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Vie politique - Karim Pakradouni insiste sur son droit à s’exprimer au sein du gouvernement Un Conseil des ministres qui s’annonce calme, malgré le climat explosif

Les pessimistes peuvent ravaler leurs pronostics négatifs. Le Conseil des ministres devrait se dérouler cet après-midi dans le plus grand calme. Le chef des SR syriens au Liban, Abou Abdo pour les intimes, a fait le nécessaire pour cela, en multipliant ces derniers jours les rencontres avec les différentes parties, notamment le président du Conseil, M. Rafic Hariri, et le chef du parti Kataëb, M. Karim Pakradouni. Résultat : l’atmosphère de trêve semble se confirmer, même si le ministre d’État pour le Développement administratif continue à revendiquer le droit d’exprimer son opinion en plein Conseil des ministres, tout en se déclarant respectueux du devoir de solidarité intergouvernementale. En somme, rien n’est résolu et le gouvernement se trouve face à trois scénarios, tous mauvais...

Si elle s’est officiellement calmée, la tempête du dernier Conseil des ministres continue de marquer les esprits. Les grandes lignes du clash qui a ébranlé la République sont désormais connues, mais selon un ministre encore sous le choc, la réalité était encore plus impressionnante que tout ce qu’on a pu en dire. Le ministre revit avec des frissons ce moment où, la séance tirant à sa fin, la question des 600 millions de dollars que compte se procurer l’État, par le biais de l’émission de bons du Trésor, a été évoquée.
Le principe de l’émission de ces bons était acquis, mais certains ministres ont voulu savoir comment cette somme allait être dépensée. MM. Assaad Hardane, Assem Kanso et Karim Pakradouni (entre autres) ont demandé au président du Conseil un plan de développement, qui serait celui de ce gouvernement, puisque celui-ci n’a pas encore eu le temps d’en établir un. Estimant qu’il s’agissait là d’une atteinte personnelle, M. Hariri aurait violemment réagi.

Un lourd contentieux
Mais c’est surtout lorsque la question des 60 millions de dollars, consacrés aux expropriations pour la construction de nouvelles écoles, a été abordée que la réunion a littéralement explosé. Suivant le plan proposé par l’équipe du président du Conseil, 70 % de la somme devraient être dépensés à Beyrouth et 30 % dans les régions. M. Pakradouni a alors demandé des détails sur la répartition de la somme à Beyrouth et M. Hariri aurait répliqué avec colère, accusant le chef des Kataëb de susciter un climat confessionnel, alors que M. Pakradouni n’avait pas parlé de Beyrouth Est et Ouest.
Le ministre témoin de cette scène précise que plusieurs de ses collègues ont demandé des explications mais que c’est seulement à M. Pakradouni que le président du Conseil s’en est pris. Car, à travers lui, c’est le président de la République qu’il voulait atteindre, en raison de tout le contentieux qui existe entre les deux hommes.
Depuis la fin de la période de « lavage des cœurs », les deux présidents se soupçonnent mutuellement de vouloir se débarrasser l’un de l’autre et, entre eux, le fossé ne cesse de grandir. Ce qui empoisonne le climat entre les ministres.
Mais la situation aurait pu rester telle quelle si les Syriens n’avaient pas décidé d’intervenir. Ils auraient surtout réagi après « l’atmosphère confessionnelle » provoquée par les propos du président du Conseil. Le chef des SR syriens au Liban, le général Rustom Ghazalé, a multiplié les rencontres avec les diverses parties au conflit, pour les appeler à conclure une trêve. Finalement, tous les dossiers litigieux ont été retirés de l’ordre du jour et le Conseil des ministres qui se tiendra cet après-midi ne devrait examiner que des questions consensuelles.
L’écueil d’aujourd’hui sera donc surmonté sans problèmes, mais que se passera-t-il dans l’avenir ?

Le respect de la Constitution et la recherche du consensus
Selon des sources ministérielles, le gouvernement se trouve face à trois scénarios, tous mauvais. Le premier consisterait en un nouveau « lavage des cœurs », qui permettrait à MM. Lahoud et Hariri de s’entendre sur les dossiers conflictuels avant qu’ils ne soient soumis à l’examen du Conseil des ministres. Ce qui rééditerait les prestations du précédent gouvernement, pendant sa période « productive ». Mais ce scénario semble écarté, vu que le fossé ne cesse de s’approfondir entre les deux hommes et qu’en filigrane se dessine l’enjeu de la présidentielle, M. Hariri voulant notamment éviter un éventuel renouvellement du mandat Lahoud.
Le second scénario consisterait en un examen par le Conseil des ministres de tous les dossiers et au cours des débats, il y aurait une tentative de consensus, qui reste la base du document d’entente nationale, signé à Taëf. En cas d’échec, on procéderait au vote, conformément aux dispositions de la Constitution. Mais le vote resterait l’ultime recours. Cette solution serait, selon le ministre Pakradouni, la meilleure, car elle permettrait de respecter la Constitution et de procéder à un véritable débat. Mais il n’est pas évident qu’elle soit retenue, l’issue du vote étant une inconnue.
Le troisième scénario consisterait en un changement de gouvernement et surtout un changement du Premier ministre, puisqu’il devient de plus en plus clair que le problème n’est pas entre les ministres, mais entre les présidents. Cette solution est encore plus mauvaise que les précédentes, puisqu’elle provoquerait un climat d’instabilité dans le pays.
En somme, les trois scénarios sont mauvais, mais le premier équivaut à attendre un miracle qui permettrait aux deux responsables de retrouver l’atmosphère d’entente qui avait prévalu après le « lavage des cœurs » et le troisième correspond à un bras de fer dont le Liban se passerait dans une période aussi cruciale. Le second scénario est donc effectivement le moins mauvais et les prochaines semaines permettront de voir s’il peut réellement être appliqué en Conseil des ministres.
En attendant que se précise la nouvelle tendance au sein du gouvernement, le chef du parti Kataëb ne se sent nullement coupable d’avoir mis le feu aux poudres. « Je suis un ministre qui étudie les dossiers et émet son opinion. J’estime que c’est un droit sacré. Si nous ne pouvons pas nous exprimer en Conseil des ministres, où pourrions-nous le faire ? Mais cela ne m’empêche pas de respecter le devoir de solidarité ministérielle. Je ne peux pas accepter d’être interdit de parole, surtout concernant un principe de base qui est l’une des constantes du document d’entente nationale, à savoir le développement équilibré, mais je ne violerai pas la solidarité avec mes collègues. »
Des sources ministérielles estiment d’ailleurs que l’affaire des expropriations pour la construction de nouvelles écoles a été amplifiée dans les médias pour diverses raisons. L’objectif principal était peut-être de dissuader les ministres de demander des explications sur les projets en cours pendant les séances gouvernementales. Il fallait donc les intimider pour les empêcher de réagir. Mais pour le président du Conseil, il y avait peut-être une autre raison : provoquer un dialogue profond avec les Syriens, avec lesquels la relation était plus ou moins perturbée depuis la formation de l’actuel gouvernement. Sur ce plan au moins, le dialogue a été rétabli et la situation s’est assainie. De plus, toutes les parties semblent désormais convaincues de l’inutilité de déclencher dès aujourd’hui la bataille présidentielle. De l’avis de plusieurs ministres, ce n’est ni le moment, ni la priorité de lancer un tel débat. Et l’évoquer aujourd’hui signifierait que l’on pose un faux problème qui ne permettra d’aboutir qu’à de mauvaises solutions.
Reste à savoir si, grâce à cette nouvelle ambiance, le Conseil des ministres pourra enfin commencer à travailler sérieusement et à s’occuper des questions qui intéressent vraiment les citoyens. Un nouveau ministre ne cache pas son étonnement devant la manière dont est géré le pays. « Maintenant que je suis à l’intérieur du pouvoir exécutif, dit-il, et en voyant la façon dont sont prises les décisions, je crois vraiment que le véritable miracle, c’est que ce pays soit encore debout. »
Un témoignage qui en dit long sur le climat général.

Scarlett HADDAD
Les pessimistes peuvent ravaler leurs pronostics négatifs. Le Conseil des ministres devrait se dérouler cet après-midi dans le plus grand calme. Le chef des SR syriens au Liban, Abou Abdo pour les intimes, a fait le nécessaire pour cela, en multipliant ces derniers jours les rencontres avec les différentes parties, notamment le président du Conseil, M. Rafic Hariri, et le chef du...