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Technologie - Un logiciel pouvant diagnostiquer plus de 100 maladies rénales Robodoc, le cyber-toubib(photo)

Et si les toubibs devenaient cybernétiques ? Ce n’est pas pour demain, mais rien n’empêche leurs assistants de le devenir. Cela ne relève pas de la science-fiction : un « cyber-toubib » a été conçu par un médecin libanais. La mission de ce programme informatique serait d’assister les spécialistes dans leur diagnostic afin d’en optimiser les résultats et d’éviter par la suite, autant que possible, les mauvais bilans et les erreurs médicales.

À l’origine de ce projet un néphrologue libanais, le Dr Nabil Moukheiber. Voulant fuir la guerre au Liban, il se réfugie avec sa famille aux États-Unis où il avait déjà effectué, de 1964 à 1967, des recherches cliniques en néphrologie, à l’Université d’Iowa. En 1977, il fonde un centre pour les hémodialyses chroniques à Kingsport Tennessee, où il pratique la médecine pendant seize années.
Dans les années quatre-vingt-dix, il opte pour une seconde profession, « une habitude très fréquente aux États-Unis ». Son dada étant l’informatique, il décide de mettre au jour un projet qu’il chérissait depuis qu’il était étudiant en médecine à l’Université américaine de Beyrouth : la médecine sur réseau. La société de software Connectance est ainsi créée, en Virginie, et une équipe d’informaticiens est formée.
Trois ans et demi plus tard, le premier prototype voit le jour. Baptisé DMS – Diagnostic Mapping System (tableaux cliniques), ce programme comporte la description et le traitement de plus de cent maladies rénales.
« J’ai passé environ trois ans à mettre au point un système cohérent basé sur des éléments de la mémoire humaine, des relais et des réseaux, explique le Dr Moukheiber. Ces éléments contiennent des compilations d’informations cliniques rédigées par des spécialistes de grande renommée. Leur configuration varierait cependant selon les différentes maladies décrites. »
Comment fonctionne ce programme ? « Il est d’une simplicité extrême, répond le Dr Moukheiber. Il suffit d’introduire l’historique du patient pour construire un tableau clinique. Aucun détail, aussi insignifiant pourrait-il paraître, n’est omis, dans le sens que la race et le statut marital du patient sont introduits, ainsi que son âge, sa taille, son sexe, etc. » Ces informations sont complétées par une description précise des raisons pour lesquelles le patient visite le spécialiste (un évanouissement dans un supermarché, à titre d’exemple) ainsi que par les résultats des examens physiques et de laboratoire.
Une fois l’orthographe concernant la description de la maladie vérifiée, le spécialiste demande à son assistant d’analyser les données et d’établir un diagnostic. Ce dernier, suivant la loi de la similarité, puise les informations de sa vaste mémoire et le résultat est donné en moins de cinq secondes, accompagné d’imageries et d’une description clinique de la maladie concernée, des différents traitements et des examens laboratoires à faire. Au cas où les informations introduites paraîtraient insuffisantes au cyber-toubib, une fenêtre s’affiche sur l’écran priant son utilisateur de lui fournir plus de détails pour un meilleur diagnostic.
« C’est l’invention du siècle, insiste le Dr Moukheiber. D’ailleurs, lors d’une présentation du programme à l’Université de Harvard, le directeur du département de l’informatique médicale m’a dit “Dr Moukheiber, vous nous devancez de cinq années”. »

Le médecin est le seul maître
Ce logiciel peut-il remplacer le médecin ? « En aucun cas. Le spécialiste demeure le maître de la situation, assure le Dr Moukheiber. Ce n’est qu’un assistant puissant, silencieux, non compétitif et obéissant. Vous pouvez le considérer comme une grande librairie d’informations médicales qui aide le spécialiste dans ses recherches, avec une grande différence, celle de la rapidité et de la spécificité. N’oubliez pas que nous vivons dans l’ère de l’informatique et de l’Internet, et les informations médicales ne cessent d’affluer. La mémoire humaine ne peut pas contenir tout ce flux d’informations. Heureusement que l’informatique médicale aide à résoudre ce problème. Elle emmagasine toutes ces bases de données et les met à la disposition de l’utilisateur du logiciel. »
D’ailleurs, les informations médicales contenues dans le programme sont mises à jour quotidiennement, du fait que le logiciel est relié à la Librairie nationale de médecine aux États-Unis. De plus, tous les spécialistes qui ont participé à l’élaboration de la bibliothèque ou de la mémoire du DMS se réunissent, une fois l’an, pour moderniser les informations déjà introduites.
« L’objectif principal de ce logiciel est celui d’assurer aux patients la meilleure qualité de traitement à des prix réduits, poursuit le Dr Moukheiber. Et surtout éviter les nombreuses erreurs médicales. En effet, les statistiques effectuées dans ce cadre aux États-Unis ont montré qu’environ 100 000 personnes meurent par an à cause d’une faute médicale. » Et d’ajouter : « À travers ce logiciel, de nombreux examens laborantins inutiles seront évités, ce qui permet au patient et aux tiers payants de faire de grandes économies. En fait, d’après une étude réalisée aux États-Unis, si ce logiciel est appliqué, l’État pourrait épargner un à trois millions de dollars dépensés pour le traitement des maladies rénales uniquement. L’adoption d’un tel logiciel au Liban aiderait le ministère de la Santé à réduire de 40 % le budget qu’il consacre annuellement aux dépenses médicales. Les assurances épargneront entre 15 et 20 % du montant de la couverture médicale. »
En plus des patients, des spécialistes et des tiers payants, les étudiants en médecine peuvent eux aussi en tirer bénéfice. « Ces derniers peuvent l’utiliser comme un stimulateur intellectuel et un entraîneur virtuel pour préparer leurs examens, précise le Dr Moukheiber. Ce logiciel est d’autant plus efficace dans certaines régions isolées, où les médecins spécialisés se font rares. Un généraliste pourrait ainsi faire un diagnostic précis de la maladie et traiter le patient s’il estime qu’il peut le faire ou, dans le cas contraire, le référer à un spécialiste. »

Cinq millions de dollars
Le DMS englobera les quinze spécialisations médicales, à savoir : la néphrologie, la neurologie, la cardiologie, la gastroentérologie, la dermatologie, l’immunologie, l’ophtalmologie, la pédiatrie, l’oncologie, la pneumologie, l’endocrinologie, la rhumatologie, la gynécologie, l’obstétrique et les maladies infectieuses. Une fois terminé, il sera mis sur réseau. Un abonnement annuel sera nécessaire pour pouvoir y accéder. « Le DMS aura deux portes d’entrée, note le Dr Moukheiber. La première sera réservée aux spécialistes et la deuxième aux patients qui désirent s’informer sur leur malaise avant de consulter leur médecin. »
« L’originalité de ce software, c’est qu’il permettra au patient d’avoir un suivi continu pour son traitement, indique-t-il. Dans le sens où, même à l’étranger, le patient peut être suivi puisqu’il possède le mot de passe de son dossier médical. Ce mot de passe changera toutefois, si le patient change de médecin. »
En juin 2001, l’Office national de la propriété industrielle aux États-Unis a accordé au Dr Moukheiber un brevet d’invention pour le DMS. Jusqu’à ce jour, le prototype de néphrologie a coûté à son concepteur 430 000 dollars. Cinq autres millions seront nécessaires pour l’achèvement de l’ensemble du projet. Si les fonds sont assurés, le logiciel sera mis en réseau au bout d’un an.

Nada MERHI

* Pour plus d’informations,
e-mail : nwm@connectance.com
Et si les toubibs devenaient cybernétiques ? Ce n’est pas pour demain, mais rien n’empêche leurs assistants de le devenir. Cela ne relève pas de la science-fiction : un « cyber-toubib » a été conçu par un médecin libanais. La mission de ce programme informatique serait d’assister les spécialistes dans leur diagnostic afin d’en optimiser les résultats et d’éviter...