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Manifestation - Quelques centaines de femmes ont défilé devant l’Escwa contre la guerre en Irak Une procession silencieuse et des bougies pour exprimer le deuil, la colère et, malgré tout, l’espoir(photos)

En ce dimanche soir printanier, la procession ne pouvait qu’attirer l’attention des nombreux promeneurs au centre-ville de Beyrouth. Des femmes en noir portant des bougies allumées, comme un souffle de vie dans l’obscurité mortelle, avancent lentement vers le bâtiment de l’Escwa. Ni cris ni slogans vengeurs, mais une sorte de recueillement, comme si ces femmes portaient à elles seules le deuil de l’Irak, de la démocratie et des rêves d’un avenir meilleur. Telle est la manifestation voulue par le Comité de la femme libanaise, un témoignage de solidarité différent, pour changer des défilés devenus quotidiens dans les rues. Elles n’étaient qu’une poignée, deux ou trois cents femmes. En tout cas pas assez nombreuses pour nécessiter la mobilisation d’un important dispositif de sécurité. Elles n’ont même pas provoqué la fermeture des ruelles menant à l’Escwa, et les FSI présentes sur les lieux trouvaient, une fois n’est pas coutume, leur mission amusante: regarder défiler ces femmes en noir, désireuses de témoigner leur refus de la guerre américano-britannique contre l’Irak. De toute façon, le Comité de la femme libanaise, qui est à l’origine de cette initiative, n’avait pas misé sur le nombre. Des manifestants, il y en a chaque jour des milliers dans les rues des capitales du monde entier. Non, ce que voulaient les organisatrices, c’était frapper les esprits et les émotions en misant sur des images fortes et dignes. Actuellement, il y a trop de bruit dans le monde : explosions, bombardements, pleurs, cris de douleur ou de révolte, quelques slogans de plus ou de moins n’auraient donc rien apporté. Mais une procession silencieuse, avec des femmes en noir et des bougies dans l’obscurité, c’était sans doute un moyen différent d’exprimer le rejet de l’agression contre l’Irak. Des Libanaises, des Palestiniennes et des Occidentales L’annonce du rendez-vous avait certes été publiée dans la presse, mais c’est surtout par courrier électronique que les femmes avaient été invitées à cette manifestation et, pour ne pas marcher longtemps, le point de ralliement avait été directement fixé devant l’Escwa. Peu avant dix-neuf heures, les femmes ont commencé à arriver: des militantes chevronnées, un peu pasionaria ou anciennes féministes, des combattantes pour la Palestine, keffieh autour des épaules, mais aussi de jeunes Américaines vivant au Liban, quelques Européennes, Françaises et Allemandes notamment, et des sympathisantes, sans coloration particulière, toutes unies dans une même colère. En avançant lentement, leurs bougies tremblotantes dans les mains, elles ont dû essuyer les regards amusés et un rien ironiques des passants pressés de trouver une place libre dans un café-trottoir. Mais rien n’aurait pu les détourner de leur objectif : se poster devant le bâtiment de l’Escwa et remettre des messages de protestation au représentant de l’Onu, mais aussi aux ambassadeurs de France, d’Allemagne, de Grande-Bretagne et des États-Unis, pour leur rappeler le droit des Irakiens à vivre dans leurs maisons, sans essuyer les terribles bombardements de ceux qui veulent en principe leur apporter la démocratie, mais qui ne font en fait que leur ôter la vie. Les banderoles brandies par celles qui ne portaient pas de bougies étaient d’ailleurs suffisamment explicites : « Honte à vous, Bush et Blair, vous n’êtes que des tueurs d’enfants » ou encore « Irak, Palestine, même combat », « Tous contre la guerre aux enfants d’Irak », « Non aux bases étrangères sur les terres arabes »... Aucun portrait dans cette marche silencieuse, mais quelques drapeaux, libanais bien sûr, et aussi irakiens et palestiniens. Un groupe d’enfants faisaient aussi partie du groupe, pour montrer encore plus l’horreur de cette guerre. Avec leurs mines graves, voire tristes, ils avaient l’air de dire : « Nous, au moins, nous sommes là, mais nos camarades en Irak, eux, sont sous les bombes. » À un journaliste qui lui demandait à quoi sert cette action, une Américaine s’est écriée : « À rien sans doute, mais elle nous permet au moins d’exprimer notre révolte face à cette guerre totalement injuste. Nous enverrons nos messages, mais nous savons bien que l’administration actuelle de mon pays ne les entendra pas. Il leur faut encore beaucoup de morts et de destructions pour comprendre qu’il s’agissait d’une terrible erreur ». « L’impuissance face à ce qu’on pense être une démarche suicidaire est un terrible sentiment. Nous essayons de réagir. Mais en face de nous, il n’y a que des sourds, guidés par la haine et le mépris », a ajouté une militante, les yeux brillant de colère contenue. « Et dire que c’est la Journée de la terre, alors que la terre arabe n’en finit plus d’être piétinée par les agresseurs, les envahisseurs et les nouveaux colonisateurs », a crié une autre, keffieh autour du cou et pancarte à la main. Mais les femmes n’ont pas voulu trop parler. Aucun discours pour ponctuer cette marche, rien que des remarques isolées, dès qu’on leur posait une question. Pour elles, l’heure est bien plus à l’action qu’à la parole. Hélas, leur marge de manœuvre est limitée et, hier, elles ont voulu affirmer leur présence, rappeler que quand on donne la vie, on en connaît le prix, en espérant que ce témoignage donnera à réfléchir, en ces temps où le vacarme des bombes empêche toute pensée cohérente. Scarlett HADDAD
En ce dimanche soir printanier, la procession ne pouvait qu’attirer l’attention des nombreux promeneurs au centre-ville de Beyrouth. Des femmes en noir portant des bougies allumées, comme un souffle de vie dans l’obscurité mortelle, avancent lentement vers le bâtiment de l’Escwa. Ni cris ni slogans vengeurs, mais une sorte de recueillement, comme si ces femmes portaient à...