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BANQUES - La BDL souhaite la prorogation d’un système qui a préservé, selon elle, trois milliards de dollars de dépôts La loi sur les fusions introduit des distorsions

La récente affaire de la banque al-Madina relance le débat sur l’opportunité de prolonger la loi sur la promotion des fusions bancaires souhaitée par la Banque centrale et l’Association des banques du Liban. Adoptée en 1993 et prolongée une première fois en 1998, la loi est arrivée à échéance en 2002, en attendant une décision pour son éventuelle reconduction. Ce vide juridique ainsi que la volonté apparente de Adnan Abou Ayache de conserver la propriété de sa banque expliquent en partie la tournure prise par l’affaire al-Madina, commente un banquier qui a requis l’anonymat. « Le gouverneur de la Banque centrale a obligé l’actionnaire principal à verser plusieurs centaines de millions de dollars pour renflouer la banque. Si la loi était en vigueur, on aurait trouvé une banque pour racheter al-Madina et la Banque centrale aurait octroyé un prêt pour absorber les pertes. » La loi sur les fusions bancaires avait originellement pour vocation d’encourager les fusions entre banques saines pour consolider le secteur et créer des groupes de taille régionale. Cette loi exceptionnelle votée après la guerre donnait une latitude exceptionnelle à la Banque centrale pour résorber ce que les banques pouvaient avoir accumulé comme pertes latentes pendant la période de la guerre. L’objectif était d’encourager les fusions par des prêts subventionnés de la Banque centrale destinés à absorber les coûts relatifs à l’opération, à savoir les réductions de personnel et le rachat des licences bancaires. Éviter un risque systémique Mais, dans les faits, elle n’a pas été utilisée de cette façon, les rares tentatives de rapprochement entre pairs ayant échoué. Et la loi a surtout servi à régler les problèmes de banques en difficulté. Les prêts accordés par la BDL ont couvert les pertes d’établissements au bord de la faillite. Les administrateurs et les actionnaires n’ont subi aucune sanction tandis que le coût de leur mauvaise gestion a été assumé par l’ensemble des Libanais par l’intermédiaire de la création monétaire. La logique invoquée par le gouverneur, Riad Salamé, est celle de la préservation globale du secteur bancaire : porter secours à une banque évite un risque systémique dont le coût serait nettement supérieur à celui de la sauvegarde d’un seul établissement. Ainsi, fait-il valoir, les différentes opérations de fusion-acquisition réalisées depuis dix ans ont permis de préserver l’équivalent de trois milliards de dollars de dépôts, pour un coût estimé à environ 500 millions de dollars par divers experts. Ce souci de préservation du système bancaire est tout à fait légitime, mais la question est de savoir si la méthode est bonne. Plusieurs économistes mettent en évidence les effets pervers du mécanisme. « Au lieu d’apurer le secteur, le système a contribué à perpétuer les problèmes de certaines petites banques », déplore notamment Charbel Nahas. La politique monétaire menée ces dernières années a consisté à garantir à tout prix l’afflux de capitaux vers le Liban, c’est pourquoi « les autorités se sont attachées à donner l’impression qu’une banque libanaise ne casse jamais, de même que la livre libanaise », poursuit l’économiste. Cette stratégie a abouti à déconnecter la rémunération des risques encourus. Sachant que le mécanisme en place garantissait contre toute défaillance, certains déposants pouvaient placer leur argent sans crainte dans les petites banques mal gérées pour encaisser des taux d’intérêt plus élevés qu’ailleurs, alors que cette différence de rémunération est censée justement refléter un risque plus grand. « En général, quand une banque est en difficulté, la situation pourrit pendant plusieurs mois, voire des années. Pendant ce temps, la banque fait de la cavalerie. Elle surpaie les dépôts et, au final, les déposants qui participent à cette cavalerie s’en sortent à 100 %, intérêt et capital, alors que s’ils étaient partie prenante dans une liquidation normale, ils subiraient le contrecoup des risques pour lesquels ils ont été rémunérés », poursuit Charbel Nahas. Le coût est transféré sur la société Résultat, quand un problème surgit dans une banque au bord du défaut de paiement, grâce à la solution « à la libanaise », destinée « à ne pas faire de vagues », ni les gros déposants ne subissent le contrecoup du risque pris ni les actionnaires ne sont mis à contribution pour combler les pertes. En revanche, le coût est dilué sous forme d’inflation : la subvention accordée par la Banque centrale correspond à de la création monétaire. « La loi sur les fusions bancaires n’a pas atteint son objectif. Elle a uniquement servi à éviter des sanctions à ceux qui ont fait courir des risques au secteur », commente un banquier. « C’est un coût financier, économique et moral, transféré sur la société. » En résumé, la loi revient à faire payer à l’économie nationale, à travers la hausse des prix induite par la création monétaire, les erreurs de gestion, voire les malversations qui ont été faites dans les banques en difficulté. En théorie, le droit de pousuivre les débiteurs ou les administrateurs ne tombe pas. Chadi Karam, récemment nommé président de la Banque Libanaise pour le Commerce, pour tenter de redresser l’établissement dans lequel la Banque centrale a été obligée d’injecter 100 millions de dollars de capital, estime même que l’intérêt financier de poursuivre subsiste. « La motivation de poursuivre est intacte, car tout l’argent récupéré va directement en bénéfices », explique-t-il. Dans les faits pourtant, la vingtaine d’opérations de sauvetage de banques en difficulté se sont rarement accompagnées de poursuites judiciaires, note un banquier, et les responsables, bien connus, n’ont jamais été inquiétés. Certaines banques ayant acquis des établissements en difficulté ont en effet mis sur pied des unités de recouvrement de créances, mais la procédure, longue et fastidieuse, n’est pas systématique, d’autant que les pertes sont de toute façon compensées par la subvention accordée par la Banque centrale. Ainsi, les bénéficiaires principaux de la loi sur les fusions sont les administrateurs, les actionnaires et les débiteurs des banques rachetées, qui s’en seraient sortis moins royalement dans le cadre de la procédure normale de liquidation prévue par le code de la monnaie et du crédit. Le mécanisme habituel, court-circuité par la loi sur les fusions, place l’Institut de garantie des dépôts en première ligne. Celui-ci rembourse les petits déposants et se substitue à eux pour poursuivre les actionnaires et les administrateurs de la banque. Parallèlement, la BDL injecte de la liquidité dans la banque en difficulté pour dégager les déposants contre la prise en réméré ou en propriété définitive d’actifs cédés par les administrateurs et actionnaires de la banque et pour poursuivre les débiteurs. « Il est temps de revenir à cette procédure et d’en finir avec la loi d’exception », estime Charbel Nahas. Sibylle RIZK
La récente affaire de la banque al-Madina relance le débat sur l’opportunité de prolonger la loi sur la promotion des fusions bancaires souhaitée par la Banque centrale et l’Association des banques du Liban. Adoptée en 1993 et prolongée une première fois en 1998, la loi est arrivée à échéance en 2002, en attendant une décision pour son éventuelle reconduction. Ce vide juridique...