Rechercher
Rechercher

Actualités

Les ultras ne désarment toujours pas

Les semaines se suivent et ne se ressemblent pas dans l’euphorie. Samedi, on baignait encore dans l’euphorie d’un concert de louanges réciproques. Les évêques étaient ovationnés pour avoir applaudi le discours d’Assad à Charm el-Cheikh. On ne tarissait pas d’éloges dithyrambiques pour les positions du pape et du cardinal. Hier, lundi, de premières voix discordantes se sont fait entendre. Un ministre influent a en effet fustigé, en privé, les étonnants thuriféraires qui couvrent soudain Bkerké de fleurs après l’avoir naguère abreuvé d’injures. Certes, les cercles cléricaux s’étaient déjà, discrètement, déclarés surpris de tels retournements, en soulignant que le patriarcat ne changeait jamais ses constantes. Mais ce n’est pas du tout dans le même sens que ce ministre engagé exprime ses critiques à l’encontre de l’Est repenti. Pour lui, il y a en quelque sorte un lâchage par rapport à ce qu’il appelle les positions nationales. Et il précise que Bkerké reste après tout le parrain de Kornet Chehwane, groupe accusé de collusion avec des pôles américains notoirement hostiles à la Syrie. Groupe qui mise aussi, ajoute ce ministre, sur des changements que les États-Unis initieraient dans la région après en avoir fini avec Saddam Hussein. En vertu du principe des vases contraires communicants, cette attitude en flèche fait un peu écho aux réaffirmations indépendantistes, en Amérique même, du général Aoun. Cependant, les modérés des deux bords, largement majoritaires, se retrouvent pour soutenir qu’il faut procéder à une bonne lecture du manifeste épiscopal. C’est-à-dire que la portée de ce communiqué, très clair, n’est qu’accessoirement locale. Et qu’on ne doit donc pas l’exploiter dans le jeu politique traditionnel interlibanais. À l’Est, dans le droit fil des éclaircissements cléricaux mentionnés plus haut, on insiste : nul ne doit voir dans la proclamation épiscopale un changement de cap. Les constantes d’indépendance et de souveraineté sont toujours souveraines. L’application de Taëf (entendre le départ syrien), une revendication qui ne se démentira jamais. Cependant, on entend quand même certains répéter que, loin de clouer le communiqué épiscopal sur une cimaise baptisée région, il convient d’en profiter pour lancer un dialogue national. Walid Joumblatt est de cet avis. Il devrait s’en ouvrir aujourd’hui à Baabda lors de la visite qu’il doit y effectuer à la tête de son bloc parlementaire. Selon des sources informées, le leader de la montagne aurait l’intention de prier le chef de l’État, qui sait toujours saisir les occasions historiques, régionales ou internationales, à en faire de même sur le plan local. Car le pays, dans toutes ses composantes, se voit offrir une chance de changer de direction. Joumblatt estime que la balle est dans le camp du pouvoir, après le signal fort lancé par les évêques, en vue d’ouverture en direction du dialogue et de l’entente. Mais, justement, nombre de pôles réputés proches du régime ne l’entendent pas de cette oreille. Ils soutiennent qu’un dialogue n’aurait pas de sens avant que la situation régionale ne se décante. Et ils sont objectivement rejoints par des opposants pour qui Bkerké n’a pas vocation de négocier en matière politique. D’une part parce que de toute évidence, le jeu de partage ne l’intéresse pas. D’autre part, parce que les constantes nationales qu’il défend ne sont tout simplement pas négociables. Sans compter que le siège patriarcal doit garder sa liberté de mouvement, pour critiquer et faire écho aux plaintes comme aux aspirations de l’ensemble de la nation libanaise. Quoi qu’il en soit, le comité de suivi du Rassemblement parlementaire de concertation a parlé du dialogue avec le chef de l’État. Qui a répondu en indiquant que les portes de Baabda sont ouvertes devant qui le désire. Ajoutant que des parties qui misent sur des changements régionaux se mettent d’elles-mêmes sur la touche, ce qui est une claire allusion à des courants chrétiens déterminés. Le président de la République, selon ses visiteurs, a précisé que ses liens avec Bkerké ne signifient pas nécessairement qu’il veuille prendre langue avec des forces politiques considérées comme proches du siège patriarcal. C’est-à-dire qu’il n’est toujours pas question de dialoguer avec Kornet Chehwane, rayé de la liste depuis sa propre prise de position contre les échanges avec le régime, suite à l’affaire de la MTV. Signalons qu’Élie Ferzli s’est dévoué pour une mission nationale de contacts, en invitant toutes les parties à se rassembler autour de la légalité dans ces circonstances. Il précise qu’en tant que membre du RPDC, il est de son devoir de militer pour la ligne que dirige le président Lahoud et pour contrer toutes les tentatives visant à propager la désunion ainsi qu’à porter atteinte à l’alliance avec la Syrie. Le vice-président de la Chambre a demandé au président Lahoud de lui accorder une audience en compagnie de figures de proue de l’opposition, pour nouer le contact en vue d’un dialogue. Le chef de l’État a répondu positivement, en précisant toutefois que c’est à titre individuel qu’il recevrait les opposants et non pas en tant que représentants de Kornet Chehwane. Ferzli s’est rendu à Bkerké après le communiqué des évêques, pour entamer ses démarches de conciliation. Il a vu deux membres de KC, les députés Mansour el-Bone et Farès Souhaid. À ce stade cependant, l’opposition pose toujours une condition préliminaire : la réouverture de la MTV. En rappelant que c’est elle qui avait pris l’initiative de parler avec le pouvoir, qui lui a répondu en fermant la chaîne de télévision. Pour tout dire, le communiqué des évêques n’a pas suffi pour jeter un véritable pont entre le régime et l’Est. Parce que Baabda veut bien voir dans Bkerké un recours mais n’en dit pas autant de Kornet Chehwane. Du reste, les responsables, soulignent des ministres, veulent traiter avec le patriarcat indépendamment du manifeste épiscopal, surtout lorsqu’il s’agit des rapports avec la Syrie. Philippe ABI-AKL
Les semaines se suivent et ne se ressemblent pas dans l’euphorie. Samedi, on baignait encore dans l’euphorie d’un concert de louanges réciproques. Les évêques étaient ovationnés pour avoir applaudi le discours d’Assad à Charm el-Cheikh. On ne tarissait pas d’éloges dithyrambiques pour les positions du pape et du cardinal. Hier, lundi, de premières voix discordantes se...