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Société - Le café-philo : une nouvelle formule pour les échanges et le débat Penser, oser et le dire en public (photos)

C’est pour dénoncer trois principes destructeurs, « la jouissance », « l’obéissance aveugle » et « la mort de la pensée » que Joumana Hayek, professeur de philosophie, a décidé depuis quelque temps d’entraîner ses élèves dans ce que l’on appelle les cafés-philo. Objectif : susciter chez les jeunes une réflexion approfondie sur des thèmes philosophiques qui les concernent directement. « Nous ne pensons qu’à trois choses : à jouir – un réflexe que nous inspire une société de consommation de plus en plus débridée –, à obéir aux décisions qui nous sont dictées sans aucune remise en question et, enfin, à mémoriser sans effort de réflexion. Voilà à quoi se réduit notre vie contemporaine », affirme Mme Hayek. Pour cette enseignante, la jeunesse d’aujourd’hui a besoin d’une « nourriture » autrement plus stimulante, celle qui provient de la méditation, un ingrédient qui manque dans notre société actuelle. D’où le choix du thème philosophique qui a été débattu hier – « Faut-il penser ? » –, un sujet qui a suscité l’intérêt d’une trentaine d’élèves venus de plusieurs établissements scolaires, accompagnés de leurs professeurs respectifs de philosophie. Répandu en France, le concept de café-philo consiste à animer, dans un lieu public – café, restaurant ou pub –, une discussion approfondie autour d’un thème précis. L’idée, qui commence tout juste à se développer au Liban, a été saisie au vol par Mme Hayek qui a vu là un moyen idéal de sortir l’enseignement académique des sentiers battus. « J’ai voulu faire éclater les murs de l’école pour permettre aux élèves de réfléchir sur des questions qui les intéressent, l’objectif ultime étant de faire revivre la pensée », affirme-t-elle, soulignant que dans ce monde utilitariste et pragmatique, « les gens ne pensent plus ». Après avoir tenté une première expérience avec un nombre restreint d’élèves, l’enseignante a récidivé en invitant les élèves et les professeurs de trois établissements – Mont La Salle, Saints-Cœurs, Lycée français – à prendre part à cette « célébration de la pensée » comme elle dit. Dans une ambiance bon enfant mais néanmoins sérieuse, étudiants et professeurs se sont prêtés au jeu pendant deux heures et demie, en s’aventurant le plus loin possible dans les labyrinthes de la réflexion philosophique. Pourquoi pensons-nous ? Dans quel but ? La pensée est-elle une faculté innée chez l’être humain ? Est-elle source de bonheur ou plutôt de souffrance ? Des questions qui ont servi de point de départ à des débats, parfois houleux, qui ont animé les locaux d’un petit café à Badaro. « Il faudra voir tout d’abord s’il y a des sujets qui valent la peine d’être pensés. Après tout, la pensée ne peut pas porter sur tout », affirme Lina devant ses camarades de classe. Si, pour quelques-uns, la pensée est « sélective », elle est « intuitive ou conceptuelle » pour d’autres. Elle est également le fruit d’une « recherche » approfondie, comme le fait remarquer Nagi, qui a choisi de se fonder sur une définition du Robert. Hitler et Bush « Le mot provient du verbe peser. Il s’agit donc de raisonner et de réfléchir pour peser le pour ou le contre, le vrai et le faux. Bref, cela revient à vérifier la validité des arguments en jeu », souligne l’un des professeurs. May Haddad, enseignante à la faculté de médecine de l’USJ, relie pensée et éthique, mettant en garde contre « les risques que la science ne mène l’homme à sa perte s’il ne pensait pas ». « Les chercheurs pensent le devenir du monde », souligne l’intervenante. Roni reprend le flambeau pour faire un constat existentiel. « C’est, dit-il, l’existence tout entière qui est sous-jacente à la pensée. » « Sans pensée, que devient l’existence ? », se demande le jeune homme de 17 ans. C’est vers une réflexion plus politique que Joe Bakhos, également professeur de philosophie, oriente le débat lorsqu’il clame haut et fort que ce sont ceux qui pensent qui malheureusement dominent le monde. Évoquant les dérives de certains « dictateurs » comme Adolf Hitler « auquel George W. Bush a emboîté le pas », M. Bakhos dénonce l’attitude des « autres », qu’il qualifie d’« individus téléguidés », ceux qui ne font que « suivre » parce qu’ils ont renoncé à penser, dit-il. « Il est temps de dire oui au bien et non au mal, et d’utiliser la pensée pour devenir, non pas plus riche, mais plus heureux », affirme l’enseignant. Ce à quoi un élève réagit en affirmant qu’il ne faut pas oublier que c’est la pensée qui confère à l’homme une certaine « supériorité qu’il doit exploiter à bon escient ». Au centre, la modératrice – qui n’intervient que rarement pour résumer, récapituler et relancer le débat – rappelle sans cesse à son auditoire qu’elle n’est pas là pour donner des réponses toutes faites. « J’ai voulu les laisser face à leurs propres questionnements. C’est ce que j’appelle le début du cheminement intérieur », précise Joumana Hayek. Il ne s’agit surtout pas de leur donner des méthodes ou des recettes à penser, ajoute-t-elle. « Penser, c’est oser », rappelle l’un des professeurs présents en citant Alain. Une manière de faire allusion au courage de ces élèves qui ont relevé le défi en « osant » : méditer, réfléchir et communiquer tout haut des pensées formulées dans un cadre inhabituel. « C’est une expérience inédite, qui nous a donné l’occasion de nous exprimer sur des sujets qui ne sont pas très communs, même si certains n’avaient, au départ, aucune opinion précise sur le thème en question », témoigne Zeina, une écolière. Évoquant la symbiose qui a été créée entre deux générations différentes – les professeurs et les étudiants –, Afaf Assaf, professeur de philosophie au Grand Lycée, souligne les avantages de cette méthode pédagogique. « Ici ne viennent que ceux qui ont véritablement envie de penser. Ce sont tous des volontaires », dit-elle. Proviseur adjoint au Grand Lycée, Zémori Marcelline reconnaît qu’il s’agit d’une excellente initiative « qui a permis aux élèves de sortir des méthodes intellectuelles académiques » en leur donnant le goût de la réflexion. « Prochain rendez-vous, dans un mois », promet Joumana Hayek en annonçant le thème de la rencontre à venir : « Les enjeux de la démocratie ». Jeanine Pour cette enseignante, la jeunesse d’aujourd’hui a besoin d’une « nourriture » autrement plus stimulante, celle qui provient de la méditation, un ingrédient qui manque dans notre société actuelle. D’où le choix du thème philosophique qui a été débattu hier – « Faut-il penser ? » –, un sujet qui a suscité l’intérêt d’une trentaine d’élèves venus de plusieurs établissements scolaires, accompagnés de leurs professeurs respectifs de philosophie. Répandu en France, le concept de café-philo consiste à animer, dans un lieu public – café, restaurant ou pub –, une discussion approfondie autour d’un thème précis. L’idée, qui commence tout juste à se développer au Liban, a été saisie au vol par Mme Hayek qui a vu là un moyen idéal de sortir l’enseignement académique des sentiers battus. « J’ai voulu faire éclater les murs de l’école pour permettre aux élèves de réfléchir sur des questions qui les intéressent, l’objectif ultime étant de faire revivre la pensée », affirme-t-elle, soulignant que dans ce monde utilitariste et pragmatique, « les gens ne pensent plus ». Après avoir tenté une première expérience avec un nombre restreint d’élèves, l’enseignante a récidivé en invitant les élèves et les professeurs de trois établissements – Mont La Salle, Saints-Cœurs, Lycée français – à prendre part à cette « célébration de la pensée » comme elle dit. Dans une ambiance bon enfant mais néanmoins sérieuse, étudiants et professeurs se sont prêtés au jeu pendant deux heures et demie, en s’aventurant le plus loin possible dans les labyrinthes de la réflexion philosophique. Pourquoi pensons-nous ? Dans quel but ? La pensée est-elle une faculté innée chez l’être humain ? Est-elle source de bonheur ou plutôt de souffrance ? Des questions qui ont servi de point de départ à des débats, parfois houleux, qui ont animé les locaux d’un petit café à Badaro. « Il faudra voir tout d’abord s’il y a des sujets qui valent la peine d’être pensés. Après tout, la pensée ne peut pas porter sur tout », affirme Lina devant ses camarades de classe. Si, pour quelques-uns, la pensée est « sélective », elle est « intuitive ou conceptuelle » pour d’autres. Elle est également le fruit d’une « recherche » approfondie, comme le fait remarquer Nagi, qui a choisi de se fonder sur une définition du Robert. Hitler et Bush « Le mot provient du verbe peser. Il s’agit donc de raisonner et de réfléchir pour peser le pour ou le contre, le vrai et le faux. Bref, cela revient à vérifier la validité des arguments en jeu », souligne l’un des professeurs. May Haddad, enseignante à la faculté de médecine de l’USJ, relie pensée et éthique, mettant en garde contre « les risques que la science ne mène l’homme à sa perte s’il ne pensait pas ». « Les chercheurs pensent le devenir du monde », souligne l’intervenante. Roni reprend le flambeau pour faire un constat existentiel. « C’est, dit-il, l’existence tout entière qui est sous-jacente à la pensée. » « Sans pensée, que devient l’existence ? », se demande le jeune homme de 17 ans. C’est vers une réflexion plus politique que Joe Bakhos, également professeur de philosophie, oriente le débat lorsqu’il clame haut et fort que ce sont ceux qui pensent qui malheureusement dominent le monde. Évoquant les dérives de certains « dictateurs » comme Adolf Hitler « auquel George W. Bush a emboîté le pas », M. Bakhos dénonce l’attitude des « autres », qu’il qualifie d’« individus téléguidés », ceux qui ne font que « suivre » parce qu’ils ont renoncé à penser, dit-il. « Il est temps de dire oui au bien et non au mal, et d’utiliser la pensée pour devenir, non pas plus riche, mais plus heureux », affirme l’enseignant. Ce à quoi un élève réagit en affirmant qu’il ne faut pas oublier que c’est la pensée qui confère à l’homme une certaine « supériorité qu’il doit exploiter à bon escient ». Au centre, la modératrice – qui n’intervient que rarement pour résumer, récapituler et relancer le débat – rappelle sans cesse à son auditoire qu’elle n’est pas là pour donner des réponses toutes faites. « J’ai voulu les laisser face à leurs propres questionnements. C’est ce que j’appelle le début du cheminement intérieur », précise Joumana Hayek. Il ne s’agit surtout pas de leur donner des méthodes ou des recettes à penser, ajoute-t-elle. « Penser, c’est oser », rappelle l’un des professeurs présents en citant Alain. Une manière de faire allusion au courage de ces élèves qui ont relevé le défi en « osant » : méditer, réfléchir et communiquer tout haut des pensées formulées dans un cadre inhabituel. « C’est une expérience inédite, qui nous a donné l’occasion de nous exprimer sur des sujets qui ne sont pas très communs, même si certains n’avaient, au départ, aucune opinion précise sur le thème en question », témoigne Zeina, une écolière. Évoquant la symbiose qui a été créée entre deux générations différentes – les professeurs et les étudiants –, Afaf Assaf, professeur de philosophie au Grand Lycée, souligne les avantages de cette méthode pédagogique. « Ici ne viennent que ceux qui ont véritablement envie de penser. Ce sont tous des volontaires », dit-elle. Proviseur adjoint au Grand Lycée, Zémori Marcelline reconnaît qu’il s’agit d’une excellente initiative « qui a permis aux élèves de sortir des méthodes intellectuelles académiques » en leur donnant le goût de la réflexion. « Prochain rendez-vous, dans un mois », promet Joumana Hayek en annonçant le thème de la rencontre à venir : « Les enjeux de la démocratie ». Jeanine JALKH
C’est pour dénoncer trois principes destructeurs, « la jouissance », « l’obéissance aveugle » et « la mort de la pensée » que Joumana Hayek, professeur de philosophie, a décidé depuis quelque temps d’entraîner ses élèves dans ce que l’on appelle les cafés-philo. Objectif : susciter chez les jeunes une réflexion approfondie sur des thèmes philosophiques qui les...