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CORRESPONDANCE - Au musée Condé, dans le cadre de Djazaïr Portraits croisés de Abd el-Kader et du duc d’Aumale(photos)

Paris – de Mirèse AKAR C’est une astuce de bon aloi que d’avoir acclimaté dans une graphie française le terme de Djazaïr pour désigner une Algérie qui sera célébrée ici tout au long de l’année par une nébuleuse de manifestations dont plus de 1 700 sont déjà annoncées : colloques, expositions, rétrospectives cinématographiques, représentations théâtrales, spectacles de danse, concerts de musique chaabi et arabo-andalouse, présence d’un pôle d’éditeurs algériens au prochain Salon du livre et de nombre des auteurs qu’ils publient dans le cadre des belles étrangères. Tout cela devait servir à une refondation de la coopération culturelle entre les deux pays qui, pour citer Dominique de Villepin, « ont besoin de se retrouver, de mettre des mots, des gestes, des images, des musiques sur ce qui, pendant trop longtemps, n’a pas été exprimé ». Harcèlement et compromis Si la comédie française a ouvert le feu en accueillant le grand Kateb Yacine, l’Ima nous propose en ce moment une émouvante série de photographies prises par le sociologue Pierre Bourdieu lors d’un séjour qu’il fit en Algérie de 1959 à 1961 et s’apprête à enchaîner en nous montrant, dans un tout autre genre, le travail du designer Abdi. C’est une exposition majeure, « Abd el-Kader et l’Algérie au XIXe siècle » qu’a programmée, jusqu’au 21 avril, le musée Condé à Chantilly. Avec, dans la salle du Jeu de Paume, les portraits croisés de deux personnalités hors du commun : l’émir Abd el-Kader (1822-1897) et, de 15 ans son cadet, le duc d’Aumale, quatrième fils de Louis-Philippe, et qui n’était donc pas né lorsque l’armée française a entamé, en 1830, la conquête de l’Algérie, sous domination ottomane depuis 1808. Proclamé émir et porté par son père à la tête de la résistance en 1832, Abd el-Kader, devenu de ce fait « commandeur des croyants », combattra farouchement les troupes ennemies, combinant avec une suprême habileté le harcèlement et le compromis, au point de réussir un temps à faire figure d’allié de la France, capable d’assurer la sécurité dans l’arrière-pays et de se faire octroyer, en 1834, la souveraineté sur toute l’Oranie. La Smalah Parti à 18 ans pour l’Algérie avec son frère aîné Henri d’Orléans et fasciné d’emblée par le Maghreb, le duc d’Aumale se voit chargé, en 1842, de mener à bien la reconquête du pays. Mais l’émir use d’une stratégie qui le rend insaisissable et le duc pourchasse en vain de longs mois ce nomade régnant sur la Smalah, une ville de tentes, capitale ambulante de plus de 40 000 personnes, organisée en cercles concentriques correspondant à la position hiérarchique des familles. C’est sa témérité, jointe à un coup de chance, qui permet au duc de s’emparer de ce bastion mouvant, le 16 mai 1843. Devenu hors la loi, Abd el-Kader se réfugie au Maroc avant de se livrer au général Lamoricière le 23 décembre 1847, à condition de pouvoir se rendre sur les lieux saints. L’accord est ratifié par le duc d’Aumale que la Révolution de 1848 a contraint lui-même à s’exiler à Londres. À partir de là, comment ne pas mettre en regard les destins de ces deux chefs de guerre qui se combattirent tout en s’admirant, car ils étaient d’abord des hommes de culture et des humanistes ? Surprenant à plus d’un égard se révèle Abd el-Kader qui s’établit en Syrie où il prend la défense des chrétiens en juillet 1860, ce qui lui vaut d’être décoré de la Légion d’honneur par Napoléon III. Puis qui adhère à la franc-maçonnerie et entreprend d’écrire des textes mystiques apparentés au soufisme. Une collection inestimable Mais le duc d’Aumale n’apparaît pas moins surprenant qui a gardé intacte sa passion pour le Maghreb et, dans son exil de Twinckenham, constitue une collection inestimable de livres, de manuscrits et de tableaux tout en travaillant à la rédaction d’ouvrages historiques. Le noyau d’origine de sa collection était en fait le butin recueilli lors de la prise de la Smalah, le pillage ayant alors duré plusieurs heures. À son retour en France, le duc consacre une aile de son château de Chantilly à ses trésors et, en 1884, fait don de l’ensemble à l’Institut de France qui inaugure le musée Condé en 1897. Fleuron de sa collection, la tente en toile écrue de l’émir – 8m de long sur 4 de haut – est en vedette dans la salle du Jeu de Paume. Près de 130 objets l’entourant dont une quarantaine de tableaux et de dessins orientalistes – notamment signés Delacroix et Horace Vernet – des objets personnels d’Abd el-Kader liés à l’art équestre, des meubles, des bijoux, des sceaux ainsi que 40 manuscrits montrés pour la première fois au public et qu’on retrouve dans le beau catalogue édité par Somogy. En 1897, le duc d’Aumale avait fait sa dernière acquisition de collectionneur : le portrait de Abd el-Kader peint vers 1864-1866 par Satnislas Chebowski. Et n’avait pu s’empêcher d’effacer la Légion d’honneur qu’arborait l’émir en s’expliquant ainsi de son geste : « Il a fait tuer trop de mes soldats ! »
Paris – de Mirèse AKAR C’est une astuce de bon aloi que d’avoir acclimaté dans une graphie française le terme de Djazaïr pour désigner une Algérie qui sera célébrée ici tout au long de l’année par une nébuleuse de manifestations dont plus de 1 700 sont déjà annoncées : colloques, expositions, rétrospectives cinématographiques, représentations théâtrales, spectacles de...