Une société permissive en matière de tabac

En tant que titulaire d’un diplôme de tabacologie, le Dr Béatrice Chami est habilitée à mener des campagnes de sensibilisation aux dangers du tabac dans les écoles et dans les entreprises. Elle ne peut s’empêcher de faire des réflexions amères sur la place qu’occupe encore le tabac dans notre société. « Notre société encourage l’individu à fumer, dit-elle. À commencer par les publicités de cigarettes qui ne font l’objet d’aucune restriction. Les tentations sont nombreuses dans nos milieux parce que fumer reste la norme, non l’exception. L’individu qui décide d’arrêter de fumer ne trouve par conséquent pas beaucoup d’encouragement. » Selon le Dr Chami, l’État assume une grande part de responsabilité. « Il serait préférable que l’État interdise les publicités de tabac et augmente le prix des cigarettes, suggère-t-elle. De plus, les paquets de cigarettes importés au Liban ne comportent pas de précisions concernant les dosages parce que le gouvernement n’exige pas de telles informations. » De par son expérience dans les campagnes scolaires, le Dr Chami constate que la prévention dans les écoles reste assez maladroite. « On table toujours sur les risques encourus par le fumeur, oubliant que les adolescents recherchent le risque, constate-t-elle. Les nouvelles techniques de prévention consistent à montrer aux adolescents qu’ils sont la cible d’une manipulation provenant des compagnies de tabac. S’ils veulent se révolter, c’est contre cet état de fait qu’ils doivent le faire. La plupart du temps, les adolescents ne sont pas au courant du phénomène de la dépendance. Or, 25% des jeunes qui commencent à fumer deviendront dépendants. » Elle ajoute : « Il ne faut pas perdre de vue que les adolescents qui se droguent ont tous commencé par fumer. L’inverse n’est pas vrai, évidemment. » Pour ce qui est des entreprises, le Dr Chami fait remarquer que la plupart d’entre elles tolèrent encore le tabac dans leurs locaux. Elle rappelle que, outre le désagrément pour les non-fumeurs, le tabagisme passif est excessivement dangereux et qu’il représente un risque accru de cancer des poumons.