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Diplomatie - Tournée en faveur des investissements dans la mère-patrie Battle remplace aux États-Unis feu le ministère libanais des Émigrés !

L’empathie est la première qualité d’un bon diplomate. Il doit certes défendre les intérêts de son gouvernement dans le pays où il se trouve accrédité. Mais la meilleure façon de le faire, c’est de plaider également auprès de sa capitale pour le pays où il est affecté.
Vincent Battle, élève des pères jésuites, francophone comme tant de Libanais, va encore plus loin. Il se fait en effet l’ambassadeur du Liban auprès de ses propres ressortissants émigrés. Car Battle entreprend actuellement aux States une grande tournée de la diaspora libanaise. Dans tous ses speeches, il lance de vibrants appels en faveur d’un retour dans la mère-patrie... sous forme d’investissements profitables à tous. Il traite donc de la situation économique mais ne manque évidemment pas d’évoquer le climat sécuritaire ou politique local. En insistant toujours sur l’importance du rôle que devraient assumer les émigrés à l’égard de leur pays d’origine. Bien entendu, il procède également à un tour d’horizon des perspectives régionales. Et se prête, à la fin de chaque rencontre, au feu roulant des questions comme des critiques de ses interlocuteurs concernant la politique US à l’égard du Proche-Orient. Ou du Liban même, car la plupart des émigrés ont à cœur l’indépendance et la souveraineté de ce pays, notions qui leur semblent plutôt négligées par Washington...
Battle doit être de retour à Beyrouth la semaine prochaine. Il présidera aux festivités du 4 juillet, organisées cette année (le 9 juillet !) au Biel et non à l’ambassade...
À l’Est, on s’étonne. Comment se fait-il que l’ambassadeur US effectue une telle tournée sans être au moins accompagné par son homologue libanais aux States ? Et pourquoi la partie invitante, la Chambre de commerce américano-libanaise, n’a pas pensé à cette lacune protocolaire ? On se félicite certes, par ailleurs, que Battle fasse de la promotion auprès des investisseurs américains d’origine libanaise ou des hommes d’affaires libanais opérant aux USA, en prédisant au Liban un avenir prospère. Mais l’on ajoute les observations suivantes :
– Le chant d’espoir entonné par Battle suppose la pleine approbation de son Administration ou même ses directives. Ce qui signifie qu’en principe, le Liban est appelé à se rétablir économiquement et à retrouver un rôle éminent dans la région. Mais on attend toujours des actions concrètes en faveur de cette renaissance.
– L’ambassadeur se substitue à un ministère des Émigrés qui n’existe plus. Mais aussi à l’ensemble de l’appareil d’État local qui ne déploie qu’un minimum d’efforts en direction de la diaspora libanaise. Dont la puissance financière, évaluée à quelque 80 milliards de dollars par les revues spécialisées, pourrait pourtant beaucoup contribuer au redressement de la mère-patrie et à sa relance économique. Sans compter l’influence politique des colonies libanaises dans le monde, atout dont Beyrouth devrait se servir pour protéger ses intérêts propres contre quiconque.
– Si Battle réussit, on devrait inciter les diplomates d’autres puissances riches à suivre son exemple. Pour stimuler leurs gouvernements et pour en appeler aux Libanais du dehors. De la sorte, Beyrouth pourrait peut-être se passer de Paris II et a fortiori de Paris III.
– Colin Powell, dans le cadre du Forum dit de Davos tenu dans la région de la mer Morte, en Jordanie, a certifié de son côté que Washington va aider financièrement le Liban. En indiquant que la Syrie et l’Iran semblent mécontents de cette assistance. Dès lors, il est faux de soutenir, comme le font certains, que les États-Unis délaissent le Liban. De même, il est erroné de prétendre que les USA ont concédé la tutelle du Liban à la Syrie seule. Ou que ce pays fait l’objet d’un marchandage, dans le cadre du processus de paix. Les congressmen qui vont débattre le 7 juillet du Syria Accountability Act se soucient de toute évidence de l’indépendance du Liban. Le président Bush et son équipe n’ont cessé d’accentuer la pression sur la Syrie. En lui reprochant des dérives du côté de l’Irak, en l’accusant d’empêcher le déploiement de l’armée libanaise au Sud ainsi que le désarmement du Hezbollah et des camps palestiniens, repaires d’organisations terroristes liées à el-Qaëda, bête noire de Washington. Et en lui demandant de mettre un terme à une présence militaire au Liban que Powell a même qualifiée d’occupation. En fait, le temps des procurations, des délégations de pouvoir, est terminé depuis la guerre d’Irak. Les Américains ont prévu deux cents milliards de dollars pour contrôler la région. Désormais présents en force, ils ne veulent rien laisser à personne. Surtout pas le Liban. Car il représente un premier palier vers la démocratisation de la région, qui est dorénavant leur credo.
Toujours est-il que les bruits sur un redéploiement syrien dans les jours à venir, en prélude à un retrait total, s’amplifient. On parle à Beyrouth d’une prochaine visite préparatoire d’un dirigeant syrien, qui pourrait même se rendre à Bkerké.
Philippe ABI-AKL
L’empathie est la première qualité d’un bon diplomate. Il doit certes défendre les intérêts de son gouvernement dans le pays où il se trouve accrédité. Mais la meilleure façon de le faire, c’est de plaider également auprès de sa capitale pour le pays où il est affecté.Vincent Battle, élève des pères jésuites, francophone comme tant de Libanais, va encore plus...