Rechercher
Rechercher

Actualités

L’opposition se pose des questions sur le rôle des tuteurs

Après s’être voulu le fossoyeur de l’équipe sortante, le président Berry porte fièrement sur les fonts baptismaux le nourrisson gouvernemental. Dont la gestation s’est parachevée en un temps record, dans un climat de pressions soutenu. Au point que nombre de ministres, ainsi que de forces loyalistes, haririens en tête, n’épargnent pas leurs critiques à la nouvelle formation. Que le parrain défend du mieux qu’il peut. Ce qui se comprend aisément, du moment qu’il s’est taillé la part du lion dans le partage du festin. En exploitant à fond l’avantage de l’initiative dont les joueurs d’échecs connaissent l’importance. En effet, Berry avait réclamé, le premier, le départ des Trente. Fin février, il avait pensé se faciliter la tâche en dévoilant l’éviction par Amal des deux ministres représentant alors ce mouvement, Mohammed Abdel-Hamid Beydoun et Ali Abdallah. Mais les décideurs, consultés, avaient recommandé l’expectative. Estimant qu’il fallait voir ce que la guerre en Irak allait donner. Dès que ces retombées se sont traduites par une poussée de fièvre US antisyrienne, après la chute de Bagdad, Damas s’est ravisé. Il lui fallait assurer ses arrières du côté libanais, par la mise en place accélérée d’un gouvernement de fidèles. Berry a donc été invité derechef sur les bords du Barada. Interlocuteur privilégié des décideurs, il en a tiré profit pour décrocher cinq portefeuilles directs, attribués aux siens : Ayoub Hmayed, Assaad Diab, Ali Hassan Khalil, Ali Hussein Abdallah et Michel Moussa. On sait que Mahmoud Hammoud, également proche de Hariri, ou Abdel-Rahim Mrad ne sont pas foncièrement hostiles au chef d’Amal. Dont le plus beau coup aura été de faire attribuer les AE à Jean Obeid, qui, sans évidemment faire partie de son bloc, devient ainsi un ami, un allié précieux. Globalement, Berry considère que les nouveaux Trente sont une version opérante d’une même tessiture politique qui, avec les Trente précédents, avait révélé des failles incapacitantes. Il compte appuyer à fond la nouvelle équipe pour qu’elle se gagne les faveurs du public en sortant le pays de son marasme. C’est-à-dire en débloquant les projets et les dossiers gelés. Une fois obtenue la bénédiction des tuteurs, Berry a vite fait de convaincre les deux autres présidents. D’autant qu’en s’adressant au chef de l’État il prêchait un converti puisque Baabda était de notoriété publique favorable au changement. Des rapports de force. Car l’ancienne majorité haririenne a été entièrement laminée. Toujours est-il que Berry et son premier cercle insistent, un peu trop pour être vraiment crédibles, à dédouaner les décideurs. À en croire les loyalistes, la mouture a été entièrement mijotée au Liban, sans aucune intervention syrienne, ni pour provoquer le départ des anciens Trente ni pour choisir la relève. Dans cette argumentation, un député voit « un affront à l’intelligence des Libanais. Si la Syrie n’est pas intervenue, pourquoi donc Berry a-t-il cru devoir rencontrer à plusieurs reprises l’officier syrien traitant du dossier libanais, le général Rustom Ghazalé ? Pourquoi s’être rendu à Damas ? Pourquoi tant de ministres très proches de la Syrie ou qui défendent aujourd’hui la coordination à fond avec elle ? Pourquoi évincer au profit de ces inconditionnels des figures de proue compétentes, ou des ministres qui ont réussi avec éclat dans leurs charges ? Ghazi Aridi s’autocongratule en soutenant que les éléments de valeur ont été repris. Il se contredit cependant quand il rend hommage à son prédécesseur à la Culture, Ghassan Salamé. Que peut-on reprocher, en outre, à des ministres comme Georges Frem, Pierre Hélou, Fouad el-Saad dont le dynamisme, l’intégrité morale et intellectuelle sont dignes de tout éloge ? Et puis, quel ministre peut se targuer d’être à sa juste place dans la nouvelle formule ? Skaff à l’Industrie ou Boueiz à l’Environnement ? Le plus important, c’est que les portefeuilles politiques fondamentaux, les Affaires étrangères et l’Information, ont été confiés à des chrétiens proches de la Syrie mais qui ont bonne presse et de l’entregent dehors. Ils pourront ainsi défendre auprès de l’Occident, comme Hariri l’a fait dernièrement, les thèses syriennes. Et promouvoir le rôle incontournable de Damas dans le processus de paix régionale. Il est clair que cette puissance a déroulé le tapis d’une ligne rouge bien précise : interdit de recruter ailleurs que parmi ses féaux les plus zélés. C’est manifestement sur cette base que la sélection s’est faite ». Cependant, au niveau de l’opinion générale, toutes ces considérations restent secondaires. Ce qui compte pour le bon peuple, c’est qu’on le sorte de la mouise économique. Les nouveaux Trente y parviendront-ils ? Philippe ABI-AKL
Après s’être voulu le fossoyeur de l’équipe sortante, le président Berry porte fièrement sur les fonts baptismaux le nourrisson gouvernemental. Dont la gestation s’est parachevée en un temps record, dans un climat de pressions soutenu. Au point que nombre de ministres, ainsi que de forces loyalistes, haririens en tête, n’épargnent pas leurs critiques à la nouvelle...