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Justice - Le président s’oppose, mais les deux assesseurs l’emportent La Cour de cassation maintient la fermeture de la MTV et de RML « pour des questions de forme »

Le souffle d’espoir est passé aussi furtivement que le « printemps de Damas » et le verdict est tombé sans appel : la MTV et RML (arabe) resteront fermées pour des raisons de procédure, sans que la Cour de cassation n’ait eu l’occasion de se pencher sur le fond. L’attendu selon lequel le recours des avocats de la défense a été jugé irrecevable parce que ayant dépassé les délais légaux pourrait être justifié, mais il ne convainc personne et surtout pas le président de la Cour lui-même, le magistrat Afif Chamseddine, qui s’est opposé au jugement. L’opinion générale, après la publication de la décision finale adoptée à deux voix contre une, penchait plutôt en faveur de raisons politiques, les mêmes en fait qui auraient dicté la formation du nouveau gouvernement. Le suspense a finalement été levé. Depuis le 4 septembre dernier, date de la décision du tribunal des imprimés, présidé par le juge Labib Zouein, stipulant la fermeture totale de la MTV, en application de l’article 68 de la loi électorale, le sort de la chaîne était à la merci des procédures judiciaires qui, elles, semblaient dépendre du climat politique. D’un recours à l’autre, les avocats ont tout essayé pour tenter d’obtenir la réouverture de la chaîne, utilisant toutes les possibilités que leur laissaient des lois suffisamment vagues pour prêter à de multiples interprétations. C’est ainsi qu’a commencé, pour les propriétaires de la chaîne et ses employés, une longue saga judiciaire, qui s’est terminée hier devant la Cour de cassation. Si les dernières positions de Bkerké et de la classe politique en général, favorables à la Syrie, avaient pu laisser espérer une détente au sujet de la MTV, l’espoir s’est rapidement dissipé, le jugement de la Cour de cassation, qui traite en appel les litiges devant le tribunal des imprimés, ayant maintenu la fermeture « totale », interprétée comme étant définitive. Les juges se déclarent « profondément malheureux » Le jugement de la Cour, en principe sans appel, distribué à la presse sans autre forme de procès (c’est le cas de le dire), est une véritable œuvre d’art en matière d’hypocrisie. Après avoir développé des arguments juridiques portant sur les questions de procédure, les juges se déclarent, en effet, « profondément malheureux de voir la MTV et RML encore fermées, mais la Cour ne peut qu’appliquer la loi ». Ils ajoutent un peu plus loin que les deux médias ont encore la possibilité de chercher à obtenir gain de cause par des moyens légaux, « ce qui rend la Cour très heureuse ». Mais les magistrats se gardent bien de préciser quels sont ces moyens. Finalement, le jugement de la Cour se cantonne dans les questions de pure forme, considérant que le tribunal des imprimés, qui a décidé la fermeture le 4 septembre dernier, est une instance pénale et les délais de notification sont ceux qui sont prévus par le code de procédure pénale. Ils commencent à courir dès que le représentant légal du média incriminé est informé de la teneur du jugement. Or, lorsque le jugement du 4 septembre a été communiqué à l’avocat Ghassan Zeidane, nul n’avait alors protesté pour dire que la notification ne s’était pas faite dans les formes. Cet argument n’a en fait été soulevé que bien plus tard, pour justifier le recours hors délai présenté devant la Cour de cassation. De même, la Cour estime que s’il y a eu des lacunes dans la notification, celles-ci ne peuvent aboutir à l’annulation de cette même notification, en application du principe qui veut qu’il n’y a pas de nullité sans texte. Enfin, la Cour précise que le fait, pour les avocats de la défense, d’avoir présenté un recours devant une instance qui n’est pas la bonne (le tribunal des imprimés présidé par le juge Samir Alyé) ne suspend en aucune manière les délais légaux. Pour toutes ces raisons, la Cour décide de rejeter le recours présenté par les avocats de la défense et de maintenir, du même coup, la fermeture totale de la MTV et de la station de radio RML (arabe). Cette décision a été prise pour des questions de forme et la Cour ne s’est ainsi jamais prononcée sur le fond, à savoir si réellement la MTV avait enfreint les dispositions de l’article 68 de la loi électorale et si, effectivement, elle représentait, ainsi que la radio RML, une menace pour la paix civile. Dans l’atmosphère actuelle, on aurait pu comprendre une argumentation de ce genre, face aux pressions américaines sur la Syrie et accessoirement sur le Liban, mais la Cour ne s’est même pas donné la peine de se lancer dans ce genre de développement, préférant s’en tenir à l’aspect purement procédural de l’action en justice, occultant ainsi le véritable débat et laissant l’opinion publique sur sa faim. L’opposition du président ouvre une brèche D’ailleurs, et c’est là une grande première en matière juridique, le président de la Cour, le juge Afif Chamseddine, a exprimé son opposition au jugement, qui a donc été adopté à deux voix contre une. Pour justifier sa position, le président a déclaré que comme il s’agit de l’article 68 qui est appliqué pour la première fois par les tribunaux, il aurait fallu interpréter un peu plus librement la loi, surtout que cette affaire a fait l’objet de deux jugements contradictoires de la part du tribunal des imprimés, le premier présidé par M. Labib Zouein et le second par M. Samir Alyé. M. Chamseddine a aussi évoqué les procédures suivies dans l’application des décisions des tribunaux pénaux, qui doivent aussi être sujettes à interprétation. Il préconise ainsi le renvoi de l’affaire devant la chambre plénière des Cours de cassation afin de se prononcer sur les procédures pénales et sur l’interprétation de l’article 68 de la loi électorale. Le juge Chamseddine ouvre ainsi une petite brèche pour les avocats de la MTV et de RML. Mais, pour l’instant, ceux-ci ne semblent pas vouloir s’y engouffrer, étant de plus en plus convaincus qu’il s’agit d’une cause perdue, dont le règlement n’est certainement pas entre les mains des tribunaux. De son côté, l’ancien bâtonnier Chakib Cortbawi, qui est aussi l’un des avocats de la MTV, a évoqué la possibilité de porter plainte contre l’État, du fait du travail de ses magistrats, dans lequel il décèle « des fautes graves ». Un coup d’épée dans l’eau ? Scarlett HADDAD
Le souffle d’espoir est passé aussi furtivement que le « printemps de Damas » et le verdict est tombé sans appel : la MTV et RML (arabe) resteront fermées pour des raisons de procédure, sans que la Cour de cassation n’ait eu l’occasion de se pencher sur le fond. L’attendu selon lequel le recours des avocats de la défense a été jugé irrecevable parce que ayant...