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SOCIÉTÉ - Certains alcools peuvent rendre fou ou aveugle L’ivresse à bas prix en Afrique

À base de maïs, cajou, sève, manioc, mil ou mixtures détonantes, fermentés ou distillés, baptisés « c’est bon » ou « effet rapide », les alcools artisanaux font tourner la tête des Africains qui, parfois, en perdent la vue, la raison ou même la vie. «Face au grand nombre de morts provoquées par la consommation » du « kaï-kaï », un de ces breuvages plus ou moins frelatés, les autorités de Guinée-Équatoriale ont interdit fin février la fabrication et la consommation de cet alcool obtenu à partir de levure, eau, sucre et écorces. Mais le kaï-kaï a sans doute encore de beaux jours devant lui, sa vente ayant déjà été interdite il y a plusieurs années mais sa consommation, clandestine, demeurant florissante dans les gargotes de Malabo. On continue à le boire, surtout parce qu’il est moins cher que les boissons officiellement brassées et dûment taxées: 25 F.CFA (0,04 euro) le verre, de 100 à 200 F.CFA (0,15 à 0,30 euro) le litre, contre 500 à 700 F.CFA (0,76 à 1,07 euro) pour une bière de 66 centilitres. Au Nigeria, une eau de vie, également appelée kaï-kaï dans l’Est, « ogogoro » dans l’Ouest, est un vin de palme distillé dans un alambic de fortune dont le tuyau, métallique, est toujours de récupération. Si c’est du cuivre, c’est bon, si c’est du plomb volé dans des vieux sanitaires, gare aux maladies graves: folie, cécité, notamment. Dans certains endroits du Nigeria, cet alcool est appelé « rapid result ». Des clous rouillés Le même principe s’applique au « bandji » (vin de palme ivoirien) que l’on distille pour obtenir du « tchapalo », terme utilisé aussi dans les pays voisins (Mali, Burkina). Également mitonné par les Togolais ou les Béninois, d’après des recettes variant selon les pays et le producteur (riz, maïs, canne à sucre, vin de palme...), le kaï-kaï se consomme aussi dans les petits bars de Libreville, où il a fait un nombre indéterminé de victimes. Pour en augmenter la fermentation, paraît-il, on peut y faire macérer des clous rouillés. Pour s’enivrer vite et pas cher, les Gabonais ont aussi à leur disposition un vin de maïs ou de manioc très alcoolisé, à consommer à leurs risques et périls puisque, dit-on, il peut aussi rendre fou ou aveugle. Dans la catégorie « drogues douces », le Gabon consomme les vins de palme (« toutou ») ou de canne (« musungu » ou « magrocom »). Selon les connaisseurs, le vin de palme « se digère très bien » et ne tape pas trop fort sur la tête, tandis que le vin de canne est supposé aphrodisiaque. Le vin de canne peut aussi avoir des vertus inattendues quand les vendeuses l’additionnent de drogues comme l’iboga (plante hallucinogène) pour augmenter la rapidité de son effet. La République démocratique du Congo regorge de ces alcools artisanaux qui, dans les campagnes, ont quasiment remplacé la bière, rare et chère. À base de manioc, maïs, banane, canne à sucre ou vin de palme, selon les régions et les denrées disponibles, ils sont appelés «lotoko», «nzela mukuse» («raccourci»), «tshibuku», «tshikoko», «kasiksi» («je regrette»), «mokoyo» («chien qui mord»), «nduwa» («qui enivre vite») ou «agene». La Guinée-Bissau distille quant à elle la pomme de cajou, qui produit du vin et un alcool appelé «soum-soum» («c’est bon»), que les Casamançais (sud du Sénégal) consomment eux aussi, de même que le «kana» (alcool de canne). Alcool et méthanol Le soum-soum peut s’avérer nocif lorsque levure, sucre et eau remplacent le cajou. Les habitués le disent: les accros ne font pas de vieux os. Prétendument «naturels», «nourrissants» ou «fortifiants», les alcools artisanaux seraient ni plus ni moins dangereux que les autres s’ils n’étaient pas souvent frelatés, additionnés de produits censés les rendre plus «efficaces». Fin 2000 au Kenya, 134 personnes étaient mortes en une semaine, empoisonnées par un alcool fortement coupé de méthanol, substance utilisée comme solvant ou antigel. Ingéré, le méthanol détruit les globules rouges, endommage la vue, attaque le foie et les reins... Illégaux, les alcools traditionnels à base de maïs et de sorgho – appelés chang’aa – sont fabriqués au Kenya dans des distilleries clandestines et consommés par ceux qui n’ont pas les moyens de s’offrir un verre de bière. L’alcool responsable des décès de la fin 2000 est d’ailleurs surnommé «kumi kumi» («dix dix», en swahili), car vendu 10 shillings (environ 10 cents d’euro) le verre, et l’hécatombe d’alors avait déclenché une campagne pour le «droit des pauvres à se saouler». «Le fait que ces boissons soient illégales explique en partie que les marchands de la mort fabriquent de puissantes décoctions qui saoulent rapidement», affirmait un journal, plaidant pour une légalisation du chang’aa, avec un contrôle de qualité.
À base de maïs, cajou, sève, manioc, mil ou mixtures détonantes, fermentés ou distillés, baptisés « c’est bon » ou « effet rapide », les alcools artisanaux font tourner la tête des Africains qui, parfois, en perdent la vue, la raison ou même la vie. «Face au grand nombre de morts provoquées par la consommation » du « kaï-kaï », un de ces breuvages plus ou moins...