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Actualités

Une mort escamotée

Voici votre fils, mère douloureuse. Joseph, Joseph Houeiss, est mort on ne sait quand, on ne sait comment, mais on sait trop bien où. On vous a rendu sa pauvre dépouille de malheureux épileptique, le 25 juin, en évoquant une crise cardiaque. Et en vous ordonnant de l’inhumer à la sauvette. Sans même ouvrir le cercueil, pour un dernier regard, un dernier adieu, un dernier baiser.
« Les frasques d’un riche, la mort d’un pauvre, personne n’en entend parler », dit un proverbe de chez nous. Participant à cette injuste discrétion, les médias n’ont prêté qu’une attention timide à un fait divers pourtant effroyable. Joseph Houeiss avait percuté en juin 1992 une jeep de l’armée syrienne, division 62, à Dhour Choueir. Pour cet accident, il a passé les onze années qui lui restaient à vivre au pénitencier central de Damas. Les autorités libanaises, bien entendu relancées sans cesse par les organisations humanitaires, ont toujours répondu imperturbablement que Houeiss était un détenu de droit commun qui avait commis un forfait en Syrie et y avait été arrêté puis condamné. Une vie de maladie, de terreur, de tourments, de souffrances. Puis l’évasion dans la mort. Sûrement involontaire sans quoi le geôlier aurait été trop content d’invoquer le suicide. Une mère écrasée par l’humiliation autant que par le chagrin. Des associations de défense des droits de l’homme dont les conférences de presse n’arrivent pas à émouvoir, à ameuter l’opinion. Parce que les agences spécialisées ne leur consacrent que quelques lignes furtives. Et que la télé satellitaire, ce puissant vecteur d’information, n’en parle pas. La dignité de l’être, ou du pays, en prend un coup. À cause, à cause. Du silence des loups.
J.I.
Voici votre fils, mère douloureuse. Joseph, Joseph Houeiss, est mort on ne sait quand, on ne sait comment, mais on sait trop bien où. On vous a rendu sa pauvre dépouille de malheureux épileptique, le 25 juin, en évoquant une crise cardiaque. Et en vous ordonnant de l’inhumer à la sauvette. Sans même ouvrir le cercueil, pour un dernier regard, un dernier adieu, un dernier...