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Sécurité - Le dernier vol supplémentaire MEA Abidjan-Beyrouth est arrivé hier Le désarroi des Libanais de Côte d’Ivoire (photos)

Des valises pleines à craquer, des poussettes, des femmes et des enfants. Un aéroport bondé de familles venues de tous les villages des cazas de Tyr et de Saïda, mais aussi de Chartoun, d’Amioun et du Akkar. Et un Airbus A300 transportant 291 passagers qui prend du retard. Le dernier vol supplémentaire de la Middle East Airlines, en provenance d’Abidjan, a atterri hier à 20h40. À son bord, 291 passagers, des enfants et des femmes pour la plupart, qui ne savent pas s’ils rentrent au Liban pour un long congé (les écoles françaises d’Abidjan ont prolongé de 20 jours leurs vacances d’hiver) ou pour ne plus jamais revenir dans un pays où ils ont gardé de la famille, des commerces et plein de souvenirs. Les hommes sont restés en Côte d’Ivoire pour préserver foyers, petits et grands commerces, et industries. Et ceux et celles qui ont emprunté le vol d’hier pour rentrer à Beyrouth ne savent que trop bien que leur vie, construite au fil des ans en Afrique, est en danger. « Notre indice de sécurité était les ressortissants français : ils sont partis. Si jamais les Africains décident de s’en prendre aux étrangers, ce sont les Libanais qui seront les premiers touchés », affirme un Libanais d’Abidjan, originaire de Abbassiyé (Tyr), rentré il y a un mois et qui attendait ses neveux, hier à l’AIB. Il est revenu au Liban parce que l’un de ses amis, originaire de Deir Kanoun el-Nahr (Tyr), Issam Ezzeddine, avait été tué par les rebelles à Yamassoukro. Lui et d’autres Libanais, qui étaient rentrés au début des événements de septembre, sont au chômage. Abbas, industriel, est parti avec sa famille à Abidjan quand il avait quatre ans. Il sait que ses usines de Côte d’Ivoire peuvent être saccagées à tout moment. Il avait tenté, en vain, de monter une entreprise au Liban. « Je ne suis pas habitué à travailler ici », dit-il. Un nombre non négligeable de ceux qui sont rentrés hier sont nés en Côte d’Ivoire ou ont passé leur enfance et leur jeunesse dans ce pays. Ils étaient plus émus que les autres, quand l’avion a atterri en soirée à l’AIB. « En Afrique, on peut vivre dignement pour peu d’argent. Les écoles privées coûtent deux fois moins cher qu’au Liban, on n’a pas fait des économies », indique une quadragénaire, originaire de Cana (Tyr), née à Abidjan. « Après les Français, ce sera votre tour » Amale, elle aussi née en Côte d’Ivoire, originaire de Deir Kanoun el-Nahr, est rentrée avec ses quatre enfants, dont l’aîné est âgé d’une dizaine d’années. Son mari est resté à Abidjan. « Les commerces sont fermés, la vie devient de plus en plus difficile, et ces derniers jours, nous n’osions même plus sortir », dit-elle, expliquant qu’à « chaque fois qu’on mettait la tête dehors, quelques Africains commençaient à nous menacer : “Après les Français, votre tour arrivera” ». Sa mère, venue avec elle d’Abidjan, renchérit : « Mais les Français ont un gouvernement qui s’occupe d’eux, qui les protège ; nous, nous n’avons personne. » « Vous avez vu les soldats français qui entouraient les avions qui avaient rapatrié les ressortissants vers l’Hexagone ? Notre gouvernement a décidé d’ajouter en deux semaines uniquement quelques vols supplémentaires », s’indigne-t-elle. Hyam, la cinquantaine, est rentrée avec une quinzaine de ses proches. D’autres amis sont restés en Côte d’Ivoire malgré le fait qu’ils veulent rentrer à Beyrouth. « Ils n’ont pas les moyens d’acheter un billet pour le retour (le prix de l’aller-retour Abidjan-Beyrouth s’élève à 1 200 dollars) », explique-t-elle. Carole Khalil, qui insiste à dire qu’elle est du Liban-Sud, « car la Côte d’Ivoire c’est tout le Sud », a les yeux bouffis. Elle a dû pleurer tout au long du vol. Elle est arrivée à l’AIB avec ses deux enfants. « Je me sens comme une réfugiée, une expatriée », soupire-t-elle. « Le gouvernement ne pense même pas à nous, il faut voir les Libanais d’Abidjan qui font la queue, humiliés, pour prendre le vol supplémentaire », dit-elle. Élie, 12 ans, originaire de Chartoun, a pris seul le vol Abidjan-Beyrouth, lundi dernier. Hier, sa mère et sa petite sœur l’ont rejoint. « Lundi matin, nous nous étions rendus avec mon père à l’aéroport, mais ils ne nous ont donné qu’un seul billet, je suis donc venu seul à Beyrouth », raconte-t-il. Laurence, la grand-mère d’Élie, qui a vécu plus de quarante ans en Afrique, s’indigne. Elle veut que le gouvernement libanais « soit plus impliqué », qu’il vienne en aide aux « Libanais d’Afrique ». « Mon fils est né au Sénégal… et si ma belle-fille a décidé de rentrer avec les enfants, c’est que la situation va vraiment très mal », dit-elle. La fille et le petit-fils de Wafa, originaire d’Irzli (Saïda,) viennent de franchir la porte d’arrivée. La quinquagénaire ouvre un sac, déplie un petit manteau blanc tout neuf. Sur son bras droit, elle porte un autre manteau d’adulte, couleur bleu marine. « Batoul et Ali doivent avoir froid ; ma fille ne comptait pas revenir en hiver », dit-elle. À la sortie de l’aéroport, deux jeunes adolescents, nés à Abidjan, attendent devant les bagages. Avec un accent africain, l’un demande à l’autre : « Ça va ? » L’autre répond : « Si ça ne va pas, ça ira. » Patricia KHODER
Des valises pleines à craquer, des poussettes, des femmes et des enfants. Un aéroport bondé de familles venues de tous les villages des cazas de Tyr et de Saïda, mais aussi de Chartoun, d’Amioun et du Akkar. Et un Airbus A300 transportant 291 passagers qui prend du retard. Le dernier vol supplémentaire de la Middle East Airlines, en provenance d’Abidjan, a atterri hier à...