Rechercher
Rechercher

Actualités

MÉCANIQUE - Accusé de « gabegie » par le n° 2 du Parlement, le ministre de l’Intérieur contre-attaque Ferzli et Murr à couteaux tirés

À chaque jour suffit sa peine. Et à chaque saison, au Liban, son lot de polémiques et de scandales. Après le cellulaire, pour le cœur duquel se sont affrontés Émile Lahoud et Rafic Hariri par ministre des Télécommunications et députés haririens interposés, après l’affaire Nicolas Fattouche-Adnane Addoum, après le scandale des carrières et autres biens-fonds maritimes, après l’affaire qui a failli envoyer Fouad Siniora en prison, après, entre autres, le « Louis XIV » par lequel Nabih Berry a complimenté le Premier ministre, c’est aujourd’hui au tour du vice-président de la Chambre, Élie Ferzli, et du ministre de l’Intérieur, Élias Murr, de sortir les fleurets. La raison : les accusations du premier contre le second, à propos de « malversations » liées au service de la mécanique. Avec, en toile de fond, une petite bataille larvée dont l’enjeu pourrait être la primauté sur la communauté grecque-orthodoxe. Et la volonté d’affaiblir, à quelques mois de la présidentielle, l’actuel locataire de Baabda. Pour mémoire, le n° 2 de la Chambre avait affirmé dimanche dernier sur La Voix du Liban que le service de la mécanique représente « une nouvelle affaire semblable à celle du cellulaire », évoquant des malversations de l’ordre de « vingt millions de dollars chaque mois » et soulignant qu’il se préparait à soumettre au parquet les informations dont il dispose. Immédiatement ou presque, le ministre de l’Intérieur a demandé au procureur général, Adnane Addoum, de considérer les propos d’Élie Ferzli comme nécessitant une information judiciaire. Le dossier a ensuite été transmis à l’avocat général financier, Khalil Rahhal, qui a demandé à la Cour des comptes de lui communiquer une copie des résultats de l’enquête sur l’adjudication portant sur la vérification des véhicules automobiles au service de la mécanique. La requête d’Élias Murr a poussé le vice-président de la Chambre à affirmer que le ministre de l’Intérieur « veut déresponsabiliser son ministère, sachant que c’est lui-même qui a saisi la commission des Adjudications et qui a soumis le dossier de la société adjudicatoire au Conseil des ministres qui a retenu cette société, invalidant ainsi la décision de la Cour des comptes ». Interrogé hier sur ce sujet, Élias Murr a commencé par marteler qu’il « n’y a pas de dossier “mécanique”. Et pour qu’il y ait dossier, il faudrait à la base qu’il y ait une société qui travaille et dont les rentrées seraient douteuses. Or, le service de la mécanique électronique n’a pas encore été introduit », a-t-il expliqué. Le ministre de l’Intérieur s’est ensuite employé à rappeler que le Parlement avait demandé au gouvernement de plancher sur le service de la mécanique pour « assurer la sécurité des citoyens sur les routes et préserver l’environnement ». C’est sur cette base que le gouvernement a chargé le ministère concerné de lancer une adjudication internationale, « à laquelle se sont présentées environ neuf sociétés ». Les offres, selon Élias Murr, ont varié entre 70 et 13 dollars par véhicule et par an et c’est évidemment sur celle qui a proposé le prix le plus bas – soit la Saudi Fal Co. Ltd – que s’est porté le choix de l’État. « Sauf qu’une autre société, qui avait, elle, proposé 12 dollars, a présenté une objection purement technique auprès de la Cour des comptes », a-t-il précisé. Laquelle cour a ensuite fait part de son jugement au ministère de l’Intérieur, « qui a eu à choisir entre deux solutions : prendre en compte, ou non, l’avis technique de la Cour des comptes. Mais étant donné que ce dossier concerne l’ensemble des Libanais, nous avons préféré laisser la décision au Conseil des ministres », a expliqué le ministre de l’Intérieur. En gros, soit l’État acceptait l’offre la plus basse, soit il lançait une nouvelle adjudication. Le Conseil des ministres, a précisé Élias Murr, a voté « par 27 voix » la première option. Quoi qu’il en soit, Élias Murr semble déterminé à jouer à fond l’option glasnost, puisqu’il a demandé à ce qu’une enquête des plus minutieuses soit menée au sein du ministère de l’Intérieur comme auprès de la société saoudienne ; et au cas où la moindre malversation serait débusquée, il a assuré qu’il en arrêterait immédiatement l’auteur, qu’il appartienne au ministère ou à la société en question. Pour sa part, le vice-président de la Chambre – qui est loin de porter le mentor du ministre de l’Intérieur, le président Lahoud, dans son cœur – a tenu une conférence de presse à Chtaura, au cours de laquelle il a posé la question suivante : « Est-ce que s’opposer à la gabegie et au dysfonctionnement des institutions de l’État équivaut à comploter contre la ligne politique suivie par l’État ? », en réaction aux propos qu’aurait tenus Élias Murr, selon lui, en Conseil des ministres avant-hier jeudi. En fait, tout a commencé, pour Élie Ferzli, par une incompréhension : comment cette adjudication a-t-elle pu échoir à la société saoudienne malgré le refus de la Cour des comptes ? Apparemment pas convaincu par les explications du ministre de l’Intérieur, il a fait savoir à ce dernier qu’il refuse catégoriquement la méthode qu’il emploie, à savoir « faire l’amalgame entre la ligne politique (de l’État) et sa personne – voire même ses personnes. Nous nous opposerons à cela à chaque fois que cela se produira », a-t-il dit, en réitérant à plusieurs reprises ses accusations de gabegie et de gaspillage de l’argent public contre le ministre Murr. Dont les actions et les justifications « consolident les doutes » de l’opinion publique en sa personne, a-t-il ajouté. Il a d’ailleurs demandé à Élias Murr de citer le nom de l’avocat – un associé d’Élie Ferzli, qui aurait proposé au ministre de l’Intérieur, selon les dires de celui-ci, une de ses études. Quoi qu’il en soit, si ce n’est pas la guerre, cela y ressemble fort. Et bien brillant sera celui qui saura discerner le vrai du faux dans les accusations un peu suintantes de démagogie de l’un et les justifications et les assurances un peu embarrassées de l’autre. Une chose est pourtant sûre : noyée dans ces polémiques et ces scandales qui, assurément, perdureront en se renouvelant avec une inventivité toute romanesque, il y a une constante. Ce sont les Libanais qui ont été, qui sont et qui resteront les dindons de cette bien triste farce. Et maintenant que la bataille de la présidentielle est lancée, sur fond d’une reconduction pour laquelle les uns bataillent férocement et que les autres combattent avec la même ardeur, nombreux seront les responsables politiques qui se feront un malin plaisir d’aller balayer devant la porte des autres. La polémique Murr-Ferzli en est un bien bel exemple. Ziyad MAKHOUL
À chaque jour suffit sa peine. Et à chaque saison, au Liban, son lot de polémiques et de scandales. Après le cellulaire, pour le cœur duquel se sont affrontés Émile Lahoud et Rafic Hariri par ministre des Télécommunications et députés haririens interposés, après l’affaire Nicolas Fattouche-Adnane Addoum, après le scandale des carrières et autres biens-fonds maritimes,...