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Actualités

Un décret de normes non appliqué, une nouvelle loi en préparation (photos)

Le cafouillage actuel dans le secteur de l’enseignement supérieur s’est produit progressivement, avec une accélération remarquable durant les sept dernières années. Une loi pour l’organisation de l’enseignement supérieur a été votée en 1961 et devait être suivie d’un décret d’application... qui n’a vu le jour qu’en 1996. Entre-temps, les années se sont succédé, dont les années de guerre au cours desquelles certaines universités ont été fondées, alors que d’autres, qui existaient déjà, ouvraient de nouvelles filiales ou créaient des facultés sans autorisation. À cela se sont ajoutées des demandes de permis qui affluaient au fil des ans. «Tout cela a créé un état de fait accompli dont il fallait s’occuper », explique Fadia Kiwan, ancien conseiller du ministère de l’Enseignement supérieur et de l’Éducation, dans le premier gouvernement d’après Taëf, reconduite à ce poste par le ministre Michel Eddé en 1992. « À l’époque, il fallait dépoussiérer les dossiers, reconstituer les archives et demander aux universités de compléter les dossiers qui se rapportent à leurs activités. En ce qui concerne les demandes de nouveaux permis, nous ne pouvions trancher pour ou en défaveur d’une demande quelconque sans recours aux normes scientifiques. » Voilà comment le travail pour l’élaboration d’un décret sur les normes et les critères a commencé. « Nous avons entrepris de geler les demandes durant quatre ans, le temps que le décret soit élaboré », ajoute Mme Kiwan. « Nous avons reçu l’appui de la Banque mondiale, de l’Unesco et du Pnud, qui a résulté en l’affluence d’experts internationaux. On a fait appel à la communauté scientifique dans les secteurs public et privé. L’Onu s’apprêtait à nous offrir une aide, et nous avions négocié l’obtention des fonds nécessaires pour réformer l’enseignement supérieur. » C’est à la fin du mandat de Michel Eddé, en 1996, que le décret des normes et des critères pour l’ouverture et le fonctionnement des établissements d’enseignement supérieur a vu le jour. Il prévoit la création d’une commission technique, formée d’universitaires, qui formule un avis sur les dossiers de permis. L’avis de cette commission, qui n’est malheureusement pas contraignant, est transmis au Conseil de l’enseignement supérieur qui, s’il l’approuve, soumet la proposition au Conseil des ministres. Le Conseil de l’enseignement supérieur est formé du ministre et du directeur général concernés, du directeur général du ministère de la Justice et du recteur de l’Université libanaise (UL). Durant les deux années qu’a duré la préparation du décret, raconte Fadia Kiwan, les demandeurs de permis « nous ont véritablement harcelés ». « Certains ont été jusqu’à ouvrir leurs établissements avant même que le décret ne soit prêt », ajoute-t-elle. Un grand nombre de ces établissements naissants avaient alors une coloration confessionnelle bien précise. Le décret qui définissait les normes a été adopté en octobre 1996. Il s’agissait du décret n°9 274, qui a été suivi d’un décret plus spécifique, le n° 8 864, qui détermine les conditions de création des instituts universitaires de technologie chargés de décerner des diplômes universitaires de technologie (DUT). Le jour où le Conseil des ministres a finalement entériné le décret, il a en même temps régularisé la situation de plusieurs établissements. Des irrégularités à la pelle La question qui se pose aujourd’hui est la suivante : ce décret est-il réellement appliqué ? Ses recommandations sont-elles respectées ? Selon Mme Kiwan, « le décret des normes et des critères n’a jamais été vraiment appliqué, et il a même été progressivement oublié ». Elle ajoute : « S’il était appliqué aujourd’hui, il serait susceptible de réguler le secteur. » D’autant plus que, suite à la création d’établissements à caractère confessionnel (que revendiquaient certaines communautés), ce sont des établissements à but lucratif qui ont commencé à se multiplier. Tout en reconnaissant que les décrets parus 35 ans après la loi constituent « un pas géant positif », Henri Awitt, membre de la commission technique et rapporteur de la commission des équivalences, relève un certain nombre de lacunes. La première lacune est inhérente à la définition du rôle de la commission technique dans la loi. « Son avis est uniquement consultatif », précise-t-il. « D’ailleurs, il est arrivé que le Conseil de l’enseignement supérieur donne un avis favorable concernant un dossier pour lequel la commission n’avait pas donné son accord. Il est également arrivé que le Conseil émette un jugement sur un dossier dont il a reçu une version différente de celle envoyée à la commission. Quoi qu’il en soit, même si le Conseil de l’enseignement supérieur émet un avis négatif sur un dossier, la décision finale revient au Conseil des ministres. » Autre lacune : l’autorisation d’ouverture d’un établissement est donnée une fois pour toutes, sans possibilité de révision ou de suivi. « Ce qui permettrait de réduire le chaos qui règne sur le secteur, estime M. Awitt, c’est d’accorder une autorisation étalée sur deux étapes. La première serait consécutive à l’examen du dossier écrit. La seconde, finale, ne serait obtenue que si le suivi établit le sérieux de l’enseignement prodigué par l’établissement après son ouverture. » Vu toutes les irrégularités qu’il dénonce, pourquoi ne démissionne-t-il pas ? « Beaucoup souhaiteraient supprimer le rôle que joue la commission technique, souligne-t-il, or elle constitue une référence qui ne doit pas disparaître. » Un contrôle tardif Toutefois, une lueur d’espoir luit dans le sombre tableau de l’enseignement supérieur très souvent brossé par les responsables pédagogiques. La commission parlementaire de l’Éducation a récemment recommandé au Conseil des ministres le gel de l’octroi de nouvelles autorisations et se prépare à élaborer une nouvelle loi sur l’organisation du secteur. « Nous préparons, en collaboration avec des représentants des universités libanaises prestigieuses, une nouvelle loi qui prenne en compte tous les aspects du problème de l’enseignement supérieur », affirme Bahia Hariri, présidente de la commission. « On ne peut pas continuer comme cela », estime-t-elle. « Il y a des abus qui se commettent, mais il ne faut pas non plus mettre toutes les nouvelles universités dans le même sac. Ce serait injuste pour elles. Voilà pourquoi il est crucial que nous définissions des normes qui régissent tout cela. » Selon Mme Hariri, le vote de la loi est imminent. Le texte (qui doit, à terme, supplanter la loi de 1961) est discuté dans des commissions de plus en plus élargies, avec un comité de personnalités issues du milieu universitaire. M. Awitt se félicite de ces discussions qui déboucheront, selon lui, sur l’élaboration d’un texte complet qui sera soumis, en dernière étape, au Parlement. Toutefois, le vote d’un nouveau texte changera-t-il grand-chose à la situation actuelle s’il n’est pas proprement appliqué et s’il n’instaure pas un véritable système de suivi ? Malgré le scepticisme affiché par beaucoup d’observateurs sur les capacités de suivi du secteur public, le directeur général du ministère de l’Enseignement supérieur, Ahmed Jammal, assure qu’il a commencé à collecter des informations complètes sur les nouveaux établissements et à effectuer des tournées dans tous leurs campus dès mai 2002. Ce n’est pas trop tôt, sachant que certains permis ont été accordés dès 1996... Mais pour M. Jammal, cette procédure, bien que tardive, ne peut être que positive. « Nous n’avons constaté d’abus majeurs que dans deux établissements », raconte-t-il, précisant qu’il n’a pas procédé à leur fermeture immédiate. « La plupart des autres universités et instituts ne sont pas en conformité totale avec les normes du décret et avec les informations rapportées dans leur dossier initial. Le plus grand problème que nous avons rencontré est l’ouverture de branches non autorisées dans les régions. Mais dans la majorité des cas, les problèmes ne sont pas dramatiques comme certains veulent bien le faire croire. » « Quand je visite un établissement, je constate tout de suite les anomalies au niveau du campus », assure le directeur général. « Le niveau de l’enseignement ne peut être évalué que par un examen du niveau des professeurs qu’emploie l’institution, notamment le taux de détenteurs de doctorat parmi eux. Nous nous assurons qu’il y a un doyen pour chaque faculté, etc. » M. Jammal nous apprend qu’il a envoyé des avertissements écrits aux établissements qui devraient améliorer leur situation, et qu’il leur a donné un délai d’un an pour effectuer les réformes nécessaires. Faut-il, donc, s’attendre à des mesures drastiques ? « Nous procéderons certainement à la fermeture des branches qui n’auraient pas obtenu d’autorisation », assure-t-il. Il fait cependant remarquer que « le décret 9 274 a placé la barre trop haut » et que, s’il devait l’appliquer texto, « la majorité des établissements au Liban seraient fermés ». Voilà pourquoi, selon lui, il faut exercer un suivi régulier, s’assurer que les établissements respectent les normes et compter sur leur volonté de s’améliorer, surtout quand ils veulent voir leurs diplômes homologués par la commission des équivalences, ce qui, pour l’instant, n’est pas le cas...
Le cafouillage actuel dans le secteur de l’enseignement supérieur s’est produit progressivement, avec une accélération remarquable durant les sept dernières années. Une loi pour l’organisation de l’enseignement supérieur a été votée en 1961 et devait être suivie d’un décret d’application... qui n’a vu le jour qu’en 1996. Entre-temps, les années se sont...