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ENVIRONNEMENT - Journée nationale pour la protection d’un remarquable sanctuaire de biodiversité Huit réserves exceptionnelles pour témoigner de la splendeur naturelle du Liban(photos)

Elles sont huit aujourd’hui à témoigner de la splendeur naturelle du Liban. Les réserves naturelles n’existent pas depuis longtemps, elles ne sont pas toujours reconnues à leur juste valeur, mais le concept a fait du chemin. À l’occasion de la Journée nationale des réserves naturelles, ce lundi, L’Orient-Le Jour dresse un bilan de la situation de ces beaux sites, de leur évolution depuis la date de leur classement, ainsi que de la stratégie future du ministère de l’Environnement qui propose un texte de loi et envisage d’intégrer de nouvelles régions dans sa liste d’endroits protégés. Les sites classés réserve naturelle par des lois sont donc huit au Liban: Horch Ehden (Liban-Nord), les cèdres du Chouf (Mont-Liban), les îles des Palmiers (Tripoli, Liban-Nord), la plage de Tyr (Liban-Sud), la forêt de Tannourine (Liban-Nord), Bentaël (Jbeil), Yammouné (Békaa, Baalbeck). La huitième réserve, Karm Chbat (Akkar, Liban-Nord), vient d’être créée par décision ministérielle. De ces huit sites, seuls quatre ont été dotés d’une gestion (plus ou moins efficace, plus ou moins ancienne): Horch Ehden, les cèdres du Chouf et les îles des Palmiers (ces trois-là ont bénéficié depuis 1997 d’un financement par le Programme des Nations unies pour le développement, en collaboration avec le ministère de l’Environnement, qui fait des contributions financières annuelles), et la plage de Tyr (plus récente). L’approbation vient d’être obtenue pour le financement par le Programme des Nations unies pour l’environnement (Pnue) d’un plan de gestion pour la forêt de Tannourine. Par ailleurs, il faut préciser que tous les sites dits « protégés » ne sont pas des réserves. En effet, selon une loi élaborée par le ministère de l’Agriculture et antérieure à la création des réserves, toute forêt de cèdres, de chênes, de sapins de Cilicie et de genévriers (ou tout autre arbre devenu rare ou exceptionnel), est considérée comme protégée. Cela veut dire que l’abattage d’arbres y est interdit, et que le ministère assure, en principe, des gardes-forestiers sur le site. Le concept de réserve naturelle est bien plus complexe et plus vaste: d’une part, il ne s’agit pas nécessairement d’une forêt (en témoignent les deux réserves maritimes de Tyr et de Tripoli), mais toujours d’un sanctuaire de biodiversité remarquable. D’autre part, il suppose la mise en place d’une véritable stratégie de gestion, et la création d’une équipe de travail spécialisée et d’une infrastructure appropriée. Selon les besoins du site et son état, il sera soit fermé au public (entièrement ou partiellement), soit ouvert aux visiteurs, soit en partie réservé à l’agriculture biologique. Il va de soi qu’un même site peut être protégé par deux lois simultanément (quand, par exemple, il s’agit d’une forêt protégée et classée réserve). Les équipes des quatre réserves bénéficiant déjà d’une gestion sont formées d’un directeur, de son assistant, de guides et de gardiens. Plus le budget de l’équipe est élevé, plus on trouve de guides et de gardiens sur le site, naturellement. L’infrastructure consiste en la création de sentiers de randonnées avec divers niveaux de difficulté, d’un bureau d’informations, de panneaux explicatifs, accessoirement d’un musée ou d’une boutique de souvenirs, etc. Le problème de financement hante continuellement les esprits, surtout quand le délai des programmes mis en place par les organisations internationales vient à expiration. Des réserves dans les propriétés privées ? Des abus, malheureusement, sont commis dans l’enceinte des réserves naturelles telle la chasse illégale, par exemple, comme le reconnaît Nancy Awad, spécialiste des réserves naturelles au ministère de l’Environnement, et ce, malgré la fermeté de la loi à cet égard. À ce propos, elle insiste sur l’importance de convaincre les populations environnantes de la nécessité de protéger le site, parce qu’elles sont les meilleures garantes de sa sécurité à long terme. «À titre d’exemple, au Chouf, les habitants assuraient la protection de la forêt longtemps avant son classement officiel, raconte-t-elle. Dans le voisinage de certains sites que nous envisageons d’inclure dans la liste de réserves, nous nous sommes heurtés à l’incompréhension de populations habituées à considérer la forêt comme une partie de leur village et un moyen d’assurer une subsistance. Il faut alors prendre le temps de les convaincre du bien-fondé de la protection du site et les inclure dans la gestion. » Par ailleurs, la création de réserves naturelles doit être nécessairement régie par une loi. Un texte est actuellement en préparation, qui devrait servir de cadre dans ce domaine. «Un pareil texte de loi, élaboré entre nos murs, est envoyé aux différentes administrations concernées qui émettent leurs remarques et nous le renvoient», explique Mme Awad. La nouvelle loi apporte une série de changements majeurs au système de création et de gestion des réserves tel qu’on l’a connu jusqu’à présent. Ainsi, la protection des sites ne se fera plus en vertu d’une loi, comme c’est le cas actuellement, mais par le vote d’un simple décret, ce qui raccourcira considérablement les démarches. D’un autre côté, il sera possible de créer des réserves naturelles sur des terrains privés, ce qui est encore impossible aujourd’hui. Enfin, il sera permis aux directions des réserves de percevoir un droit d’entrée auprès des visiteurs. Il faut signaler que ces deux dernières questions constituent des sujets de débat entre les différentes administrations, mais leur présence dans le cadre de la loi n’est pas contestée malgré des «modifications mineures au texte original», selon Mme Awad. Pour ce qui est de l’instauration d’une réserve naturelle sur une propriété privée, elle se fait évidemment avec l’approbation et la collaboration des propriétaires. Ce n’est qu’en dernier recours qu’intervient l’expropriation. La perception de droits d’entrée, quant à elle, a fait l’objet du débat suivant: ces fonds devraient-ils, comme tout argent public, être transférés au ministère des Finances qui se charge de les redistribuer ensuite aux gestionnaires des réserves? Ou devraient-ils revenir directement à la direction du site? Le ministère de l’Environnement s’appuie sur un article du code adopté l’année dernière, stipulant la création d’une caisse spéciale pour l’environnement, afin d’exiger que les droits d’entrée parviennent directement à la réserve sans routine administrative. Par ailleurs, le ministère de l’Environnement a adopté une stratégie en matière de création de réserves. «Nous recevons en général les demandes de classement par des personnes ou des groupes concernés par un site donné, explique Mme Awad. Comme première étape, nous envoyons des experts chargés d’évaluer si, à première vue, ce site présente un écosystème unique qu’il faut préserver. Pour l’instant, le rapport scientifique doit s’accompagner de preuves que cet endroit est situé sur des terres publiques et que la communauté environnante est favorable à sa préservation.» C’est en cas d’opposition que les choses se gâtent. Officiels et société civile tentent alors de persuader les collectivités locales, sans l’appui desquelles tout effort de protection est inutile, de se rallier à leur idée. Cette nouvelle loi sera un pas de plus en direction de la consécration du principe de protection des sites exceptionnels. Combien de temps faudra-t-il pour que les mentalités (à tous les niveaux de l’administration officielle et du peuple) évoluent de la même façon ? Suzanne BAAKLINI Les cèdres du Chouf, Horch Ehden et les îles des Palmiers : entre « success story » et charmant désordre C’est en 1992 que les deux premières réserves ont été établies à Horch Ehden et aux îles des Palmiers. Ces deux sites, ainsi qu’un troisième, les cèdres du Chouf, proclamé réserve en 1996, ont bénéficié d’un programme de financement, lancé par le ministère de l’Environnement en collaboration avec le Programme des Nations unies pour le développement (Pnud). Cela leur a permis de développer un plan de gestion et une infrastructure dans les sites. Le programme, initialement prévu pour cinq ans, a été prolongé d’un an jusqu’à la fin de 2003. De toutes les réserves du Liban, celle des cèdres du Chouf (plus de 15 000 hectares) est la plus vaste. D’une beauté à couper le souffle, elle est dotée d’une remarquable biodiversité. Malheureusement, environ 5% seulement de sa superficie est toujours couverte de cèdres. Mais la fermeture du site aux agressions, notamment aux pâturages, a eu pour effet une nouvelle régénération de cette forêt. En terme de gestion, la réserve des cèdres du Chouf est une remarquable « success story ». La dynamique équipe de l’Association des cèdres du Chouf, fondée en 1994, deux ans avant l’acquisition de statut de réserve, a réalisé plusieurs travaux: sentiers à différents niveaux, bureau d’information, petit musée, panneaux explicatifs, centre culturel pour les jeunes, vente de produits du terroir dans les environs... Les gestionnaires perçoivent des donations des visiteurs (qui se comptent par dizaines de milliers), ne pouvant imposer des droits d’entrée. La réserve des cèdres du Chouf constitue la limite sud de la présence du « Cedrus Libani » dans le monde. Elle comporte six forêts principales dont trois particulièrement remarquables: celle du Barouk (400 hectares), celle de Maasser Chouf (6 hectares) et Bmohray-Aïn Zhalta (100 hectares). On y a recensé 200 espèces d’oiseaux dont 19 en danger, 26 espèces de mammifères dont 6 menacées, 524 espèces végétales dont 32 portent l’adjectif « libanais », 16 espèces d’arbres dont 6 en voie de disparition, 30 endémiques du Liban et plus de 60 caractéristiques des pays de la région. Le vert et le bleu Toutefois, la réserve naturelle qui détient la palme de la biodiversité, c’est l’exquise Horch Ehden. Dans cette typique forêt méditerranéenne, les cèdres côtoient les sapins de Cilicie, les chênes de toutes sortes, les genévriers, les pommiers sauvages... en un charmant désordre. Ce site de plus de mille hectares dont quelque 450 sont boisés comporte 1030 espèces végétales (40% de toutes les espèces trouvées au Liban) dont 10 endémiques du site, 100 dont le nom porte l’adjectif « libanais », 75 plantes médicinales et 39 espèces d’arbres (dont les derniers pommiers sauvages au Liban). Il compte aussi 26 espèces de mammifères, 157 espèces d’oiseaux, 300 de champignons, 200 de reptiles. Depuis la protection du site, les observateurs ont remarqué le retour d’un grand nombre d’animaux comme les sangliers, les chats sauvages, les loups... L’association des Amis de Horch Ehden, qui assure la gestion de la réserve, a choisi la stratégie de la non-intervention. Mais une fois le programme financé par le Pnud terminé, le spectre des difficultés financières ne manquera pas de hanter les organisateurs. Les îles des Palmiers sont, comme leur nom l’indique, un site marin. Ce groupe d’îles au large de Tripoli était communément appelé « îles aux lapins » depuis qu’une large communauté de ces animaux a été introduite dans les années 50, causant une catastrophe écologique en détruisant des plantes rares qui s’y trouvaient. Aujourd’hui, les îles ne sont plus habitées, mais des restes de poterie, un puits d’eau fraîche, d’anciennes salines et une église construite au temps des croisés sont les preuves de la colonisation humaine passée. On accède à la réserve après un trajet en bateau de 30 minutes à partir de Mina. Le site est formé des îles de Sanani (4 hectares), Ramkine (1,6 hectare) et l’île des Palmiers (20 hectares), ainsi que de 500 mètres de surface d’eau de mer environnante. Vu son importance, la réserve a été proclamée «zone méditerranéenne spécialement protégée» dans le cadre de la Convention de Barcelone, et «zone importante pour les oiseaux» par « Birdlife ». Les belles plages des îles sont utilisées par les tortues de mer pour la ponte de leurs œufs. Les phoques-moines, une espèce très menacée, recommence à visiter le site et pourraient s’y réétablir un jour. Certaines parties de la réserve sont ouvertes au public durant l’été. Mais le reste de l’année, elle redevient un sanctuaire pour les merveilles de la nature. La belle plage de Tyr, les marécages de Ammick : sanctuaires pour les oiseaux migrateurs En novembre 1998, le classement de la plage de sable de Tyr a sauvé l’une des dernières belles parties du littoral libanais de la destruction par l’urbanisation massive. Aujourd’hui, 3,8 kilomètres carrés de littoral, et en mer jusqu’à une profondeur de 500 à 800 mètres, sont protégés, mais pas de manière absolue, malheureusement. Même si le danger du béton a été écarté, en été, les nombreux baigneurs ne respectent pas vraiment les règles de protection de la réserve. Beaucoup de petits cafés prolifèrent le long de la plage, des parkings y sont créés, le sable y est déplacé, l’eau et le sable sont pollués par divers types de déchets... L’importance de la plage de Tyr réside dans le fait qu’elle abrite un grand nombre d’animaux en danger comme la tortue de mer. Les observateurs ont remarqué avec satisfaction le retour de la tortue sur ce site, qui compte aussi des espèces endémiques. La réserve est par ailleurs un sanctuaire pour oiseaux migrateurs. Dans le prolongement de la plage se trouve la fameuse source de Ras al-Aïn, utilisée pour l’irrigation depuis l’époque des Phéniciens. On y trouve aujourd’hui des piscines construites au temps des Romains. À l’endroit où l’eau douce rejoint l’eau de mer, une zone très riche en espèces marines s’est développée. La portion de plage devant Ras al-Aïn est fermée au public. La réserve de Tyr, qui a aujourd’hui un début de plan de gestion, bénéficie depuis un certain temps d’un financement dans le cadre d’un programme appelé « MedWet », spécialement conçu pour les régions humides. Mais elle n’est pas la seule. Un autre site, les marécages de Ammick, est également inclus dans le même programme. Ce dernier site est d’une importance internationalement reconnue (notamment par la Convention Ramsar pour les zones humides, par « Wetlands International » et par « Birdlife »), non seulement pour sa grande beauté ou pour le fait qu’il contienne les seuls marécages restants du Liban et du Moyen-Orient, mais parce qu’il constitue un passage obligé pour un grand nombre d’oiseaux migrateurs. Après des années d’abus, de chasse incontrôlée, d’utilisation abusive de l’eau, notamment pour l’irrigation, le site de Ammick, ou du moins une très grande partie, fait l’objet d’une initiative privée de réhabilitation écologique réussie (interdiction de la chasse, rationalisation de l’utilisation des ressources aquatiques...). L’idée de faire de Ammick une réserve naturelle est sur le tapis depuis longtemps, mais elle attend le vote de la nouvelle loi qui permettra la protection des propriétés privées. Plan de gestion pour la forêt de cèdres de Tannourine Trois sites, d’une beauté qui n’a rien à envier aux autres réserves, ont été ajoutés à la liste des endroits protégés par le ministère de l’Environnement, en vertu de lois : la forêt de cèdres de Tannourine (Liban-Nord), le jurd de Yammouné (Baalbeck) et l’imposante pinède de Bentaël (hauteurs de Jbeil). Ce qui les différencie de leurs consœurs du Chouf, d’Ehden, de Tripoli et de Tyr, c’est qu’aucun plan de gestion n’y a encore été implanté, bien que Tannourine soit appelée à bénéficier bientôt d’une aide du Programme des Nations unies pour l’environnement (Pnue). Tannourine n’est rien moins que la plus grande forêt de cèdres qui reste au Liban (1205 hectares). Mais ce site a longtemps souffert des attaques répétées d’un insecte inconnu jusqu’alors, et qui a représenté une menace très sérieuse pour la vie des arbres. Bien que les campagnes de pulvérisation de pesticides menées par le ministère de l’Agriculture en collaboration avec la FAO aient porté leurs fruits, le phénomène reste largement inexpliqué, et la crainte de voir resurgir l’insecte ravageur n’a pas disparu. Le budget du Pnue permettra d’instaurer un système de gestion et de contrôle dans ce site d’une grande importance. Si la pinède méditerranéenne typique de Bentaël n’a été classée réserve naturelle qu’en 1999, elle n’en constitue pas moins la région protégée la plus ancienne du Liban. Comment ? Les habitants des régions environnantes ont entamé une initiative populaire de protection de leur belle forêt dès... 1981. Un bel exemple de sensibilisation écologique collective. La réserve de 228 hectares se trouve sur le versant d’une vallée, sur une pente très inclinée. Elle n’est pas encore prête à recevoir les visiteurs. La région de Yammouné est principalement formée d’une zone aride, parsemée de genévriers très anciens qui constituent sa particularité. Une autre des caractéristiques de cette réserve de 2100 hectares environ, ce sont les poissons endémiques du Liban, les « Phoxinellus libani », devenus extrêmement rares, que l’on trouve dans ses cours d’eau.
Elles sont huit aujourd’hui à témoigner de la splendeur naturelle du Liban. Les réserves naturelles n’existent pas depuis longtemps, elles ne sont pas toujours reconnues à leur juste valeur, mais le concept a fait du chemin. À l’occasion de la Journée nationale des réserves naturelles, ce lundi, L’Orient-Le Jour dresse un bilan de la situation de ces beaux sites, de leur...