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INDUSTRIE - « Rétablir un niveau logique de coûts de production est un préalable » Fadi Abboud veut faire du Liban une société productive

Faire du Liban une société productive. Telle est l’ambition du président de l’Association des industriels, Fadi Abboud. Dans un entretien accordé à L’Orient-Le Jour, il explique comment il souhaite que le pays dépasse un certain culte de la « paresse », symbolisé par les panneaux publicitaires représentant un homme avec un gros cigare attendant d’encaisser les intérêts des bons du Trésor auxquels il a souscrit, et remette au goût du jour les vertus du travail et des « ongles noirs ». Pour Fadi Abboud, ce projet correspond à une urgence, si le Liban veut relever le défi de l’ouverture de ses frontières commerciales avec l’Union européenne, ses voisins arabes ou, plus globalement, dans le cadre de l’OMC. « Je n’entre pas dans l’opposition simpliste entre les adversaires des accords de libre-échange qui les assimilent à de l’impérialisme et leurs partisans selon lesquels le seul fait d’avoir signé un partenariat avec l’Union européenne va résoudre tous nos problèmes. » Le patron des industriels ne tombe pas non plus dans le travers de la « plainte perpétuelle » contre le gouvernement, selon l’expression du ministre de l’Économie, Bassel Fleyhane. « Je ne suis pas de ceux qui font porter l’incapacité du Liban à exporter sur tout le monde sauf le secteur privé », dit-il. Mais, ajoute-t-il d’emblée, « les industriels ne peuvent pas engager une bataille perdue d’avance ». En clair, s’il n’est pas question de réclamer des subventions ou une protection spécifique, les industriels demandent au moins à l’État de ne pas leur mettre des bâtons dans les roues. « Difficile de se concentrer sur l’augmentation de la qualité et de la productivité quand, en ce qui concerne les fondamentaux, on mène une guerre perdue d’avance. Rétablir un niveau logique de coûts de production est un préalable. Ensuite nous pourrons redéfinir les avantages compétitifs et comparatifs du Liban. » L’électricité la plus chère du monde Or, déplore le représentant des industriels, « ça fait cinq ans qu’on nous promet que la levée des barrières douanières s’accompagnera de la baisse des coûts de production sur lesquels nous n’avons pas de prise directe. Certes les droits de douane ont baissé, mais les coûts de l’électricité libanaise restent les plus élevés au monde ». Le kilowatt-heure acheté à Électricité du Liban coûte 12 cents contre une moyenne de quatre cents dans les pays développés, affirme Fadi Abboud. Avec la hausse récente des prix du mazout, le kilowatt-heure produit par les générateurs privés des industriels coûte désormais 10 cents. « Il n’y a pas de raison pour que les industriels supportent l’incapacité de l’État à réformer EDL », estime leur représentant. D’où la demande d’une « taxe sur l’énergie » qui serait appliquée provisoirement sur les produits importés dont la production nécessite une forte consommation d’électricité et qui ont un équivalent produit localement. « Grâce à cette taxe, nous proposons de créer un fonds de 30 millions de dollars pour subventionner les achats de carburant des industriels, à raison de 60 dollars la tonne. » Au coût élevé de l’électricité, s’ajoutent celui des services portuaires, le niveau élevé de la livre et des taux d’intérêt ainsi que le coût global du travail, poursuit Fadi Abboud. « Le coût effectif moyen du travail est de 410 dollars (le salaire minimum obligatoire de 200 dollars auquel s’ajoutent 44 dollars de cotisation sociale, 100 dollars de prime de transport et 66 dollars pour les bourses scolaires). » Le président de l’Association des industriels dénonce d’autres coûts « injustifiables » imposés aux producteurs comme la taxe payée sur les conteneurs de matières premières qui est de 150 dollars et sur les conteneurs de machines industrielles de 375 dollars. Autre sujet de revendication : le système fiscal. « Dans notre pays, celui qui crée un emploi est pénalisé alors que celui qui se contente de placer son argent en banque est tranquille. » Au-delà de ces disparités flagrantes, il existe une multitude de petits obstacles administratifs ou tarifaires qui entravent l’activité industrielle, révélant le fossé qui existe entre l’engagement sincère affiché par les autorités en faveur du développement du secteur et la réalité sur le terrain. Et Fadi Abboud de citer un exemple, « parmi des dizaines d’autres » : l’introduction de la TVA n’a pas été « neutre » pour l’industrie, comme promis par le gouvernement, déplore-t-il. Par exemple, dit-il, un fabricant d’huile d’olive paie la TVA sur le récipient dans lequel il la revend et ne récupère que la moitié de cette taxe. En revanche, un importateur d’huile d’olive est entièrement exempté de TVA, y compris pour la partie du prix correspondant au contenant. Autre exemple : « Il a fallu quatre ans pour que le ministère des Finances lève la taxe de 50 000 livres imposée sur les déclarations d’exportation. Or, en plus de cette taxe, on payait 50 000 livres de plus pour faire la formalité. Aujourd’hui, malgré l’annulation de la taxe, on nous dit que l’ordinateur n’accepte pas le zéro et qu’il faut donc s’acquitter de 1 000 livres de taxe au moins, ce qui signifie qu’au lieu de 100 000 livres on doit désormais payer 51 000 LL, c’est-à-dire qu’on nous oblige à maintenir le pourboire destiné à faciliter la formalité ! » Pour le président de l’Association des industriels, le seul moyen de lever ces tracasseries quotidiennes est de former un comité directement rattaché au Conseil des ministres chargé de résoudre des problèmes de ce type. Tracasseries quotidiennes Plus généralement, il faut créer une véritable culture de l’exportation dans le pays, dit-il. Cela commence par la connaissance des produits disponibles sur le marché. « Le président du Conseil est d’accord pour consacrer deux millions de dollars au financement de la participation de délégations libanaises dans les foires internationales. » Au chapitre des satisfactions, Fadi Abboud salue aussi la centralisation au sein du ministère de l’Industrie des formalités de demande de licences industrielles. Mais le combat de longue haleine ne sera pas gagné tant que la société libanaise ne sera pas convaincue du caractère « sacré » de l’industrie pour la création d’emplois. À cet égard, Fadi Abboud regrette que les industriels ne bénéficient pas d’un intérêt suffisant dans la presse. « L’abolition de certains droits de douane a conduit à la disparition de 6 000 emplois sur 15 000 dans le secteur du textile. J’aurai souhaité que ce problème suscite la même couverture médiatique que la question de la suppression de la protection des agences exclusives ! » Sibylle RIZK
Faire du Liban une société productive. Telle est l’ambition du président de l’Association des industriels, Fadi Abboud. Dans un entretien accordé à L’Orient-Le Jour, il explique comment il souhaite que le pays dépasse un certain culte de la « paresse », symbolisé par les panneaux publicitaires représentant un homme avec un gros cigare attendant d’encaisser les...