisant fi des avertissements des spécialistes. Leurs pensées sont orientées vers un seul objectif : bronzer vite. Comment décrire le comportement des Libanais à la plage ? Quelles sont les conséquences sur la peau d’une exposition trop prolongée aux rayons du soleil ? Comment protéger ses enfants des méfaits du soleil ? L’Orient-Le Jour a mené l’enquête auprès de spécialistes.
Quarante-sept pour cent des adolescents et adultes libanais se souviennent d’avoir souffert au moins d’un coup de soleil durant leur enfance et près de 80 % d’entre eux bronzent. Ces chiffres sont tirés d’une étude effectuée au printemps de l’an 2000 par le département de dermatologie à la faculté de médecine de l’Université libanaise. Cette étude avait été menée sous la supervision du directeur du département, le Dr Fouad es-Sayyed. Elle visait à déceler les informations qu’ont les Libanais sur les méfaits du soleil, les moyens de photoprotection qu’ils utilisent à la plage et la façon dont ils le font, le but ultime étant de trouver le meilleur moyen de sensibiliser la population aux dangers d’une exposition excessive et incontrôlée au soleil.
« L’étude a englobé 1 800 personnes de trois catégories différentes : les écoliers, les universitaires et le reste de la population, dans le but précis d’avoir un échantillon assez représentatif des Libanais, explique le Dr Sayyed. Nous avons constaté que la population est mal informée sur les modes de photoprotection, c’est-à-dire sur la protection contre les rayons du soleil. » Il apparaît donc que 40 % des élèves ont reçu une information sur le sujet à l’école, alors que 32 % des adolescents en ont entendu parler à l’université. Les médecins et les médias, quant à eux, ne contribuent pas d’une façon active à la diffusion de l’information, puisque l’enquête montre qu’un médecin sur deux en parle à ses patients, alors que seuls 50 % des universitaires et des adultes ont lu des articles consacrés à ce sujet dans les magazines ou suivi une émission à la télévision.
En ce qui concerne les moyens de se protéger du soleil, le Dr Sayyed note que le tiers des personnes interrogées portent un t-shirt, alors que l’écran solaire, bien qu’utilisé par la majorité des baigneurs, est appliqué d’une façon impropre : moins de 30 % en mettent avant de s’exposer au soleil et près de 50 % après la première plongée, cette dernière pouvant durer une heure de temps. Et malgré les mises en garde contre l’exposition entre 11h et 15h, car l’ensoleillement est au plus fort, 45 % des Libanais trouvent que c’est le moment idéal pour se bronzer.
C’est là, donc, la preuve, selon le Dr Sayyed, que les Libanais sont conscients des désagréments du soleil. Toutefois, ils ne prennent pas assez de mesures préventives ou bien ces dispositions demeurent insuffisantes ou mal appliquées.
Pour parer à cette lacune, le département de dermatologie à l’Université libanaise a lancé une campagne de sensibilisation, en coopération avec les ministères de la Santé, de l’Environnement et de l’Éducation, les Ordres des médecins et des pharmaciens, la Société libanaise de dermatologie et la Société libanaise de pédiatrie. Cette campagne consiste à apprendre aux gens à utiliser les moyens de photoprotection d’une manière optimale, à travers notamment la diffusion de spots à la télévision et la distribution de brochures.

Vieillissement précoce de la peau et tumeurs cutanées
Comment agit le soleil sur la peau ? Le Dr Aziz Aoun, dermatologue, note : « Les personnes qui s’exposent régulièrement au soleil et pendant plusieurs années voient la couche superficielle de la peau, qui est la couche morte, s’épaissir. L’épiderme et le derme, qui sont, eux, les couches vivantes de la peau, se rétrécissent. Les fibres de collagène et les fibres élastiques sont détruites. C’est exactement le phénomène inverse de ce que nous voulons. Les cellules de l’épiderme deviennent plus fines et plus fragiles et peuvent dégénérer en cancer de la peau. Des kératoses actiniques, qui sont des lésions précancéreuses, pourront apparaître, sans parler du vieillissement prématuré de la peau, qui se manifeste notamment par des rides sur le visage, le cou et les mains. De plus, la couleur de la peau n’est plus uniforme et peut virer vers le jaunâtre, les pores se dilatent et la peau se relâche légèrement. De même, des taches brunâtres, comme les « melasma » qui sont les taches de grossesse, et des taches de rousseur apparaissent, les taches bleuâtres ou les “Solar Lentigos” s’accentuent et des capillaires rouges (vaisseaux sanguins) sont visibles. »
Sur le plan génétique, les personnes aux yeux bleus et à la peau blanche ont tendance à développer ce genre de lésions ainsi que les personnes blondes et rousses. Les bruns, quant à eux, sont moins prédisposés à ces lésions car la mélanine constitue une photoprotection naturelle, du fait qu’elle absorbe une grande partie des UV.

Effets cumulatifs
« Les effets du soleil sur la peau sont cumulatifs : les maladies cutanées, notamment le cancer de la peau dans ses formes malignes (mélanome) ou bénignes (tumeurs non mélaniques) ; peuvent se manifester après plusieurs années d’une exposition excessive au soleil, les études ayant montré que les coups de soleil chez le jeune enfant semblent le prédisposer particulièrement à l’apparition de tumeurs malignes cutanées à l’âge adulte », explique le Dr Philippe Chédid, pédiatre et doyen de la faculté de médecine de l’Université libanaise.
De plus, l’exposition excessive au soleil peut entraîner une déshydratation si l’on ne boit pas assez d’eau, des troubles gastro-intestinaux qui se manifestent par des nausées et des vomissements ainsi qu’une fièvre de vingt-quatre heures ou de quarante-huit heures dans les cas extrêmes.
« Dans la littérature médicale, rien ne prouve que l’exposition au soleil entraîne une méningite, note le Dr Chédid. Les parents l’attribuent au soleil puisque les méningites virales apparaissent en cette période plus souvent qu’en hiver. C’est l’utilisation d’une eau contaminée par les virus de l’été comme les antérovirus qui provoquerait une méningite. »
Et de poursuivre : « En cas de déshydratation, il faut donner à boire à l’enfant. S’il est sujet à des vomissements, il faudra lui faire suivre un régime alimentaire léger, de deux à trois jours, basé sur des liquides, des soupes, des pommes de terre et du riz. »
Nul ne conteste les effets bénéfiques du soleil sur les os, ou encore dans le traitement des dépressions saisonnières et de certaines maladies cutanées. Mais malgré tous ses bienfaits, cet astre réserve de mauvaises surprises si l’on ne prend pas les mesures de protection adéquates. Somme toute, ne vaut-il pas mieux prévenir que guérir ?

Comment protéger ses enfants des rayons solaires

Se basant sur des recommandations émanant des autorités américaines, françaises et suisses, le Dr Philippe Chédid, pédiatre et doyen de la faculté de médecine de l’Université libanaise, rappelle aux parents qu’il faut :
– exposer progressivement leurs enfants les premiers jours pendant une courte durée ;
– éviter l’utilisation d’agents photosensibilisants au moment de l’exposition au soleil, à savoir les eaux de toilette, les solutions alcooliques et certains antiseptiques ;
– tenir compte de son phototype pour appliquer une protection solaire adéquate, sachant que les personnes aux cheveux blonds ou roux et à la peau laiteuse sont très sensibles aux rayons solaires, celles aux cheveux châtains ou blonds et à la peau claire y sont sensibles et celles aux cheveux brun ou noirs et à la peau mate y sont peu sensibles.
– appliquer des produits apaisants après le soleil sur le visage et le corps ;
– boire beaucoup d’eau ;
– éviter les produits autobronzants et les séances de bronzage dans des centres spécialisés.
En outre, les surfaces réfléchissantes (eau, neige, sable) peuvent augmenter l’effet de l’exposition au soleil, même si on est à l’abri des rayons directs.

Modes de prévention
Pour éviter les effets néfastes du soleil sur la peau, le Dr Aziz Aoun, dermatologue, conseille :
– de porter un chapeau ;
– d’appliquer un écran solaire à indice 25 toutes les deux ou trois heures ;
– d’utiliser des écrans résistant à l’eau ;
– de mettre un t-shirt, surtout si on a la peau blanche, car en plus du visage, ce sont le buste et le dos qui sont le plus affectés ;
– de prendre des comprimés d’antioxydants à base de vitamines C et E avant d’aller à la plage, car le soleil relâche des radicaux libres, qui sont captés par ces vitamines ;
– de prendre du zinc, du magnésium et du bêta-carotène qui protège la peau ;
– de toujours utiliser des crèmes qui régénèrent la peau, notamment le derme et l’épiderme, la plus importante étant la crème à base de vitamine A. La combinaison de toutes ces crèmes stimule les cellules de collagène et l’épiderme devient plus épais ;
– d’utiliser des crèmes blanchissantes qui donnent une couleur uniforme à la peau et qui atténuent les taches brunes et de rousseur ;
– d’utiliser des masques et des écrans pour les cheveux ;
– de mettre des verres à filtre ;
– de ne pas s’exposer au soleil entre 11h et 16h.

Comment traiter les coups de soleil ?

Si vous avez un coup de soleil :
– évitez de nouvelles expositions au soleil ;
– protégez la région atteinte en la couvrant de vêtements amples et légers ou en la couvrant d’onguent de zinc ;
– appliquez des compresses d’eau froide ;
– appliquez souvent et généreusement une crème ou une lotion hydratante, sauf sur les bulles ou cloches d’eau.
Si le coup de soleil s’accompagne de nausées, de vomissements, de fièvre, de frisson ou de troubles de la vue, il faut consulter un médecin.

Nada MERHI